Homélie pour la solennité de l'Immaculée Conception, 8/12/2024
Depuis une quinzaine de jours, nous sommes entrés avec l’Église de notre diocèse dans le jubilé de Sainte-Anne d’Auray, qui marque le quatrième centenaire des apparitions de la mère de Marie en notre contrée. Dans une quinzaine de jours, le pape François ouvrira à Saint-Pierre de Rome la porte sainte. Par ce rite, il fera entrer l’Église universelle dans le jubilé ordinaire de l’année 2025. Comme nous l’a expliqué notre évêque, il ne faut pas voir entre ces deux jubilés une concurrence, mais une coïncidence. Le jubilé breton nous est donné comme une préparation au jubilé mondial. Il a commencé un peu avant, et se conclura de même. Le jubilé romain célèbre les 2025 ans de l’Incarnation. Or sainte Anne a justement préparé l’Incarnation. Le jubilé de ses apparitions constitue comme un Avent préparatoire à ce Noël que sera pour nous le jubilé de l’Incarnation.
La solennité de l’Immaculée Conception, au cœur du temps liturgique de l’Avent, arrive précisément durant la période située entre l’ouverture du premier jubilé et celle de second. Nous sommes entrés avec sainte Anne dans le temps de la préparation, et nous attendons de célébrer dans la joie la grandeur du mystère de l’Incarnation. La conception de la petite Marie dans le sein de sa mère constitue une ultime préparation à la venue du Fils de Dieu dans notre chair. Et la fête de ce jour tisse un lien étroit entre les deux années saintes.
Mais il existe encore un autre point commun entre nos deux jubilés. Celui de l’Église universelle a reçu pour thème « Pèlerins de l’espérance ». Dans un monde à feu et à sang où beaucoup de nos contemporains ont perdu toute confiance en l’avenir, le Saint-Père a voulu nous encourager à ne pas nous laisser embarquer sur la pente facile du désespoir. Sainte Anne, quant à elle, nous est justement proposée comme un modèle d’espérance. Avec son mari Joachim, elle a connu l’épreuve de la stérilité pendant de nombreuses années. Tous deux formaient, comme on dit, un couple en espérance d’enfant. Cette longue attente d’une fécondité naturelle était l’image d’une autre attente partagée avec tout Israël : l’attente d’un Sauveur. Car la situation dans laquelle vivait le peuple d’Israël n’était pas si différente de la nôtre. Tout au long de l’histoire sainte, nous entendons parler de guerres, d’oppression et de pillages. Depuis la chute originelle, l’humanité est en proie à l’esclavage du péché. Pourtant, Dieu ne l’a pas abandonnée au pouvoir de la mort. Aussitôt après la chute, il déclare au serpent : « Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance : celle-ci te meurtrira la tête, et toi, tu lui meurtriras le talon. » Le peuple d’Israël est le dépositaire de cette promesse divine. De génération en génération jusqu’à Anne et Joachim, il conserve précieusement l’espérance du genre humain.
Et voilà que dans la conception de Marie, ce que Dieu avait annoncé s’accomplit. La femme écrase la tête du serpent. La spirale du mal et du péché se trouve brisée. Sainte Anne engendre à un âge avancé, et l’embryon échappe à la souillure du péché originel. À une merveille dans l’ordre de la nature correspond une faveur inédite dans l’ordre de la grâce. En Marie commence à s’accomplir l’espérance d’Israël. Mais cette espérance n’est pas exempte de combats. Le protévangile que nous avons entendu dans la lecture de la Genèse parle d’une hostilité entre la femme et le serpent. Si la première meurtrit la tête du second, celui-ci en échange lui meurtrit le talon. La bonne nouvelle du salut est liée au mystère de la croix. Comme le dit si bien la collecte de ce jour, la conception immaculée de Marie est déjà un fruit de l’Incarnation rédemptrice. Marie nous donne une image de ce que sera l’Église, sans tache ni ride, lavée et purifiée dans le sang du Christ. Dans les saints mystères que nous célébrons, nous recevons nous aussi le fruit de la rédemption qui nous a été acquise par la mort et la résurrection de Jésus. L’objet de notre espérance nous est communiqué. Il nous revient de ne pas perdre ce don précieux qui nous a été donné, de garder intacte cette espérance que le serpent voudrait nous dérober. Alors, nous correspondrons toujours davantage au projet de Dieu qui « a voulu que nous vivions à la louange de sa gloire, nous qui avons d’avance espéré dans le Christ ». Amen.
+ fr. Jean-Vincent Giraud