Homélie pour la solennité de Ste Benoît, 11 juillet 2020

Pendant quatre mois nous avons pris des précautions de confinement et de dé-confinement, plus ou moins faciles à vivre selon les lieux et les personnes Nous avons été mis à l’épreuve, dans nos santés, nos affections, et aussi dans notre foi et notre charité.


Beaucoup ont pu faire l’expérience de l’hospitalité souvent en famille mais souvent aussi celle-ci a manqué. Nous ne pouvions recevoir chez nous et nous ne pouvions être reçus. Et aujourd’hui comme hier je bénéficie ici avec d’autres de votre hospitalité…


Puisque dans la Règle (ch.53) et dans la vie bénédictine les hôtes sont présents et que le commandement « honore tout homme » fait partie de liste des bonnes œuvres, je vous propose de mettre à profit la fête de saint Benoît pour entendre à nouveau ce que nous dit la Parole de Dieu sur l’hospitalité.

Le sens de l’hospitalité

Nous entendons résonner à nos oreilles la recommandation faite aux chrétiens « persévérez dans l ’ amour fraternel. N ‘oubliez pas l’hospitalité, car c ’est grâce ci elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges » (He 13,2 )


S. Jean Chrysostome disait en parlant d’Abraham et en jouant sur le double sens du mot xenos : « alors qu ’il était sur une terre étrangère, il a été capable, lui le xenos(étranger) de pratiquer l’hospitalité envers les xenoi » (étrangers) (Hom Act 45,3) C’est la « xenophilie , le contraire de la xénopohobie, comprise et pratiquée par ceux qui se reconnaissent pèlerins sur cette terre, qu’ils soient dans le monde ou vivent la stabilité dans leur monastère.


« Nous n ‘avons pas ici-bas de cité permanente mais nous recherchons celle de l ’avenir » He 13,14 « (nos Pères) ont confessé qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre…ils sont à la recherche d’une patrie; ils aspirent à une patrie meilleure, à une patrie céleste »(He 11,12.14)


En vérité, il s’agit de reconnaître dans le pèlerin Jésus lui-même. En la personne de l’hôte, le Fils bien aimé lui-même est accueilli ou repoussé, comme l’indique la parole de Jésus sur le jugement (Mt 25,35-43), et comme le montre la parabole du pauvre Lazare et du riche…


Jésus s’est fait lui-même pèlerin à l’incarnation. « Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu ». De l’étable de Bethléem à la fuite en Egypte et à Nazareth, puis de Nazareth en Galilée. Reçu « à la maison » chez Pierre au bord du lac de Galilée, le Fils de l’Homme arpente les routes « ne sachant où poser la tête ». Mais il partage les repas en s’invitant chez Matthieu, chez Zachée, chez les pharisiens, faisant remarquer que la pécheresse le reçoit mieux que les très religieux pharisiens (Luc 7,44). Reçu chez Lazare, il vient dévoiler son mystère et annoncer plusieurs fois sa passion…


Celui qui sert à table (Le 12,37) et qui lave les pieds des disciples, dans la salle prêtée pour célébrer la Pâque, vient demeurer (Jn 14,23) en celui qu’il sauve et qui le reçoit dans la foi.

Jésus accepte l’hospitalité des disciples d’Emmaüs et se révèle à eux. Il rompt le pain chez eux et nous dit : « Voici que Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu ‘un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi » (Ap 3, 20)

La manière hospitalière

Tout ceci n’est pas sans conséquences dans notre manière de vivre entre chrétiens et avec tous.


« Que l’amour fraternel vous lie d’affection entre vous, chacun regardant les autres comme plus méritants, d’un zèle sans nonchalance, dans la ferveur de l’esprit, au service du Seigneur, avec la joie de l’espérance (…) avides de donner l’hospitalité » (Rom 12,10-13) Oui, « Celui qui exerce la miséricorde, que ce soit avec joie » (Rm 12.8)


Abraham reste le type de l’accueil empressé et religieux (Gen 18,2-8). Job se fait gloire d’avoir été hospitalier (Jb 31,31 : «ne disaient-ils pas les gens de ma tente : qui donc n ’at-il pas rassasié de viande ? »)


Mais comme toujours c’est Jésus qui nous donne la clef divine du comportement hospitalier. C’est la gratuité de l’amour désintéressé et gratuit: « quand tu donnes un festin, invite des pauvres …et tu seras heureux car ils n’ont pas de quoi te rendre …cela te sera rendu à la résurrection des justes » (Le 14,13)


Ce n’est pas un détail de la vie monastique cénobitique. Tous y sont engagés de façon différente, à commencer par le silence et la prière. Les moines permettent à l’hôte de se restaurer. Ils l’aident à se laisser recréer dans le climat sans pollution de l’Eglise fait de charité, de discrétion et d’humilité symbolisé par ce versement de l’eau par l’abbé. Et celui qui est reçu apprend à dire sa gratitude : « nous avons reçu Seigneur, ta miséricorde au milieu de ton temple » (Ps 47,10)


Ce n’est pas non plus un détail de la vie chrétienne. 11 semble qu’on le redécouvre un peu mieux de nos jours avec les JMJ, les groupes Alpha, et pas seulement aux sorties de messe. La table ouverte, la place du pauvre, en particulier le Dimanche : nous avons tous à redécouvrir les choses simples et à les accomplir. Et ce n’est pas sans rapport avec la crédibilité de notre témoignage de foi.


L’hospitalité est significative de l’originalité des hommes et elle n’est pas oubliée par les pauvres. Sa redécouverte et sa mise en œuvre sont de vrais signes que, comme on dit ces temps-ci, « la vie reprend » : non parce que repart la course multiple freinée un moment, mais parce que notre charité se déploie davantage.

+ Mgr Éric Aumonier, évêque de Versailles

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