Homélie à l’occasion de la rencontre entre les communauté de Saint Guénolé et Sainte-Anne, le 28 septembre 2020

Après avoir entendu les deux lectures que nous offre aujourd’hui la liturgie, il est permis de se demander laquelle des deux nous laisse le plus dans l’interrogation. Le dialogue de Dieu avec Satan, ou bien celui du Christ avec ses apôtres, dialogue qui voit aussi apparaître le démon ! Il semble bien que ces lectures soient en quelque sorte cernées par le diable.

Le livre de Job est un des livres sapientiaux et même bibliques les plus intéressants sur le mystère de la vie et de la souffrance de l’homme sur cette terre. Or la souffrance est pour certains de nos contemporains une « preuve » de l’inexistence de Dieu. Et ce sujet peut aussi occuper nos cœurs consacrés à certains moments de nos vies. Vous avez sûrement déjà entendu cette déclaration : « si Dieu existait il ne permettrait pas cela ». Et derrière le pronom démonstratif « cela » il ne s’agit pas de chercher un coupable à une simple intempérie passagère ni à une belle-mère grincheuse. Derrière ce mot est visé une catastrophe naturelle, une guerre de religion, etc. D’autres de nos contemporains – et peut-être aussi nous-mêmes – sont tentés de murmurer « mais qu’ai-je donc fait au bon Dieu pour qu’il m’arrive cela ? » Cette lecture est donc une occasion de nous demander qui est Dieu pour nous ? Et donc aussi qui sommes-nous aux yeux de Dieu ?

Cette lecture de Job nous apprend plusieurs points très importants dans la religion judéo-chrétienne. Tout d’abord Dieu a de la considération pour l’homme ; il le regarde et le laisse libre de ses choix, choix auxquels Dieu s’adapte toujours. Ensuite nous découvrons qu’un être existe qui veut mettre aux yeux de Dieu le discrédit sur ses créatures, jusqu’à vouloir les détruire si Dieu le lui permettait. Mais comme ce diable ou Satan sait que Dieu ne le lui permettra jamais, cette créature déchue tente par tous les moyens de pousser l’homme dans ses retranchements afin de le conduire vers une révolte qui pourrait bien tout emporter sur son passage. Et puisque Dieu respecte la liberté de l’homme, le diable pourrait ainsi en profiter pour voir son projet démoniaque aboutir. On le comprend bien ici l’enjeu de la liberté de l’homme et de l’usage qu’il fera de son intelligence. Grâce à l’épreuve qui l’assaille, Job descend dans les profondeurs de son âme. Il s’accroche à sa foi à laquelle il fait dire tout ce qu’il peut. Le moins qu’on puisse dire est que Job n’est pas un soumis ! Il reste fidèle dans le meilleur comme dans le pire. « Et Job ne commit pas de péché » comme le dit la lecture.

Le passage d’évangile demande de prendre un recul presque aussi grand de la part des auditeurs de Jésus. L’enfant, à cette époque-là, n’est pas du tout pris en considération. C’est un être dépendant et donc méprisable aux yeux des adultes. Tandis que les apôtres se demandent qui est le meilleur – littéralement le plus « rabbi » –, Jésus leur présente un être faible et dépendant comme modèle de grandeur. Il leur montre que le plus grand (le plus enseignant) c’est celui qui accueille, celui qui prend soin du faible et qui vient le relever, et non pas celui qui domine sur les autres et qui les contrôle (plus ou moins consciemment) par quelque moyen que ce soit.

Et puis nous retrouvons notre démon, ou plutôt nos démons, car ils se promènent en bande cette fois-ci ! Dans cette histoire d’expulsion de démons, nous découvrons des apôtres qui se trompent d’ennemi. Oh, comme nous pouvons nous reconnaître, nous qui cherchons si souvent un coupable, nous qui suivons les pentes savonneuses qui se présentent presque spontanément à nous, sans nous demander comment une telle quantité de savon à bien pu être subitement répandue ! Les apôtres veulent de l’ordre et du pouvoir. Le Seigneur lui demande de l’accueil et du service.

Dans ces deux passages de l’Écriture Dieu nous montre aujourd’hui que le service est finalement le signe distinctif de ceux qui œuvrent pour le Royaume de Dieu. Car le service dit l’amour, or c’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres, que l’on reconnaîtra que nous sommes au Christ. Chercher un coupable ne respecte ni le plan de Dieu sur la créature, ni la créature elle-même qui est vraiment libre.

La vraie question est de discerner l’usage que chacun fait de sa liberté. Ou bien suivre les pistes glissantes du plus grand ennemi de l’homme, le démon ; ou bien entrer humblement dans le plan de notre Dieu qui nous a créés par amour pour que nous puissions connaître le plus grand bonheur qui soit : Lui-même ! Qui voulons nous servir ?

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

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