Homélie pour le 3e dimanche de l'Avent, 15 décembre 2024

Ce dimanche nous invite à la joie. Gaudete, chantait l’Introït : « Soyez dans la joie, je le répète soyez toujours dans la joie, le Seigneur est proche ». Cette invitation à la joie répétée deux fois convient bien aux deux jubilés que nous fêtons : celui du 4e centenaire de la découverte de la statue de saint Anne, dans notre diocèse de Vannes, et celui de l’année sainte dans l’Église universelle, qui s’ouvrira la veille de Noël.

Dans la première lecture, le prophète Sophonie invite Jérusalem à pousser des cris de joie : « Réjouis-toi, tressaille d’allégresse ». Le Seigneur a révoqué sa condamnation. Dieu a pardonné, il n’a pas voulu punir. Par conséquent, pour le peuple, il n’y a plus de motif de tristesse, ni de découragement : « Ne crains pas !… Le Seigneur ton Dieu est en toi ; il apporte le salut ». Tout porte à une gratitude joyeuse envers Dieu, qui veut toujours racheter et sauver ceux qu’il aime. Et l’amour du Seigneur pour son peuple est incessant, comparable à la tendresse d’un père pour ses enfants, de l’époux pour l’épouse, comme le dit encore Sophonie : « Il se réjouira pour toi, il te renouvellera par son amour. Il dansera pour toi avec des cris de joie ». L’hébreu dispose de huit verbes pour désigner la danse aux mouvements cadensés, souvent vifs et allègres, scandés par le tambourin et la flûte, au son du cor, de la cithare et des cymbales sonores. La danse exprime la joie du Seigneur en nous, l’Emmanuel, le Dieu avec nous.

À son tour, saint Paul, dans la deuxième lecture, ordonne de se réjouir : la joie est une obligation, qui découle de la présence de Dieu. Dieu est en toi, disait le prophète, réjouis-toi en Dieu, dit l’Apôtre. « Dieu étant en nous, et Dieu étant heureux, la joie doit être au cœur même de notre vie chrétienne » (Dom Paul Delatte). Aussi, l’Apôtre prescrit : « Ne soyez inquiets de rien ». ‘S’inquiéter, c’est se donner bien de l’importance’, disait ma grand-mère. L’inquiétude renferme sur soi-même, elle est un manque de confiance en Dieu. Comme saint Paul, saint Pierre recommande : « De toute inquiétude déchargez-vous sur le Seigneur, car il a soin de vous » (1 P 5, 5-7). Alors même que la vie est semée de difficultés, d’obstacles, d’épreuves douloureuses, le chrétien demeure uni au Seigneur. Et la joie est la rose qui ne fleurit que sur l’arbre de la croix, aimait dire Mr Jean Le Cour Grandmaison, qui a donné les chasubles roses qui servent deux fois dans l’année, pour anticiper la joie de Noël et celle de Pâques. Jésus ne promet-il pas la joie quand il annonce à ses disciples l’épreuve de la Passion ? « Maintenant vous êtes tristes, mais je vous reverrai et votre cœur se réjouira ; et votre joie, nul ne pourra vous la ravir » (Jn 16,22). Après l’amour, la joie est le premier fruit de l’Esprit, la cause et la condition de la charité. « Que votre sérénité soit connue de tous », ajoute saint Paul. La joie est contagieuse, elle rayonne autour d’elle, elle attire. Elle procure une paix communicative. Ainsi le chrétien témoigne plus par ce qu’il est que par ce qu’il dit ou par ce qu’il fait. « Et la paix de Dieu gardera votre cœur » dans cette clôture divine d’où nous ne sortirons jamais car nous y sommes avec Dieu.

Dans l’Évangile, les foules sont attirées par Jean, l’ami de l’Époux, qui se réjouit à la voix de l’Époux. Voilà sa joie, et elle est parfaite. Mais cette joie est le fruit d’une conversion ; aussi ceux qui viennent se faire baptiser par Jean lui demandent : « Que devons-nous faire ? » et Jean demande d’abord de partager le vêtement et la nourriture, c’est à dire d’accomplir les œuvres de miséricorde. Mais ensuite c’est la justice que Jean demande aux collecteurs d’impôts : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé », et aux soldats : « Contentez-vous de votre solde ». La justice et la miséricorde ne sont pas deux aspects contradictoires, mais deux dimensions d’une unique réalité qui est l’amour.

Jean, le précurseur du Messie, annonce un plus puissant que lui qui viendra juger par le feu qui condamne et par l’Esprit qui embrasera le monde à la Pentecôte. Il annonçait donc au peuple « la Bonne Nouvelle », dit saint Luc. Si Dieu pense à punir le peuple infidèle, le prophète Osée, après cette réaction de justice, change radicalement de langage et révèle le vrai visage de Dieu : « Mon cœur se retourne, mes entrailles frémissent. Je n’agirai pas selon l’ardeur de ma colère, je ne détruirai plus Israël, car moi, je suis Dieu, et non pas homme : au milieu de vous je suis le Dieu saint, et je ne viens pas pour exterminer »(11,8-9)

Convertissez-vous ! Tel est le message du Baptiste. Et la liturgie de ce troisième dimanche de l’Avent nous aide à redécouvrir une dimension particulière de la conversion : la joie. Celui qui se convertit et s’approche du Seigneur, éprouve de la joie. Aujourd’hui, il faut du courage pour parler de la joie, en ce monde bouleversé où l’avenir est lourd d’inconnu et de crainte. Mais faisons confiance à Dieu. « La joie est à la mesure de notre foi », disait mère Cécile Bruyère, de Solesmes. Le chrétien est une personne joyeuse et sa joie n’est pas quelque chose de superficiel et d’éphémère, mais de profond et de stable, parce que c’est un don du Seigneur qui remplit la vie. Notre joie découle de la certitude que « le Seigneur est proche » (Ph 4,5) : il est proche avec sa tendresse, sa miséricorde, son pardon et son amour.

Que la Vierge Marie, notre Mère, nous aide à ouvrir nos cœurs au Dieu-qui-vient inonder de sa joie toute notre vie. Amen.

fr. Jean-Gabriel +

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