Homélie pour le 10e dimanche du temps ordinaire, 11 juin 2023
L’Église nous présente aujourd’hui une page d’évangile tout à fait fascinante : Jésus appelle un homme à le suivre. Cela semble très simple au fond. Mais si nous regardons de près ce qui est écrit, il y a de quoi être vraiment surpris. Il nous est en effet dit que « Jésus vit, en passant, un homme assis à un bureau des douanes ». Il ressort de ces mots une sorte de coïncidence. Une première lecture nous fait penser que c’est presque comme si Jésus n’avait pas fait exprès de passer par là. C’est un peu comme si Jésus s’était dit : « tiens ! En voilà un qui m’inspire, je l’appelle et on verra plus tard »…
Pour mieux comprendre ce passage il convient je crois de chercher justement ce qui anime Jésus à ce moment précis. Ce qui l’anime, nous le savons bien : Jésus fait toujours ce qui plaît à son Père. Ce qui anime Jésus c’est évidemment l’Esprit Saint, cet Esprit du Père qui lui communique la volonté du Père et qui lui donne de faire sienne cette volonté, de la faire passer –si je puis dire– dans sa volonté humaine. Autrement dit si Jésus appelle Matthieu, c’est parce qu’il est sûr de son Père, il est certain qu’en accomplissant la volonté de son Père il assure la mission qui lui a été donnée, confiée.
L’évangéliste Matthieu est le seul qui nomme l’homme appelé par son nom : « Matthieu ». Les autres évangélistes parlent de Lévi. Nous pouvons relever ici la grande délicatesse qui caractérise les évangélistes dans leur narration. Une délicatesse guidée elle aussi par l’Esprit Saint qui les inspire tout en respectant leur style. Matthieu lui n’hésite pas à se reconnaître comme l’objet de ce regard christique, ce regard de Jésus qui vient de se poser sur lui. Dans un regard tout s’est joué. C’est un peu comme pour la conversion d’Alphonse de Ratisbonne, juif lui aussi. Entré dans un église romaine, il écrira plus tard : « Une force irrésistible m’a poussée vers elle, la Vierge m’a fait signe de la main de m’agenouiller, elle a semblé me dire : C’est bien ! Elle ne m’a point parlé, mais j’ai tout compris »1. Matthieu lui aussi semble avoir tout compris dans le regard que Jésus a posé sur lui. Alors il se leva et le suivit.
La scène qui fait immédiatement suite à ce mouvement de Matthieu est tout aussi étonnante. Alors que nous venons d’entendre que Matthieu a suivi Jésus, il semble qu’en réalité ce soit Jésus qui ait suivi Matthieu chez lui ! Nous découvrons ici quelque chose de la personnalité de Jésus. Cette immense délicatesse qui caractérise ici son action au moment d’appeler Matthieu à le suivre.
Jésus se rend donc à ce repas offert par le publicain Matthieu. Et qu’est-ce que l’on trouve comme invités à la table d’un publicains ? Des publicains et les gens qu’ils fréquentent. Les publicains sont regardés comme des collaborateurs. Ils sont chargés par l’occupant de collecter les impôts. Et il n’est pas rare qu’ils en profitent pour en prendre pour eux-mêmes. Jésus accepte de se mêler à eux. Il y vient généreusement, joyeusement même. Il ne fait pas d’histoire. Et justement : pourquoi Jésus ne fait-il pas d’histoire ? Il aurait pu refuser, il aurait pu se tenir à l’écart. Mais non. En choisissant Matthieu il savait bien ce qu’il faisait, ce que son Père lui avait montré à faire. Jésus poursuit encore sa mission en se rendant auprès de ces publicains. Il en donne la raison aux pharisiens qui sont scandalisés par cela. Jésus est un médecin ! Un médecin des âmes. Il peut guérir toute maladie de l’âme et du corps. Nous seulement il le peut, mais il est venu pour accomplir ces guérisons, et les accomplir sans limite de temps ni d’espace, jusqu’à nous sauver. En appelant Matthieu, il le guérit. Et cet enseignement est considérable. Il signifie que le regard que l’on pose sur une personne peut lui donner l’élan pour sortir de son trou. Et lorsque c’est un regard divin… c’est d’une efficacité tout simplement surnaturelle.
Cet appel de Matthieu c’est donc aussi l’appel de tous les pécheurs et les publicains qui ont besoin d’un vrai médecin qui les aime, qui accepte d’être avec eux, et qui puisse les guérir pour toujours, et donc les mettre en marche. C’est ce qui nous est arrivé au baptême. Telle est la mission du Christ. Telle est la mission qu’il a confié à Matthieu au cœur de cette vie qu’il menait jusqu’alors. Cette mission il nous la confie encore aujourd’hui pour notre monde dont tant et tant d’habitants ne savent plus distinguer leur droite de leur gauche. Puissions-nous croiser nous aussi ce regard de Jésus et tout comprendre en un instant. Il nous sera alors donné de rayonner la gloire de Dieu autour de nous.
Amen
1 Source : http://www.seraphim-marc-elie.fr/2021/05/la-conversion-d-alphonse-de-ratisbonne.html