Homélie de Mgr Pierre Raffin pour le 12e dimanche du Temps ordinaire, 21 juin 2020

L’évangile que nous venons d’entendre a soutenu le courage de nombreux martyrs : Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, moi aussi, je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux.

Le prophète Jérémie, dans la première lecture, annonce le martyre du Christ et de ses nombreux disciples. Jérémie est victime d’un complot, mais il sait se montrer courageux, car il demeure avec le Seigneur et le Seigneur demeure auprès de lui : Le Seigneur est avec moi, tel un guerrier redoutable. Le prophète sait que ses persécuteurs n’auront pas le dessus : Mes persécuteurs trébucheront, ils ne réussiront pas. Leur défaite les couvrira de honte, d’une confusion éternelle, inoubliable. Jérémie sait qu’il sera préservé de la mort. Comme lui, les martyrs chrétiens ont eu le courage de traverser la mort en vainqueurs, à la suite de Jésus : Ressuscité d’entre les morts, le Christ ne meurt plus ; sur lui la mort n ’a plus aucun pouvoir ( Rm 6, 9 ). Les martyrs chrétiens affrontent la mort, avec la conscience de participer à la Passion de Jésus, afin d’avoir part aussi à sa Résurrection.

Aussi Jésus dit-il aux chrétiens : Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme : craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps. La peur des persécuteurs doit être dépassée par la crainte de Dieu. Saint Justin, lorsqu’il fut jugé et menacé des pires tourments, affirmait ne pas les craindre, mais bien plutôt Dieu seul. C’est en effet la crainte de Dieu, c’est-à-dire la profonde conscience de sa majesté et de sa sainteté, qui donne leur force aux martyrs. De nos jours, la crainte de Dieu est un don de l’Esprit Saint quelque peu oublié. Dans le Rituel de la confirmation, par exemple, la prière qui accompagne l’imposition des mains de l’évêque sur les confirmands mentionne les sept dons du Saint Esprit et l’on a traduit spiritus timoris par esprit d’adoration, pourquoi ne pas traduire par crainte de Dieu ? De qui a-t-on peur ? La crainte de Dieu est la conscience de la grandeur et de la sainteté de Dieu, et de ce qu’il n’accepte aucune lâcheté de notre part. Lorsque la persécution menace, la tentation de la lâcheté est très grande, on est tenté de fuir, d’éviter la persécution et finalement d’apostasier. Mais ce comportement détruit notre relation avec le Christ : Celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux. Cette affirmation a donné une grande force aux martyrs pour leur permettre de témoigner avec courage de leur foi au milieu des menaces et des souffrances endurées.

Jésus veut faire naître la confiance dans le cœur de ses disciples, en leur rappelant qu’ils ne sont pas seuls. A l’image de Jérémie qui était persuadé que le Seigneur demeurait à ses côtés comme un chevalier protecteur, les chrétiens doivent savoir que leur Père des cieux prend soin d’eux. Jésus affirme : Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux. Si la crainte de Dieu est nécessaire, la confiance en lui l’est encore plus. Les martyrs savaient pouvoir compter sur l’aide de Dieu, afin d’être victorieux dans leur lutte. Victorieux, car malgré les tortures, les souffrances et même la mort, ils n’ont pas cédé. Avec l’aide de Dieu, ils ont su faire de leur mort une victoire de la fidélité. Le Père ne laisse donc pas sans aide ceux qui témoignent de la foi en lui et en son Fils, Jésus Christ.

Jérémie, nous l’avons entendu, remet sa cause entre les mains du Seigneur et lui demande d’exercer une vengeance à l’encontre de ses persécuteurs : Seigneur de l’univers, toi qui scrutes l’homme juste, toi qui vois les reins et les cœurs, fais-moi voir la revanche que tu leur infligeras, car c’est à toi que j’ai remis ma cause. Les martyrs chrétiens, eux, ne parlent pas de vengeance, ils suivent l’exemple de Jésus et du protomartyr Etienne qui, loin d’invoquer la vengeance à l’encontre de leurs bourreaux, prient pour eux : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font », dit Jésus. « Seigneur, ne leur compte pas ce péché, dit Etienne, et, après cette parole, il s’endormit dans la mort ».

Les martyrs subissent donc la mort sans éprouver aucun sentiment de haine, mais en cherchant à vivre la charité et en souhaitant la conversion de leurs persécuteurs. Le martyre chrétien n’est donc pas un martyre qui cause le mal d’autrui. Rien à voir, par conséquent, avec le suicide des kamikazes qui, de nos jours, causent souvent la mort de nombreux innocents. Le martyre est un témoignage de foi, d’espérance et d’amour. Le martyr refuse l’apostasie et proclame sa foi au Christ Sauveur. Le martyr espère recevoir de Dieu le bonheur éternel. Le martyr offre sa vie par amour pour le bien de tous, celui de l’Église et celui de ses persécuteurs.

Accueillons la bonne nouvelle de ce dimanche, elle nous invite au courage de la foi, s’il le faut, jusqu’à la mort.

fr. Pierre Raffin + op, évêque émérite de Metz

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