Homélie pour le 13e dimanche du temps ordinaire 2023

L’évangile que nous venons d’entendre, frères et sœurs, constitue la conclusion du deuxième grand discours prononcé par Jésus dans l’évangile de Matthieu : le discours missionnaire. Depuis trois dimanches déjà, la liturgie nous invite à méditer sur ce discours qui regroupe les instructions que Jésus a données à ses douze disciples au moment de les envoyer en mission. Ceux-ci devront proclamer de ville en ville que le royaume des Cieux est tout proche. Ils sont envoyés comme des brebis au milieu des loups. C’est pourquoi, au début de son discours, Jésus leur a recommandé de s’informer pour savoir qui était digne de les accueillir (Mt 10, 11). Pour recevoir l’annonce du Règne de Dieu, il faut en être digne. Il faut avoir le cœur ouvert au message proclamé. Il faut reconnaître dans le missionnaire un envoyé de Dieu.

La première lecture de ce jour nous donne un bel exemple de cet accueil illuminé par la foi. Le prophète Élisée est hébergé chez une femme de Sunam, et il décide de la récompenser pour son hospitalité. La clé d’interprétation de cette histoire nous est donnée par les paroles de Jésus dans notre évangile : « Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ». Ce n’est pas par pure philanthropie que la Sunamite a accordé l’hospitalité à Élisée. Mais c’est parce qu’elle reconnaissait en lui « un saint homme de Dieu ». Et la récompense qu’elle a reçue de ce prophète, cet envoyé de Dieu, est un cadeau que Dieu seul pouvait donner : l’annonce d’une naissance, l’irruption d’une vie nouvelle ! Cette femme était digne d’accueillir la vie en elle, puisqu’elle a su reconnaître et accueillir chez elle un envoyé du Dieu de vie.

Dans la conclusion du discours missionnaire, qui nous est donnée à méditer aujourd’hui, Jésus enseigne à ses disciples que ceux qui seront dignes de les accueillir sont ceux qui sauront les reconnaître comme des prophètes et des justes, ceux qui seront ouverts au message de vie qu’ils ont mission de proclamer. Ce n’est pas pour eux-mêmes que les missionnaires doivent être accueillis, mais pour celui qu’ils représentent : « Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé ». Comment ne pas penser, en écoutant ce verset, à un jeu de dominos qui tombent en cascade les uns sur les autres ? Le Père envoie son Fils, et le Fils envoie ses disciples. Ceux qui sont dignes de les accueillir accueillent le Fils à travers eux. Et à travers le Fils, il accueillent le Père. Dans cette chaîne d’envois et d’accueils successifs, les disciples constituent un maillon intermédiaire entre Jésus et les hommes vers lesquels ils sont envoyés. Pour transmettre fidèlement l’annonce qui leur a été confiée, ils doivent d’abord accueillir eux-mêmes Celui qui leur est envoyé par le Père. Ils doivent être dignes d’accueillir Jésus.

Or, justement, au début du passage d’évangile que nous venons d’entendre, Jésus explique aux douze quelles sont les conditions à remplir pour être digne de lui. Pour être digne de Jésus, il faut tout simplement l’aimer. L’aimer plus que son père ou sa mère. L’aimer plus que son fils ou sa fille. Les affections familiales sont légitimes. Elles sont même prescrites par Dieu dans le quatrième commandement. Mais elles passent après l’amour préférentiel que nous devons avoir pour le Christ. Pour être digne de Jésus, pour être en mesure de le recevoir, il faut l’aimer plus que tout. Et le texte continue : pour être digne de Jésus, il faut s’attacher à lui au point de porter la croix avec lui. Saint Paul l’exprime très bien dans la deuxième lecture : c’est en étant unis au Christ dans sa mort que nous aurons part aussi à sa résurrection. C’est en participant à son mystère pascal que nous accueillerons la vie nouvelle qu’il est venu nous communiquer.

Dans cette Eucharistie, Jésus vient à notre rencontre avec sa croix. Il frappe à la porte de nos cœurs en nous offrant son corps livré pour nous, son sang versé pour notre salut. Et il nous propose de nous offrir avec lui par amour pour les hommes. Quel accueil allons-nous lui réserver ? Tout à l’heure, avec le centurion, nous reconnaîtrons humblement que nous ne sommes pas dignes de recevoir Jésus, que notre amour pour lui est bien pauvre et fragile. Mais nous le savons : d’une seule parole, il nous guérira. N’ayons pas peur de lui ouvrir notre cœur et de nous plonger dans son amour infini. Car c’est l’amour qui donne toute sa fécondité à la mission. S’il « venait à s’éteindre, les apôtres n’annonceraient plus l’Évangile », écrit sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. C’est donc par notre amour de Jésus que nous serons missionnaires. C’est par notre amour de Jésus que nous pourrons le rayonner, de manière visible auprès de ceux auxquels nous sommes envoyés, ou de manière invisible dans la communion des saints. C’est par notre amour de Jésus que d’autres pourront l’accueillir et deviendront à leur tour des disciples missionnaires, pour annoncer dans le monde entier la vie nouvelle qui nous a été donnée. Amen.

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