Homélie pour les obsèques de frère Guy Alanic, le 14 mars 2021

« Laetétur cor quaeréntium Dóminum » : « Que se réjouisse le cœur qui cherche Dieu ». Tel est le chant d’introït avec lequel nous avons ouvert cette cérémonie. Ce choix est atypique. Nous avons plutôt l’habitude de chanter « Requiem aeternam dona ei Domine ». Seulement voilà : notre frère Guy était aussi en un certain sens atypique. Et puis surtout, la joie était sa vie !


Oui ! la joie était sa joie ! Pour notre frère Guy, « comment… je dirais bien », la joie était simple et enfantine. Son sourire n’était jamais un demi sourire. Il illuminait son visage tout entier, y compris samedi dernier lorsque je lui ai proposé de prendre une photo pour ses sœurs. Dans un mouvement lent et précis, il a ôté son masque respiratoire et dans un effort rendu presque facile tant il était mû par l’affection, il a souri de tout son cœur.

Enfantine, cette joie n’était pas pour autant facile. La dégradation de sa santé avec deux cancers, dont le dernier l’a emporté, a eu une influence sur son comportement, et le besoin de sécurités très humaines s’est fait sentir et s’est même réalisé parfois de manière imprévisible dans un cadre monastique. Pourtant, revenu de ses errements, le frère Guy reconnaissait humblement qu’il s’était trompé, qu’il n’aurait pas dû agir ainsi.


Notre frère Guy était de ses âmes très sensibles dont il apparaît assez vite qu’elles ne sont pas faites pour la terre et ses batailles. « Je suis rentré pour sainte Anne », aimait-il à m’expliquer, dans une circonvolution presque rituelle de « comment, je dirais bien », formule tout à fait personnelle qu’il maniait aisément. Oui, notre bonne Mère sainte Anne occupait une place de choix dans sa vocation vers Kergonan. Son ancien Père Maître m’écrivait récemment : « Fr Guy était resté un enfant terriblement blessé. Il a beaucoup souffert et il a été très courageux. Par Marie et par l’Église (en particulier dans la liturgie), il avait rencontré très tôt (dès l’enfance) le mystère du Père qui accueille les petits et les pauvres, et c’est ce qui lui a donné la force de ne pas couler (malgré des années très dures), et même d’oser quitter sa vie bien réglée et relativement confortable de fonctionnaire des impôts (« comme saint Matthieu », aimait-il dire) pour suivre le Christ, d’abord au séminaire, puis au monastère. (…) Je pense que c’est au monastère qu’il a eu les années les plus heureuses et les plus pleines de sa vie ».

Vous comprenez donc, combien ces béatitudes chantées par Jésus dans l’évangile, font un bel écho avec la vie de notre cher frère ! « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux. Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés ». Puisse cette béatitude, en particulier, s’appliquer à lui, maintenant. Quelle joie de penser à cet instant où notre frère Guy croisera le regard de notre Père du Ciel, lui qui n’a croisé sur terre qu’une seule et unique fois le regard de son papa, qu’il n’a pour ainsi dire jamais connu…


Parmi nous, frère Guy avait aussi ses marottes ! Son goût pour les automobiles par exemple, un peu comme les grands-enfants. Et ce goût s’est providentiellement manifesté jusqu’à son retour parmi nous lundi dernier depuis l’hôpital d’où il fut conduit ici dans une belle voiture.

Frère Guy vivait avec les anges ! Combien de dessins d’angelot a-t-il réalisé ! C’était une de ses manières de témoigner de son amour ou de sa reconnaissance vers les frères. Parfois même l’angelot tournait au nounours. Forcément, cela surprenait, car dans un monastère on essaie d’être un peu sérieux. Mais quand on a tellement souffert, les « manières » passent souvent au second plan et seul compte l’amour donné et reçu. Il aimait bien dire aux frères qu’il les aimait, même si sa très grande sensibilité lui rendait certaines difficultés fraternelles démesurément douloureuses. Il n’est reste pas moins que sa fidélité dans les amitiés était bien réelle et entretenue.


Et voici que le Seigneur s’est donc plu à le rappeler, un peu trop tôt à notre goût. Si le frère Guy aimait prendre son temps, il n’a pourtant pas paru inquiet en sentant son Seigneur venir vers lui. De ce point de vue, aucun tourment n’a eu de prise sur lui. Sans doute, aux yeux des hommes il a paru mourir, mais en vérité l’espérance de l’immortalité l’a comblé. C’est pourquoi nous espérons que lui qui fut fidèle dans l’amour, se trouve au plus vite auprès de Dieu.


Prions donc pour le repos de son âme. Prions aussi pour ceux qui restent ici-bas et pour lesquels la séparation est déchirante, et je pense ici en particulier à vous deux Liliane et Marie-François, ses deux sœurs, ainsi qu’à toute votre famille. Nous savons que notre frère Guy ne nous oubliera pas : il était trop fidèle en affection.


Que Dieu l’accueille.

Que Dieu nous vienne en aide.


Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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