Temps Ordinaire - Année B-II, 2024 - 13e semaine

Am 9, 11-15 & Mt 9, 14-17 – Samedi 6 juillet

     C’est une sorte de revirement de situation auquel nous assistons dans les lectures de la messe, aujourd’hui. Quelque chose se déplace, une logique divine semble venir faire sa demeure parmi nous. Et elle l’a fait !

     En effet, après la lecture du livre d’Amos hier avec sa faim et sa soif de la Parole de Dieu impossible à assouvir, nous voici aujourd’hui dans un changement complet de décors. Dieu a donc changé d’avis ? En moins de 24 heures c’est le retournement complet. C’est un peu comme la femme enceinte, qui subitement n’est plus enceinte, car elle porte désormais sur son sein l’enfant qu’elle portait auparavant à l’intérieur. Amos annonce la bienveillante miséricorde de Dieu. Quel message prodigieux : Dieu ne peut se résoudre à la déroute de son peuple ! C’est au contraire l’abondance qui est prophétisée ! La venue de la joie, la fin du jeûne et de la pénitence.

     Et justement dans l’évangile, c’est pareil ! C’est tout de même génial cette concordance ! Et en plus, aujourd’hui c’est la grande révélation de Jésus comme époux ! C’est la première fois en Matthieu que Jésus parle de lui comme de l’Époux ! Cette présence de l’Époux manifeste cette même présence de Dieu au milieu de son peuple. Elle manifeste aussi la fin de ce jeûne et de cette pénitence évoqués par le prophète Amos. Tout vient de basculer. Même les disciples de Jean ne s’y sont pas attendu ! Je ne dis pas les Pharisiens qui ont toujours du mal à bouger d’un poil de leurs traditions, mais les disciples de Jean ! Jean Baptiste, celui qui est venu annoncé le Messie : même eux sont étonnés.

     Et au fait c’est quoi la tradition ? D’après Paul Valéry, « la véritable tradition dans les grandes choses n’est point de refaire ce que les autres ont fait, mais de retrouver l’esprit qui a fait ces grandes choses et qui en ferait de tout autres en d’autres temps »1. Si l’on christianise cette citation, il convient d’écrire Esprit avec une majuscule. Oui, il nous faut à nous chrétiens, retrouver l’Esprit qui agit dans le monde et qui peut nous conduire à porter un message hors des sécurités ancestrales de nos petites traditions étriquées. Et cela bouscule et dérange, forcément. Telle est la Vie du Royaume de Dieu ! Une vie qui a besoin de se renouveler afin de ne pas se déchirer elle-même et de mourir.

« Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre » !2

1 Valéry Paul, Tel quel, Paris, Gallimard, 1996 (Collection Folio 292), p. 193.

2 Mt 25, 6.

Am 8,4-6.9-12 & Mt 9, 9-13 – Vendredi 5 juillet

     Le bon moment ! Ce rendez-vous du bon moment traverse chacune des deux lectures que nous venons d’entendre. Mais d’une manière différente et complémentaire. Dans l’évangile Matthieu raconte sa propre vocation. Le récit est limpide, net, sans aucun déchet : Jésus appelle, Matthieu se lève et suit Jésus. C’est tout. Et c’est finalement tout, c’est à dire que c’est la totalité de ce qui lui était demandé : entendre, se lever, suivre. Pas de retard. Pas d’hésitation. Pas de lenteur. Le récit de cet appel est narré de façon plus compliquée dans « the chosen », la série américaine qui propose une mise en scène des événements évangéliques. Ici, Matthieu a saisit le bon moment dans l’appel que Jésus vient faire entendre à son oreille afin de le saisir, lui, Matthieu, un publicain !

     Les pharisiens ne savent pas reconnaître ce bon moment. Ce qui les intéresse, c’est la procédure. Ils ont préféré l’amour de la Loi à la loi de l’Amour. Et Jésus le leur dit clairement : « allez apprendre ce que veut dire cette parole : c’est la miséricorde que je désire, et non les sacrifices », citation du prophète Osée1. Ce chapitre 6e d’Osée est tout entier une invitation à revenir, à saisir le bon moment. « C’est le moment, c’est l’heure de sortir de votre sommeil »2 écrira Paul, dans le même sens. Au livre de l’apocalypse, Jean met dans la bouche de Jésus l’affirmation : « voici que je viens bientôt »3.

     Dans la première lecture, c’est une autre histoire. La première partie pourrait se résumer dans ce titre d’une chanson contemporaine : « it’s always the good time »4. Pour ces hommes il est toujours le bon moment de faire des affaires. Ils ne respectent plus ni Dieu ni homme. La conséquence est qu’ils ne peuvent entendre le temps de la visite de Dieu. Le bon moment n’est plus qu’un prétexte pour se gaver de toute sorte de sucreries mondaines ou économiques ! Mais le jour de la famine, ce jour où ils voudront chercher Dieu dont ils seront affamés, sa voix ne retentira plus à leurs oreilles.

Oui la miséricorde de Dieu est infinie, mais notre part compte. Ne laissons pas passer le temps du bon moment. Levons la tête un instant : le soleil se lève !

1) Os 6, 6.

2) Rm 13, 11 : « Vous le savez : c’est le moment, l’heure est déjà venue de sortir de votre sommeil. Car le salut est plus près de nous maintenant qu’à l’époque où nous sommes devenus croyants ».

3) Ap 3, 11.

4 « C’est toujours le bon moment » (Owl city).

Am 7, 10-17 & Mt 9, 1-8 – Jeudi 4 juillet

     Depuis déjà quelques jours, Jésus fait du bateau ! C’est la quatrième fois qu’il traverse la mer cette semaine. Est-ce à dire qu’il nous mène en bateau ? À vrai dire, la traversée d’une mer est très souvent mise en relation avec la foi. La mer est un élément qui semble solide mais qui demande un intermédiaire entre celui qui veut aller sur cette mer et la mer elle-même : le bateau, quelque soit sa forme parfois réduite à une planche avec ou sans voile ! Le bois figure la Croix de Jésus ; la voile appelle le souffle ; la destination nous parle du port c’est à dire du Père. Tout cela dans la foi.

      Jésus fait aujourd’hui une guérison importante. Si notre foi est plus faible par moment, il peut arriver que la foi de ceux qui nous entourent produise une merveille et alimente notre propre foi. C’est ce qui arrive avec ce paralytique. « Voyant leur foi »1 est-il en effet écrit. Le paralytique n’a pas exprimé de demande de guérison, mais l’attitude de foi de ceux qui le transportent parle fort aux oreilles de Jésus et à son Cœur.

     En somme Jésus a fait cette traversée pour venir guérir cet homme ! C’est un résumé magnifique de l’histoire du salut. Jésus fait tout ce chemin aquatique pour chacun d’entre nous. Il revient sur ses pas pour ne pas s’en laisser perdre un seul. Et même si celui qui est malade ne demande rien, il se trouve des personnes qui l’amènent à Jésus avec foi. Le malade, lui, s’est juste laissé transporter ! Quel enseignement pour nous, lorsque nous n’en pouvons plus, lorsque l’épreuve est trop lourde. Demandons cette grâce de nous laisser déplacer afin de pouvoir bénéficier de la guérison que Jésus peut opérer et veut opérer pour nous, par d’autres dont la foi rayonne !

1) Mt 9, 2.

EP 2, 19-22 & Jn 20, 24-29 – Mercredi 3 juillet – saint Thomas, apôtre

      La fête d’un apôtre est souvent une occasion de nous permettre de reprendre un point capital de notre foi. Chez l’apôtre Thomas, nous rencontrons deux aspects de la révélation. L’un concerne le Père et l’autre le fait de la résurrection de Jésus. Thomas a d’abord refusé de croire parce qu’il n’avait pas vu. Les apôtres sont les témoins de la résurrection de Jésus. Il était donc capital que celui qui devait être témoin fût sûr de lui. Thomas a donc vu, il a mis sa main dans le côté de Jésus. Ainsi de même qu’il a mis sa main dans ce côté, de même nous pouvons mettre notre foi dans le Christ. C’est un même mouvement, d’une certaine manière. L’adhésion de Thomas nous introduit dans le Corps des croyants, dans l’Église : c’est le message de l’épître aux Éphésiens que nous avons entendu. Dès lors nous pouvons nous aussi transmettre, puisque nous croyons parce qu’un membre de notre famille a vu et cru.
Notez que Thomas est un jumeau et qu’en matière de falsification ou d’imitation, il est donc bien placé pour discerner. Les jumeaux savent qu’il est facile de prendre une personne pour une autre : ils en font souvent l’expérience ! Thomas est donc extrêmement fiable.

Son attitude est enfin une occasion pour Jésus de nous « béatifier » ! Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. Le titre de « bienheureux » désigne ceux qui sont béatifiés, c’est dire ceux qui sont faits heureux, étymologiquement. Entrons donc dans la joie ; laissons nous rendre heureux ; laissons la foi de Thomas nous illuminer en laissant Jésus pénétrer notre âme de sa lumière déifique. La foi se partage et se communique, elle est source de joie parce qu’elle nous pose délicatement dans la vérité. Le mensonge au contraire projette dans la tristesse, l’angoisse, la dépression. La vérité, elle rend libre et joyeux. Elle est du côté de la vie !

Am 3, 1-8 & Mt 8, 23-27 – Mardi 2 juillet

     L’évangile que nous entendons aujourd’hui nous rappelle celui de Marc entendu voici peu. Si les détails sont un peu différents, le message est le même : si Jésus dort, notre foi, elle, ne doit pas dormir. Avec le Cantique des Cantiques nous pourrions dire : Jésus dort, mais son Cœur veille1 ! Dans la première lecture il nous est justement révélé que Dieu a choisi le peuple d’Israël parmi tous les peuples. Il l’a choisi pour l’aimer. Et Dieu est fidèle. La suite de cette lecture met en évidence la conséquence des choses qui arrivent. Le hasard n’existe pas, c’est le nom de Dieu lorsqu’il se cache, dit-on.
Tout cela nous rejoint dans nos vies quotidiennes où la présence de Jésus nous semble souvent manquer d’évidence et où les événements nous laisseraient penser que Dieu est absent. Déjà le psalmiste faisait se reproche à Dieu : « Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur? Réveille-toi, ne rejette pas jusqu’à la fin! Pourquoi caches-tu ta face, oublies-tu notre oppression, notre misère? Car notre âme est effondrée en la poussière, notre ventre est collé à la terre »2. Nous devons toujours nous rappeler que cette absence est impossible, même si parfois il ne nous est pas possible d’en comprendre l’apparence.

Sachons aller chercher Jésus là où il se trouve et toujours revenir en ces « lieux » où nous l’avons rencontré, où nous avons connu des moments de plénitudes avec lui. Les époux n’aiment-ils pas revenir au lieu où ils se sont rencontrés ? C’est une nourriture pour notre foi.

1) Ct 5, 2.    2) Ps 43 ( 44), 25.

Am 2, 6-10.13-16 & Mt 8, 18-22 – Lundi 1 juillet

     Jésus est-il agoraphobe ? Ce passage est en effet curieux : « voyant la foule autour de lui, Jésus donna l’ordre de partir ». Avec Jésus il semble qu’il faille toujours partir, on est jamais sûr de ce qui va arriver.

Et puis il y a ces réponses contradictoires : à l’homme qui dit vouloir le suivre partout il ira, Jésus répond qu’il ne s’arrêtera jamais. C’est un peu comme s’il lui disait : je ne vais pas quelque part, je suis le chemin ! Jésus ne sait-il donc pas où il va ? Si. Bien sûr. Mais comme nous l’entendrions. Jésus va partout où l’Esprit le conduit. Or l’Esprit c’est comme le vent : tu ne sais d’où il vient ni où il va1. Donc Jésus n’a pas de maîtrise sur le chemin qu’il est et qu’il prend.

Mais à l’homme qui semble avoir compris et qui demande un peu de temps pour dire au-revoir aux siens, Jésus dit de venir tout de suite.

Bref, Jésus dit finalement : viens tout de suite, on ira où l’Esprit dira. Envisager Jésus dans cette situation, c’est bien moins confortable que de l’imaginez maître de la situation. Comme homme, Jésus vit dans une relation permanente à son Père et sous la motion constante de l’Esprit. Il nous demande d’en faire autant, de vivre de cet inconfort terrestre qui est le prix de la Paix, la vraie.

1) Jn 3, 8.


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