Homélie pour la solennité de la Toussaint 2021

Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus de la Sainte Face ne s’étonnait pas d’être dépaysée sur terre. Elle aimait rappeler que notre Patrie étant le Ciel, il n’y avait rien d’étonnant à ce que nous nous trouvions mal ici bas. Là haut seulement, nous serions vraiment heureux. Malgré ses paroles si fortes, il n’est malheureusement pas si fréquent de tourner notre regard vers le Ciel et ses récompenses.

Aujourd’hui dans l’évangile Jésus nous y invite : « Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! » Jésus vient d’énumérer une suite incroyable de béatitudes. Des béatitudes auxquelles personnes n’auraient jamais pensé, si le Maître lui-même n’en avait chanté la gloire à venir. Et Il conclut par cette exultation.

Malgré cela, malgré cette parole de Jésus, notre tendance naturelle est souvent d’attendre de la terre et des hommes des récompenses terrestres et humaines, à la mesure de nos petites ambitions temporelles. Une pareille attitude revient en quelque sorte à faire semblant et à mépriser la grâce. C’est un peu comme se mettre à supplier le Seigneur, tout en gardant sous le coude une ou deux solutions de rechange, si jamais… si jamais Il ne répondait pas comme nous l’attendons. Il y a dans tout ceci une grave méprise. Une méprise sur la grâce de Dieu notamment. Oui frères et sœurs, quoiqu’il puisse paraître aux yeux du monde, la grâce de Dieu agit toujours, avec ou sans nous et malgré notre péché. Et la croissance du royaume de Dieu est incompressible.

En ces périodes troublées de toutes parts, il est important de nous replonger davantage dans ces vérités théologiques fondamentales, et de laisser à ceux qui s’y complaisent les théories complotistes les plus fumeuses.

La solennité de la Toussaint est une belle occasion de nous rappeler justement que l’Église est sainte ! Nous le proclameront dans le Credo tout à l’heure. Une telle proclamation sur la place publique ferait peut-être aujourd’hui figure de gageure. Prendre du recul et regarder les réalités en lesquelles nous mettons notre foi, est donc primordial. Le catéchisme de l’Église catholique affirme ce qui suit :

« L’Église (…) est aux yeux de la foi indéfectiblement sainte (n°823)… Elle qui referme des pécheurs dans son propre sein est à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement (n°827) ».

« En canonisant certains fidèles, c’est-à-dire en proclamant solennellement que ces fidèles ont pratiqué héroïquement les vertus et vécu dans la fidélité à la grâce de Dieu, l’Église reconnaît la puissance de l’Esprit de sainteté qui est en elle et elle soutient l’espérance des fidèles en les leur donnant comme modèles et intercesseurs (cf. LG 40 ; 48-51).  » Les saints et les saintes ont toujours été source et origine de renouvellement dans les moments les plus difficiles de l’histoire de l’Église  » (CL 16, 3). En effet,  » la sainteté est la source secrète et la mesure infaillible de son activité apostolique et de son élan missionnaire  » (CL 17, 3) ».

À entendre ces affirmations, nous pouvons nous réjouir et légitiment penser que de nombreux saints et saintes sont entrain de se lever parmi nous, puisque nous sommes entrés dans un temps de renouvellement et que nous traversons des moments les plus difficiles de l’histoire de l’Église. Tournons-nous donc vers les saints déjà entrés dans la gloire , afin de solliciter leurs prières, leur aide, leur intercession pour ces nouveaux saints qui sont là au milieu du monde sans que nous sachions les reconnaître.

« (les élus) sont les franges du vêtement divin, devenus l’ornement du Verbe [de Dieu], [lui-même] splendeur du Père. Car depuis que, chef de notre humanité, le Verbe l’a épousée, cette épouse [l’humanité] est sa gloire, comme il est [Lui le Verbe] celle de Dieu. Elle-même cependant n’a d’autre parures que les vertus des saints : parure éclatante, dont l’achèvement sera le signal de la consommation des siècles »,

écrivait Dom Guéranger dans son Année liturgique1.

Oui vraiment,

« L’Église est sainte tout en comprenant en son sein des pécheurs, parce qu’elle n’a elle-même d’autre vie que celle de la grâce : c’est en vivant de sa vie que ses membres se sanctifient ; c’est en se soustrayant à sa vie qu’ils tombent dans les péchés et les désordres qui empêchent le rayonnement de sa sainteté » (n°827).

Confions notre Église et nous-mêmes à l’intercession de la Vierge-Marie, Mère de l’Église et Reine de tous les saints. Elle nous donnera des yeux pour voir les merveilles de Dieu. Elle nous obtiendra la force de la foi, l’espérance dans l’abandon, et la charité dans tous les actes de notre vie.

Amen

1Le temps après la Pentecôte 6, au 1er novembre.

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

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