Homélie pour la solennité de Sainte Anne, 26 juillet 2020

Si 44,1.10-15 ; He 11,1-2.8-13a ; Mt 13,11a.16-17

En cette année de grâce 2020, la fête de sainte Anne tombe un dimanche. Si bien qu’en cette abbaye Sainte-Anne de Kergonan, la célébration de la fête d’une femme prend le dessus sur le XVIIe dimanche de l’année. C’est pourtant déjà le Christ que nous fêtons en le magnifiant pour cette femme insigne qui enfanta Marie laquelle deviendra la Mère de Dieu !

Comme nous conduit à le dire la première lecture, c’est du fait de leur descendance unique entre toutes que Joachim et Anne nous sont connus. Unique par tant de grâces, c’est en effet à Marie que nous devons de connaître Anne et Joachim. La bible ne nous dit rien de ce couple. Mais des écrits apocryphes en revanche, rédigés aux 2e et 3e siècles, nous apprennent que ce couple était stérile et n’avait donc pas d’enfant.

Il faut peut-être ici préciser une notion importante. Les écrits dits apocryphes sont des écrits composés habituellement dans une certaine culture du merveilleux, mais qui n’ont pas été retenus dans nos bibles chrétiennes. Trop d’aspects invraisemblables s’y trouvent mêlés à des faits bien plus simples. Ces écrits peuvent être porteurs néanmoins et dans leur style d’une certaine historicité. Ils comportent parfois des informations intéressantes. Deux d’entre eux justement nous disent qui étaient la mère et le père de la petite Marie. Revenons donc à notre couple justement.

Dans la Loi juive, la stérilité était perçue comme une malédiction voire un châtiment. Et bien évidemment, personne dans l’entourage d’un couple ne pouvait ignorer le fait d’une absence de descendance. Ce qui était interprété comme une privation de la bénédiction de Dieu pouvait être l’objet de brimades et de moqueries comme en témoignent certains passage de l’Écriture Sainte (1 Sam 1). Si ces humiliations sont narrées dans ces écrits apocryphes d’une façon qui les rend peut crédibles, l’interprétation de la stérilité comme une malédiction se trouve en effet dans la bible. Il est donc important de le prendre en considération. Nous avons donc un couple qui vit l’épreuve singulièrement lourde d’être privé de progéniture, et celle peut-être pire encore de le vivre comme un rejet de la part de Dieu. Ces faits peuvent nous rejoindre qui que nous soyons et quoique nous vivions, même si les complications que nous pouvons traverser dans nos vies, différent notablement de celles que durent traverser Anne et Joachim. Leur exemple est de nature à nous encourager afin de toujours nous tourner vers Dieu pour attendre de Lui le secours, la sécurité dans l’épreuve et finalement la paix.

L’histoire de ce couple est aussi de nature à nous enseigner que ce qui apparaît aux yeux des hommes et des femmes comme un rejet de la part de Dieu est bien plutôt porteur d’un sens fort différent. Il ne faut jamais oublier en effet que Dieu ne laisse rien au hasard. Il sait ce qui est le mieux pour nous. Il sait aussi que nous ne l’entendons pas spontanément de cette oreille. Il sait qu’il nous faut du temps, souvent beaucoup de temps pour entrer enfin dans le projet qui nous rendra vraiment libre et heureux. C’est donc une dimension de foi et d’espérance que nous transmet ce couple.


Mais ce n’est pas tout. Si l’on ne connaît presque rien de la vie de sainte Anne, nous pouvons voir en sa fille le reflet de celle-ci. En effet, cette femme sut donner à sa fille cette orientation de l’âme qui lui permit d’avancer sans peur sur le chemin que Dieu lui ouvrait. C’est dire combien Anne devait être habitée par le souci de Dieu – ce que l’on appelle plus souvent dans l’Écriture Sainte la crainte de Dieu. Car c’est bien davantage en contemplant doucement les actes importants que peuvent poser des parents, qu’un enfant perçoit la valeur de ces actes. Sans doute, ensuite, une parole pourra venir expliquer et donner le sens de ceux-ci. Mais sans une action claire qui manifeste l’orientation des parents pour des choix qui peuvent être difficiles, aucune parole ne devient convaincante pour l’enfant. En posant concrètement de tels choix de confiance en Dieu, le couple que formait Anne et Joachim a enseigné à la petite Marie que la vie est faite de choix cohérents qui nous engagent. De cette manière l’âme de Marie qui n’avait déjà aucune propension au mal, s’est trouvée affermie dans son amour envers Dieu.


Oui, vraiment bienheureux ce couple d’abord stérile, qui put contempler le premier celle par laquelle devait nous venir le salut de l’humanité toute entière : Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Demandons à ces époux cette grâce insigne de savoir regarder les événements à la lumière que Dieu donne, afin de les méditer dans notre cœur. Ils ont su déposer en Marie cette attitude du cœur, puissent-ils obtenir que Dieu en fasse autant pour chacun d’entre nous.


Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

Catégories : Homélies