Homélie pour le 19e dimanche ordinaire 2021

Frères et Sœurs,

cinq dimanches sont consacrés à l’enseignement sur le pain de vie : le 17e dimanche ouvre cette série par la partie pratique : il s’agit de la multiplication des pains. Les quatre suivants développent la partie théorique : c’est le discours que fit Jésus dans la synagogue de Capharnaüm, le discours sur le pain de vie. En effet, un lien très fort est établi par Jésus entre le pain qu’il donne et la vie que l’on reçoit. Le pain qu’il donne est « la nourriture qui se garde jusque dans la vie éternelle ». Il dit de lui-même qu’il « est le pain de la vie » ; « si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’aurez pas la vie en vous ». Enfin, saint Pierre déclare : « Seigneur, vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle ».

La seule volonté de Dieu, est que l’homme vive ; d’ailleurs, la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant. Et Dieu n’a qu’une seule Parole, c’est le Verbe de Vie, venu parmi nous pour nous montrer le Père et nous communiquer la vie jaillissant de la Sainte Trinité. Ici, le péché est à peine mentionné, sinon par la mort des Hébreux dans le désert au cours de l’exode. Mais ceci est pour faire ressortir deux choses : d’une part, l’exode et la terre promise ; d’autre part, le pain et la vie.

1- L’exode

L’Évangile, mes frères, que nous lisons chaque dimanche, nous décrit une scène bien définie et en même temps, nous ouvre sur un monde ou un univers qui déborde largement du cadre matériel de cette scène. Ici, Jésus donne un enseignement nouveau dans la synagogue de Capharnaüm, mais nous entrevoyons en même temps l’immense mouvement de l’univers sortant de Dieu et retournant à Dieu. Comme créatures, nous sommes sortis des mains du Père, et comme créatures, nous devons revenir dans l’intimité du Père, dans notre vraie patrie. C’est ce qui était figuré par l’exode des Hébreux à travers le désert pour gagner la terre promise. Notre terre promise, c’est Dieu lui-même avec la compagnie de la sainte Vierge et de tous les saints.

Le Fils de Dieu suit le même chemin. Il est Dieu né de Dieu, lumière né de la lumière, venu en ce monde pour éclairer tous les hommes. Maintenant, il retourne vers son Père. C’est pour lui, l’heure de son exode, du retour à la maison paternelle, dans sa demeure. Le Christ, comme chef de l’humanité, attire tous les hommes à sa suite. « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi » (Jn 6, 44). « Élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jn 12, 32). Par son élévation sur la Croix et son Ascension au ciel, le Christ, en introduisant sa chair ressuscitée et glorifiée dans les demeures éternelles, introduit du même coup, toute l’humanité dans le sein du Père. Le mouvement est amorcé et est dès lors irrésistible. Mais si nous sommes déjà au ciel en espérance, il nous faut continuer notre route terrestre dans la peine, mais avec la grâce qui découle des mérites du Christ. Il nous faut « manger, autrement le chemin serait trop long pour nous » (I R 19, 7).

2- Le pain

Il nous faut manger. Certes, il faut manger pour vivre, mais bien différente est la nourriture du corps et celle de l’âme ; la nourriture matérielle et la nourriture spirituelle. Le corps, privé de nourriture, meurt, il est séparé de son âme et les parties qui le constituent se disjoignent pour retourner à la poussière. L’âme, privée de la nourriture de la grâce, meurt, elle est séparée de Dieu. Mais l’âme, comme elle est simple, ne peut mourir : comment dès lors peut-on parler de la mort de l’âme. Pour l’âme, la mort ne consiste donc pas à disparaître, mais à être privée de la grâce de Dieu, de qui elle tient la vie. Jésus vient nous enseigner qu’il est lui-même cette nourriture et cette vie : sa divinité et la grâce qui l’accompagne, qui ont créé l’âme, sont capables de la nourrir, c’est-à-dire de lui communiquer la vie qui se trouve en plénitude au sein de la Sainte Trinité.

Les Juifs dont les cadavres jonchaient le désert, avaient reçu la manne, don de Dieu d’une grande délicatesse pour nourrir son peuple comme une mère son enfant ; mais cette nourriture restait corruptible. Le pain de Vie qui est Dieu-même est la nourriture de l’âme et aussi du corps, puisque le corps est soutenu par l’âme qui est principe de vie. C’est la manne nouvelle que Dieu propose à ses enfants pour qu’ils vivent. C’est la présence réelle qui fait dire à Jésus qu’il est là parmi nous jusqu’à la fin du monde. C’est l’Eucharistie puisque nous rendons grâces à Dieu du don qu’il nous fait, non seulement de sa grâce, mais de lui-même. Ce n’est pas du pain corruptible que nous mangeons et qui nous laisse sur notre faim, mais c’est le Créateur de toute chose qui vient à nous sous une forme que la faiblesse de notre humanité peut supporter. C’est pour cela que le pain de Vie nous est présenté sous forme de Sacrement ; Sacrement par excellence et qui est le plus honoré : chaque jour nous le célébrons ; c’est pour lui que le dimanche est un jour chômé et que la semaine est rythmée sur cette fête ; c’est le pain de Vie que nous honorons à chaque salut du Saint-Sacrement, et surtout à la fête qui lui est consacrée, la Fête-Dieu ; des manifestations comme le Congrès Eucharistique ont pour but d’approfondir la connaissance et la foi des fidèles sur ce sacrement qui est source de vie et de joie. De se donner soi-même, c’est le plus grand don que Dieu puisse nous faire ; et au ciel, il en sera de même : partager sa vie et sa béatitude. La communion à son corps et à son sang nous fait anticiper sur cette vie et ce bonheur éternel. Exultons et rendons grâces du fait que Dieu se penche sur nous, ne nous laisse pas orphelins, et nous donne la nourriture de chaque jour : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie ».


Amen.

frère Yves-Marie +

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