Homélie pour le Jour de Noël, 25 décembre 2024
« Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. » Hier soir, frères et sœurs, le pape François a ouvert la porte sainte de la basilique Saint-Pierre. Par ce geste, il a fait entrer l’Église dans le jubilé ordinaire de l’année 2025. Tous les quarts de siècle en effet, une année sainte nous est donnée pour célébrer dans la joie et l’allégresse la venue du Fils de Dieu dans notre chair. En ce jour de Noël, nous fêtons ainsi les 2025 ans de l’Incarnation. Mais comme l’a rappelé le Saint-Père dans la bulle d’indiction du jubilé, cette année marque également le 17e centenaire du premier concile œcuménique de Nicée. Ce concile, qui s’est déroulé du 20 mai au 25 juillet 325 pour réfuter l’hérésie du prêtre alexandrin Arius, a constitué une étape importante dans l’explicitation de la doctrine de l’Église concernant la divinité du Christ.
Arius n’arrivait pas à concevoir que la divinité du Christ puisse être compatible avec l’unicité de Dieu. Si le Fils est Dieu à l’égal du Père, pensait-il, ne se trouve-t-on pas en présence de deux dieux ? C’est la raison pour laquelle Arius soutenait que le Fils avait été créé par Dieu le Père à un moment donné, et qu’il lui était subordonné. Le prêtre alexandrin ne niait pas que le Christ puisse être considéré comme divin, mais il croyait à tort que son degré de divinité était inférieur à celui du Père. Or entre le Créateur et la créature, il n’y a pas d’intermédiaire. Soit on est Dieu, soit on ne l’est pas. Et si on est Dieu, on l’est pleinement. C’est pourquoi l’opinion d’Arius est fausse. Elle ne correspond pas au témoignage que Jésus nous donne sur sa propre nature divine, lorsqu’il affirme par exemple : « Le Père et moi, nous sommes UN » (Jn 10, 30).
Le Fils unique de Dieu entretient avec son Père une relation de filiation. Et cette relation subsiste de toute éternité. Depuis toujours, le Père engendre le Fils au sein de son éternelle divinité. C’est précisément cet engendrement éternel que nous contemplons en cette Eucharistie, pour le jour de Noël. Dom Guéranger écrit ainsi :
« Le mystère que l’Église honore, en cette troisième Messe, est la Naissance éternelle du Fils de Dieu au sein de son Père. Elle a célébré, à minuit, le Dieu-Homme, naissant du sein de la Vierge dans l’étable ; à l’aurore, le divin Enfant prenant naissance dans le cœur des bergers ; en ce moment, il lui reste à contempler une Naissance bien plus merveilleuse que les deux autres, une naissance dont la lumière éblouit le regard des Anges, et qui est elle-même l’éternel témoignage de la sublime fécondité de notre Dieu. » (Dom Guéranger, L’année liturgique).
Oui, frères et sœurs, dans un acte éternel d’engendrement, le Fils unique de Dieu naît de son Père, qui lui communique sa divinité. Notre deuxième lecture, tirée de l’épître aux Hébreux, nous dit que le Fils est le « rayonnement de la gloire de Dieu, l’expression parfaite de son être ». Le prologue de saint Jean, que nous avons entendu dans l’évangile, est encore plus explicite : « le Fils unique, lui qui est Dieu, lui qui est dans le sein du Père ». Cette divinité du Christ, l’évangéliste nous la fait contempler dès les premiers versets : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. » Un peu plus loin, saint Jean déclare que ce Verbe divin a pris notre chair et qu’il a habité parmi nous, lui que nous connaissons sous le nom de Jésus Christ. Comment les ariens peuvent-ils prétendre après tout cela, que le Christ n’est pas l’égal du Père ?
Cette question ne relève pas d’un débat théologique éthéré, qui n’aurait aucune incidence sur notre vie concrète. Elle revêt au contraire une importance capitale pour notre salut. Si celui qui s’est incarné n’est pas vraiment Dieu, alors notre nature humaine n’a pas été unie à une nature vraiment divine. Et dans ce cas, nous n’avons pas accès à la plénitude de la divinité. Pourtant, saint Jean nous le certifie : « Tous, nous avons eu part à sa plénitude ». Le Christ est pleinement Dieu. Et par un admirable échange, en assumant notre nature humaine, il nous fait partager sa nature divine. Quand il naît dans nos âmes, il nous donne part à la vie divine qu’il reçoit éternellement de son Père. Par l’adoption filiale, il nous associe d’une certaine manière à sa naissance éternelle dans le sein du Père. Les pères nicéens avaient donc raison d’insister sur l’importance de confesser la pleine divinité du Christ. Dans un instant, nous allons reprendre à notre compte la profession de foi qu’ils nous ont laissée. Proclamons donc avec un cœur rempli d’action de grâce notre foi au « Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, consubstantiel au Père, et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes et pour notre salut, il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie, et s’est fait homme » pour que l’homme soit fait Dieu. Amen.
+ fr. Jean-Vincent Giraud