Homélie pour la messe de la Nuit de Noël, 25 décembre 2019

« Completi sunt dies Mariae, ut pareret filium suum primogenitum ». « Ils sont accomplis, les jours où Marie devait mettre au monde son fils premier-né ». Un fils vient de nous être donné ! Qui est-il ? Saurons-nous l’accueillir ?

Voici un peu plus de neuf mois, la Vierge-Marie a reçu un message de l’archange Gabriel. Dans ce message unique entre tous, Dieu se tourne vers une adolescente pour lui demander l’hospitalité. Avouez que la chose n’est pas simple à expliquer. Mettez-vous un instant à la place de Dieu. Comment expliquer une pareille demande ? Jamais envisagée, jamais imaginée, jamais conceptualisée. Dieu ne pense pas comme l’homme. Lorsqu’il a quelque chose à demander, Il le demande tout simplement, comme on demande une faveur. Et Marie a accueilli cette faveur, tout simplement. L’humanité du Christ commence en quelque sorte ici ! Dieu a demandé à venir chez les hommes et une femme l’a accueilli.

Imaginez un instant le bonheur de Dieu de rencontrer comme unique réponse à une faveur qu’il désire offrir à l’humanité qu’il a créée, l’accueil simple et maternel d’une de ses créatures. Oui, Dieu a été accueilli au milieu de ses créatures. Cela lui est arrivé pour la première fois. C’était le premier point. Le point de commencement de tout. Parce qu’il a été accueilli ainsi, Dieu a pu accueillir à son tour le don de cette disponibilité inconditionnelle. Parce que cette disponibilité était inconditionnelle, Dieu s’est donné absolument et totalement, sans aucune méfiance, dans la chair d’une adolescente. Et en cette nuit très sainte, ce petit bébé repose dans les bras de cette toute jeune maman. Parce qu’elle a accueilli Dieu, son petit enfant l’accueille comme maman, pour la première fois. Et cette jeune maman est un peu « ailleurs » comme à l’image de toutes les mamans du monde lorsqu’elles viennent de mettre au monde un fils premier né. Marie ne se demande pas comment cela a-t-il bien pu se faire. Non, elle accueille le fait qu’il ait pu en être ainsi. Tout simplement.

Marie n’est qu’accueil. Tout en elle n’est qu’accueil. Sa maternité n’est qu’un accueil sans fin. C’est du reste pour cette raison que l’évangéliste parle d’un premier-né. Elle va en accueillir encore des centaines, des dizaines de milliers, des millions. Car c’est sa vocation : accueillir des enfants pour les conduire à Dieu. En prenant chair d’elle, son fils la reçoit pour mère ; il l’accueille comme mère ; il lui confie le rôle inouïe d’être mère de son créateur. Il lui confère le pouvoir d’accueillir tout homme qui veut bien se tourner vers elle, afin qu’elle puisse le tourner vers Dieu.

Dieu aime anticiper. Il a créé Marie immaculée, par anticipation des mérites de la Passion de son Fils, comme le dit la théologie catholique. Et aujourd’hui est anticipée une béatitude que Jésus prononcera plus tard lorsqu’il aura une stature d’homme : « heureux les cœurs purs, ils verront Dieu ». En cet instant, l’Enfant-Jésus repose « tout chaud » dans les bras de sa maman ; et Marie voit Dieu face à face. Cela n’était encore jamais arrivé ! Parce qu’elle a accueilli Dieu en elle, Dieu s’est montré à elle. À son tour, elle a permis à Joseph d’accueillir un songe. Un songe dans lequel un ange venait lui mendier une faveur de la part de Dieu : accueillir sa fiancée et la recevoir comme épouse. Et Joseph a accueilli à son tour ce qu’aucune créature avant lui n’avait jamais accueilli : l’Enfant-Jésus, l’Enfant-Dieu. Et en cet instant il est un peu perdu lui aussi en contemplant son épouse et ce petit bébé qui repose en paix dans les bras maternels de cette adolescente. Tour à tour, son regard passe du visage de l’enfant à celui de sa mère, et un instant il se demande secrètement ce qui est entrain de lui arriver. Et puis l’ineffable sourire de Marie, lui fait perdre sa question pour se laisser à l’école de son épouse et accueillir ce mystère qui le dépasse assurément.

Comme on le comprend, tout a été initié par cet accueil marial. Tout est parti de cette toute jeune femme qui a dit « oui », peut-être parce qu’elle a senti au fond de son cœur, que l’accueil inconditionnel de ce que Dieu demanderait, était sa vocation. Quelle délicatesse immense, n’est-ce pas ?
Pourtant cette délicatesse n’existe et ne peut exister que parce que Dieu en a été l’initiateur divin. C’est pourquoi cette accueil nous parle tellement de Dieu. Oui, cette Nativité nous parle tellement de Dieu, parce que c’est précisément sa Parole incréée qui vient à nous en cette nuit lumineuse. L’Enfant-Jésus, la Parole muette, se propose de venir se taire en nos cœurs. L’accueillerons-nous ? Entendrons-nous ce qu’il vient nous dire ? Sa venue nous sauve encore aujourd’hui de notre égoïsme comme de tous nos péchés, pourvu que nous lui offrions l’hospitalité : c’est tout ce qu’il nous mendie. Peut-on le refuser à un petit bébé qui vient de naître ?

Approchez vous en esprit de la crèche. Et dans le silence de cette nuit si douce, vous l’entendrez vous dire ces mots : «  Je suis venu t’offrir l’amour, l’immense amour que j’ai pour toi ».

Amen.

Fr. Laurent de Trogoff, Prieur administrateur

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