Homélie pour le septième dimanche de Pâques
1. « C’est vraiment aujourd’hui le jour de Pâques »
puisque, après un carême de 80 jours, deux fois plus long que de coutume, nous méritons de vous revoir ici. Je le dis par allusion à la vie de saint Benoît. L’homme de Dieu, ermite caché dans sa grotte et ignorant du calendrier, reconnut que c’était Pâques à ce qu’un prêtre venait de loin le visiter et lui portait des victuailles à partager « en l’honneur de la résurrection du Seigneur » : « les dons du Dieu Tout-puissant » (Grégoire le Grand, Dialogues, livre II, chapitre 1).
C’est précisément de dons et d’échange de dons qu’il est question dans l’évangile de Jean proclamé aujourd’hui.
Cette année nous avons entendu la première partie de cette « prière de l’Heure de Jésus » (CEC 2746). Elle vient en conclusion des discours d’adieu du Seigneur aux siens. Le Christ est le grand priant, modèle unique de prière. Et une chose nous frappe dans cette prière dite aussi sacerdotale : la répétition insistante du verbe donner : plus de 15 fois dans toute la prière et 10 fois dans l’évangile de ce dimanche. Il est conjugué à tous les temps : passé, présent et futur. C’est le verbe propre au Dieu-Amour ; il caractérise son être le plus profond.
Comme cela apparaît à fleur de texte : nous comprenons qu’est manifesté un échange incessant de dons aussi variés que : des personnes, un pouvoir issu du Père, l’oeuvre du salut réalisé par le Fils, des paroles puis le nom divin, la gloire et jusqu’à la vie éternelle (Jn 17, 2-11). Les donateurs sont le Père et le Fils. Les bénéficiaires des dons, ce sont les hommes que Jésus est venu sauver par sa passion. Vous me direz : l’Esprit Saint n’est pas
nommé ici. Cependant il transparaît en filigrane comme le don pascal par excellence : Veni, dator munerum. Celui qui fut l’objet d’une promesse répétée (Ac 1, 14).
2. Le temps inédit et dramatique que l’Église vient de vivre nous a rappelé que l’Eucharistie n’est jamais un droit mais un don gratuit, dont personne n’est digne. Dans la Sainte Eucharistie l’Église en pèlerinage sur la terre ravive continuellement l’espérance de la patrie éternelle. L’épreuve a été permise par Dieu pour nous convertir en réveillant notre désir du ciel. Le ciel est une juste et légitime « nostalgie », une promesse certaine car Jésus
l’a rendu accessible. Le Christ nous attend dans la maison du Père. Comme nous l’avons lu, après l’Ascension les premiers disciples sont réunis au Cénacle et « assidus à la prière » avec Marie la Mère de Jésus (Ac 1, 14), dans l’attente fervente du don promis de l’Esprit de vérité. Grégoire de Nazianze disait : « Quand les oeuvres du Christ cessent, commencent les oeuvres de l’Esprit Saint ». Il faut nous garder de réduire l’homme à une seule dimension, la terrestre, jugeant les autres superflues, regardant les spirituelles comme non nécessaires donc inutiles. Il faut redire que la foi des croyants n’est pas une réalité secondaire.
Le cardinal Robert Sarah se demandait il y a quelques jours : « L’Église est-elle devenue inutile pour la société ? ». On serait tenté de le croire, à voir comment ont été traités les chrétiens. Saint Pierre avait prévenu (dans la deuxième lecture) : « Si c’est comme chrétien (qu’il a à souffrir), qu’il n’ait pas de honte ». « Si l’on vous insulte pour le nom du Christ, heureux êtes-vous » (1 P 4, 14-16).
3. Tant de fidèles laïcs se sont sentis ignorés, abandonnés, offensés ou méprisés par leurs gouvernants ou certains pasteurs et nous l’ont fait savoir. Ils ont ressenti une grande « blessure eucharistique » alors que la sainte messe est la première contribution au bien commun de la société. Beaucoup de gens, perturbés par les restrictions et la privation des sacrements, nous ont dit : Durant la pandémie, Église, où étais-tu ? Certains ont subi un traumatisme que seule une foi renouvelée, et plus solide grâce à l’épreuve, leur permettra de surmonter.
Prions pour que l’Église ait maintenant le courage d’offrir la seule réponse qui tienne face aux dictatures antichrétiennes qui assimilent les églises aux discothèques et la sainte messe à un quelconque spectacle théâtral. Le silence serait le signe d’une nouvelle victoire du sécularisme. C’est véritablement l’heure de recommencer à parler de Dieu Sauveur et de la joie du salut offert par le Christ. Lui pour le nom duquel nous devons « rendre
gloire » à Dieu dans les siècles des siècles (1 P 4, 16).
frère Francesco +