Homélie pour la solennité des saints Pierre et Paul, 29 juin 2024

L’Église célèbre aujourd’hui dans une même solennité les apôtres Pierre et Paul. Ils sont tous les deux les colonnes de l’Église. L’évangile que nous venons d’entendre nous le dit clairement à propos de Pierre : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Mt 16, 18). Et la Tradition lui associe la figure de Paul qui, comme lui, a subi le martyre à Rome. La préface que nous allons chanter tout à l’heure met en parallèle ces deux hommes qui ont joué un rôle capital dans les premières heures de l’Église naissante. Tous deux ont contribué à mettre la foi en lumière. Pierre a été le premier à la confesser lorsque, sous l’action de l’Esprit Saint, il a proclamé la divinité du Seigneur Jésus. Paul en a admirablement déployé le contenu dans ses épîtres, où il scrute en profondeur le mystère du Christ. La préface poursuit en marquant la distinction entre les vocations des deux saints. Le premier a institué l’Église primitive parmi le reste d’Israël, tandis que le second fut le maître et le docteur des nations appelées au salut.

Dans sa lettre aux Galates, saint Paul explique lui-même cette complémentarité entre sa mission et celle de Pierre : « L’annonce de l’Évangile, écrit-il, m’a été confiée pour les incirconcis, comme elle l’a été à Pierre pour les circoncis » (Ga 2, 7). Il était important que les Juifs reçoivent l’annonce du salut qui était l’objet de leur espérance depuis des siècles. Israël constitue le peuple choisi par Dieu dès la première alliance. C’est par lui que le salut devait être communiqué au monde entier. C’est au sein de ce peuple que le Fils unique de Dieu a pris notre chair pour nous racheter du péché. C’est parmi les fils d’Israël que Jésus a choisi ses apôtres. Car le salut vient des Juifs. L’Église naissante ne pouvait en aucune façon se désintéresser du peuple de l’ancienne alliance puisque c’est de lui qu’elle a surgi. Et Pierre a été appelé à annoncer aux fils d’Israël la bonne nouvelle de la rédemption en Jésus Christ. Il faut dans l’Église des hommes qui mettent en valeur la continuité du dessein de Dieu. Des hommes qui s’adressent à ceux qui leur sont proches pour leur indiquer les inflexions du chemin qu’ils suivaient déjà. Ces hommes, comme Pierre, incarnent la stabilité du projet de Dieu pour l’humanité. Ils sont nécessaires à l’Église, et l’on en trouve dans toutes les communautés tant paroissiales que religieuses.

À côté de la vocation de Pierre, il y a aussi celle de Paul, appelé à annoncer l’Évangile aux nations païennes. Si au cours de l’ancienne alliance, Dieu s’est choisi un peuple particulier, ce n’est pas pour limiter les destinataires de ses bienfaits à une petite portion de l’humanité, mais c’est pour qu’Israël soit le canal de la grâce accordée à tous les hommes. « Je fais de toi la lumière des nations, dit le Seigneur à son peuple dans le deuxième chant du serviteur, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre » (Is 49, 6). Et Paul a reçu par grâce la révélation de ce mystère, comme il l’explique dans son épître aux Éphésiens : « Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus » (Ep 3, 6). Pour répondre à l’appel qu’il avait reçu de proclamer l’Évangile aux païens, saint Paul n’a pas hésité à se tourner vers les périphéries, pour reprendre le vocabulaire d’un pape du XXIe siècle. Il n’a pas craint d’emprunter des pistes inexplorées jusqu’alors. Pour remettre en question l’exigence de la circoncision, il fallait, reconnaissons-le, une certaine audace. Celle-ci a été nécessaire pour ouvrir aux païens l’accès au salut. Pour être fidèle à sa mission universelle, l’Église a besoin d’hommes comme saint Paul, qui mettent en lumière la nouveauté du salut apporté par le Christ.

À travers les deux apôtres que nous célébrons aujourd’hui, nous pouvons contempler l’immense richesse du dessein de Dieu qui fait collaborer les hommes avec lui de façon très diverse. Loin de se faire concurrence, les charismes pétrinien et paulinien sont l’un et l’autre indispensables à l’Église. « Les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit. Les services sont variés, mais c’est le même Seigneur » (1 Co 12, 4-5). En Pierre et Paul, nous avons un bel exemple de cette complémentarité apostolique qui a permis la diffusion de l’Évangile dans le monde entier. Que la célébration de cette eucharistie soit donc vraiment pour nous une action de grâce pour les dons variés que le Seigneur a déposés dans son Église, dans nos familles, dans nos communautés, et que la participation au Corps et au Sang du Christ soit le ciment de notre unité. Amen.

+ fr. jean-Vincent, abbé

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