Homélie pour la fête de la Dédicace de l'église, 4 octobre 2024

« Sois attentif à la prière et à la supplication de ton serviteur. […] Écoute la supplication de ton serviteur et de ton peuple Israël, lorsqu’ils prieront en ce lieu » (1 R 8, 28.30). 

Lors de la dédicace du temple qu’il vient de faire construire à Jérusalem, Salomon s’adresse au Seigneur à travers une longue prière, dont nous avons entendu un extrait dans la première lecture. Cette prière inaugurale du roi bâtisseur est comme la mise en service du nouveau sanctuaire. Mes connaissances en informatique sont relativement limitées, mais je crois tout de même savoir que, quand on achète un nouvel ordinateur, il y a un certain nombre de mises en route à effectuer pour pouvoir l’utiliser dans de bonnes conditions. Il en va un peu de même pour le Temple avec cette prière de Salomon. L’édifice qui vient d’être achevé est constitué de murs de pierre, de poutres de cèdre, de portes d’olivier, et même de revêtements d’or par endroits. Mais toute cette splendeur n’indique pas la fonction propre de ce lieu. À ce stade, la bâtisse aurait pu devenir une maison princière, un luxueux gymnase, ou une salle de banquets somptueux. À travers une prière solennelle, le roi fixe donc à la construction sa destinée propre. Il consacre cette demeure à un usage particulier.

Tout au long du discours de Salomon, les mots de « prière » et de « supplication » reviennent de manière récurrente. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Le roi envisage toutes sortes de difficultés auxquelles sera confronté son peuple à l’avenir : guerres, sécheresses, famines, peste, et il demande au Seigneur d’écouter les prières et les supplications que, du fond de leur détresse, les hommes feront en ce lieu. L’édifice construit par Salomon est donc destiné à devenir une maison de prière. Le Seigneur l’affirmera lui-même quelques siècles plus tard par la bouche du prophète Isaïe : « Ma maison s’appellera « Maison de prière pour tous les peuples » » (Is 56, 7).

Par une prière, Salomon demande au Seigneur de faire de cette maison une maison de prière. Par une supplication, il implore le Très-Haut de prêter une oreille favorable à toutes les supplications ultérieures. La prière du roi lors de la dédicace porte en elle-même toutes les prières qui la suivront. Si elle est exaucée, alors toutes les autres le seront aussi puisque c’est justement cela que demandait la prière inaugurale. C’est donc avec raison que, d’année en année, les fils d’Israël avaient coutume de célébrer l’anniversaire de la dédicace du Temple. Ils avaient ainsi l’occasion de se remémorer régulièrement que cette maison était destinée à la prière. Et d’autre part, ils rappelaient aussi à Dieu, si je puis dire, que les prières exprimées en ce lieu n’étaient que le prolongement de celle que le roi sage et pacifique avait formulée en leur nom lors de ce jour solennel.

Sur un ordinateur, il est nécessaire de faire des mises à jour régulièrement. La solennité de la dédicace que nous célébrons annuellement peut être considérée comme la mise à jour pour nos âmes de la consécration de notre église abbatiale. Nous avons besoin de nous rappeler régulièrement que cette maison est une maison de prière, que l’oratoire sera ce que signifie son nom (RB 53, 1). Oui, en ce lieu, Dieu nous écoute. Nous pouvons lui parler en toute confiance des joies et des tracas de notre vie quotidienne. Il est là pour nous rencontrer, que ce soit dans la liturgie ou dans l’oraison silencieuse. Et il s’intéresse à tout ce que nous avons sur le cœur. N’hésitons pas à tout lui confier.

Et nous savons que, d’une manière ou d’une autre, nos prières seront exaucées, car elles ne s’appuient pas sur nos propres mérites, mais sur ceux du véritable Fils de David. En trois jours, il a édifié le sanctuaire nouveau, auquel nous sommes tous appelés à être incorporés : celui de son corps. Dans la célébration de l’eucharistie, nous faisons mémoire de la dédicace du Temple spirituel que constitue l’Église, née du côté transpercé du Christ. Comme le chante la préface de ce jour, c’est cette Église, mystère de la communion de Dieu avec les hommes, que nous célébrons sous le signe de cette maison visible, de bois, d’ardoise et de béton. C’est dans cette Église avec un grand E, signifiée et réalisée par le sacrifice eucharistique, que nos prières seront exaucées. L’antienne de communion le rappelle à point nommé : « Ma maison sera appelée une maison de prière, dit le Seigneur : en ce lieu, quiconque demande reçoit, qui cherche trouve, et à celui qui frappe on ouvrira ». Oui, dans la communion au Corps et au Sang du Seigneur, est exaucée notre aspiration la plus profonde : communier à la vie divine avec tous les saints dès ici bas, en attendant de rejoindre la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, où Dieu essuiera toute larme de nos yeux. Amen.

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