Homélie pour la solennité de l'Immaculée Conception
9 décembre 2019
L’Immaculée Conception de la Vierge-Marie est un mystère d’enfouissement. Dieu qui a produit une création pleine de vie et capable de transmettre cette vie, intervient à chaque conception humaine pour donner une âme et produire un petit être humain. Il s’agit d’une merveille que l’on ne peut se lasser de contempler. À cet instant précis que Dieu seul connaît et dont Il est le seul témoin, un petit être humain advient. Dans le cas qui nous occupe ici, Dieu s’en mêle ou se compromet, bien davantage encore. Il n’est pas fréquent que Dieu intervienne directement dans sa création, création qu’Il a dotée d’une certaine autonomie comme je viens de le dire. Mais ici c’est différent.
Le dessein de Dieu sur l’homme passe parfois par la nécessaire intervention de Dieu. Et ce fut le cas pour l’Immaculée Conception. La nature n’était pas capable de préparer ce qui était nécessaire au divin dessein salvifique. Dieu voulait ! Dieu voulait une femme. Une femme qui fut capable de porter une nouvelle inouïe. Une femme qui serait rendue capable d’apporter au monde l’accomplissement que Dieu voulait. Une femme en laquelle serait conçue, 16 ans plus tard, l’humanité de la Parole incréée. Une femme dont l’être ne risquait pas de souffrir de la conception en elle d’un enfant absolument divin et absolument humain. La mission de cette femme rendait nécessaire l’intervention divine. Et Dieu choisit donc d’intervenir et de s’enfouir en quelque sorte dans le cycle d’une conception, afin d’innocenter celle-ci de la marque du péché originel, et de donner au monde Marie! Et cet enfouissement resta caché aux yeux du monde pendant près de 18 siècles.
Conjointement, il est aussi une femme qui resta cachée, et dont nous ne savons presque rien. Comme vous l’avez peut-être remarqué, bien peu de saints sont fêtés plusieurs fois dans l’année liturgique. Les plus connus peut-être sont Jean-Baptiste, Pierre, Benoît (pour les bénédictins), et Marie la Mère de Jésus. Mais ne faudrait-il pas ajouter une femme? Une femme qui est restée dans l’ombre, l’ombre du Tout-Puissant, l’ombre de Celui qui rend fertile ce qui est infertile, doux ce qui est amère, joyeux ce qui est triste; qui fait fleurir le désert. Une femme qui n’avait tout simplement pas d’enfant. Cette femme s’appelle Anne: c’est en effet en elle que se réalise le mystère de la conception immaculée de Marie la Mère de Jésus. D’une certaine manière Anne peut donc être fêtée deux fois: le 26 juillet et aujourd’hui.
Malgré son enfouissement, Anne porte et annonce aussi une bonne nouvelle. Une nouvelle d’espérance. Elle qui était stérile et ne pouvait pas avoir d’enfant, désirait tout simplement ce qu’une épouse désire bien légitiment: une fécondité. Elle et son mari ne désiraient rien d’autre qu’un fruit de leur amour, à l’image de tant d’autres couples. Ils ne s’attendaient pas à l’inattendu divin. Et pour cause! C’est pourquoi cette conception de Marie est aussi une merveilleuse nouvelle pour nous aujourd’hui. Elle nous montre que rien ne peut arrêter le dessein de Dieu. Ni la nature, ni le péché fut-il transmis par toutes les générations depuis Adam et Ève.
Cette conception nous montre aussi qu’aucune pauvreté, aucune déficience, aucune détresse ne saurait contraindre Dieu à renoncer à conduire son dessein divin sur l’humanité. Or ce dessein divin nous le connaissons: c’est que tous les hommes soient sauvés. Et Dieu y travaille encore aujourd’hui, et parfois même directement. Le croyons-nous vraiment ?
Croyons-nous vraiment que Dieu est Dieu ? Croyons-nous encore que Dieu ne renonce jamais ? Cette fête d’Anne et Marie, est peut-être une bonne occasion pour nous demander dans notre cœur à quel Dieu nous croyons! Un Dieu lointain qui a fait son œuvre voici deux mille ans et qui nous regarderait de haut, se souciant fort peu de nous? Ou bien un Dieu bien vivant, compatissant? Un Dieu qui se penche sans cesse vers ses créatures et qui agit toujours aujourd’hui avec l’égale enfouissement avec lequel Il a agit un beau jour au cœur des entrailles d’Anne?
La réponse, la vraie réponse, nous la découvrons chaque jour en contemplant le fruit d’Anne et Joachim : Marie ! Cette femme unique au monde a été choisie de toute éternité comme fruit d’une infertilité pour apporter au monde Celui qui rend tout fertile. Puisse Anne nous offrir ce que son prénom signifie, et nous donner la grâce de croire que Dieu nous a tous choisis et que nous avons chacun du prix à ses yeux. Amen.
Fr. Laurent de Trogoff, Prieur administrateur de Sainte Anne de Kergonan