Homélie pour le 3e dimanche de Pâques 2025
Chers frères et sœurs,
Dans la collecte qui a uni notre prière, au début de cette messe, le texte latin nous offre trois fois le mot joie ! « Que ton peuple exulte toujours Seigneur avec une jeunesse d’âme renouvelée ! Il se réjouit d’être rétabli dans la gloire de l’adoption filiale, qu’il attende le jour de la résurrection avec l’espérance d’une réjouissance certaine. » Et en effet, il y a trois joies qui sont données par Dieu, et qui nous sont montrées dans les lectures de ce jour. Découvrons les trois renouvellements de la jeunesse de nos âmes que le Seigneur nous donne aujourd’hui.
Commençons d’abord par le risque de vouloir nous procurer à nous-mêmes cette joie. C’est ce qui arrive à Pierre et au groupe de disciples qu’il mène : retourner chez soi, reprendre les occupations de leur jeunesse. Malgré les apparitions, les deux apparitions de Jésus à Pâques et au dimanche suivant que raconte l’évangile de Jean quelques versets plus haut. Alors que deux fois Jésus les a a salués, et leur a donné sa paix, ils sont tentés d’annuler les effets de la rencontre avec le Christ dans leur vie.
Les disciples sont sur l’eau, et ont passé toute la nuit sans rien prendre. Jésus se tient sur le bord de la mer, et les appelle en disant : « Les enfants ». L’appel du Christ est un renouvellement, une reviviscence de la grâce de l’adoption filiale, comme nous l’avons dit dans la collecte. Jésus ramène les disciples, et nous ramène, à notre identité fondamentale, notre gloire : être enfants de Dieu. Par ce mot de Jésus, « les enfants », les disciples fatigués sont rappelés comme fils, et nourris de la nourriture préparée et distribuée par le Christ. Jésus lui-même est le vrai poisson. Il s’est offert à l’amour brûlant de sa Passion pour nous racheter. Il est le pain du ciel donné pour notre route. Il nous donne la force de devenir des témoins de sa Résurrection face à toutes les adversités. C’est ce que dit saint Pierre : Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, […] nous sommes les témoins de tout cela. Et l’auteur des Actes de conclure : ils repartaient tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des humiliations pour le Nom.
Il y a une deuxième joie, un deuxième renouvellement, qui nous est montré aujourd’hui. C’est celui qui est vécu par saint Pierre. Dans l’évangile, comme dans la première lecture, il est au centre du groupe des disciples. Il est le symbole et le résumé de ce que tous vivent, et nous le voyons spécialement en sa personne. En cette fin de nuit, Pierre est un pêcheur fatigué, et depuis qu’il a renié Jésus dans la nuit de la Passion, il est aussi un pécheur désabusé, privé d’espérance. À l’appel du Christ, à la voix du frère à côté de lui qui lui désigne le Seigneur, il remet son vêtement, et plonge dans l’eau. Pierre est plongé dans les eaux baptismales, il est revêtu à nouveau de la dignité d’enfant de Dieu, du vêtement du salut, de la jeunesse de l’âme. Il voit Jésus venir vers lui, jusqu’au bord de la mer. Il voit ses filets remplis d’une quantité inimaginable de poissons. Alors l’amour que Pierre a pour Jésus l’emporte sur tout. L’amour dissipe la fatigue, l’amour balaye la honte du reniement, l’amour pousse Pierre vers Jésus-Christ.
Pierre tire à terre les filets, et offre à Jésus les poissons qui sont venus par la parole-même de Jésus. Comme le Christ est lui-même un poisson, disions-nous, ce sont des poissons que Pierre a pris, des êtres semblables à lui. Nous avons à vivre ce que Pierre vit ici. Chaque année, la célébration de Pâques, nous fait replonger dans les eaux, et nous rend la joie d’être fils et filles de Dieu. Nous avons à vivre ce labeur pénible, le danger du désespoir, le saut du cœur, l’élan empressé du désir et de l’amour, l’action de grâce et l’offrande.
Puis Pierre disparaît du récit. Jésus dialogue avec les disciples, il se révèle à eux dans sa résurrection, il les nourrit, il leur donne la vie.
Dans la deuxième partie de l’évangile, le récit se centre à nouveau sur la relation de Pierre et de Jésus, et nous montre la vocation spéciale de Pierre. Dans un dialogue spécial, l’évangéliste nous révèle le privilège de Pierre. Jésus conduit Pierre à voir et à dire tout l’amour qu’il a dans le cœur pour Jésus. Jésus, sans le dire, accorde à Pierre son pardon, et lui révèle sa vocation personnelle : le pécheur désabusé reçoit la joie du pardon ; le pêcheur est appelé à devenir berger, comme Jésus.
C’est une étrange forme de réconciliation après la trahison ; demander : m’aimes-tu ? Le regard de Pierre était encore tourné sur le souvenir de son péché, de sa faiblesse. Jésus tourne ce regard vers le présent et l’avenir. Trois fois, Jésus demande : m’aimes-tu ? Pierre voit, déclare, l’amour réel et pauvre qu’il a pour Jésus. Pierre le dit bien : Seigneur tu le sais, Seigneur, tu sais tout, tu sais comme je t’aime. Pas plus que les autres, pas autant que tu m’aimes, mais je t’aime. Et Jésus révèle à Pierre sa vocation, sa mission, sois le berger de mes brebis. Et comment Pierre sera-t-il berger ? En acceptant de marcher derrière Jésus : Suis-moi. Jésus montre à Pierre le chemin qu’il va parcourir : Suis-moi, et cela te fera passer, comme moi, par le don de ta vie pour mes brebis. La souffrance et la mort pour Jésus que Pierre n’a pas pu supporter de ses propres forces, il trouvera dans la Passion et la Résurrection la force pour les vivre. C’est déjà ce que nous avons entendu dans la première lecture, où Pierre et les Apôtres sont fouettés devant le Grand Conseil. L’amour que Jésus révèle et fait grandir dans le cœur de Pierre est le signe de sa vocation. Ce l’est aussi pour ceux qui succèdent à Pierre, prions pour les cardinaux qui ont la charge d’élire ce successeur : l’amour du Christ est le principal critère de cette élection ! Cet amour est aussi le fondement de la vocation de tous les ministres qui sont appelés à participer à la charge du Christ : évêques, prêtres et diacres, prions pour eux.
Enfin, la troisième joie de ce jour, c’est l’espérance certaine d’être un jour associés à la résurrection et à la vie du Ciel ! La participation aux souffrances du Christ n’est pas le terme de tout : nous aspirons au bonheur que Dieu donnera. Ce bonheur, nous le voyons déjà réalisé dans les anges et les saints qui adorent Dieu et l’Agneau dans la liturgie du ciel.
Voici donc, frères et sœurs, les trois joies de ce jour. Pour le passé, la grâce de l’adoption filiale par la foi, et sa reviviscence ; pour le présent, la révélation de l’amour de Dieu qui brûle dans nos cœurs, pour l’avenir, l’espérance certaine d’être un jour associé à la louange du Ciel. Alors tous nous pourrons dire : J’avancerai vers l’autel de Dieu et de l’Agneau, vers Dieu qui fait toute ma joie, qui fait rajeunir mon âme.