Homélie pour le deuxième dimanche de Noël

Frères et Sœurs,

« Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous » (Jn 1, 14). L’ange Gabriel est le premier à l’attester lors de l’Annonciation à la Vierge : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut te prendra sous son ombre : c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Lc 1, 35). L’ange du Seigneur apparut ensuite aux berger lors de la Nativité : « Un sauveur vous est né, qui est le Christ Seigneur » (Lc 2, 11). Le Seigneur, c’est-à-dire le Dieu Tout-Puissant, le Sauveur d’Israël, s’est fait l’un de nous, pour que nous puissions devenir fils dans le Fils, les bien-aimés du Père et les enfants de Dieu.

Mais comment cela est-il possible, devenir les enfants d’un Dieu qu’on ne peut approcher sans être consumé par le feu divin, lui qui s’est révélé à Moïse dans le buisson ardent et transforma le Sinaï en fournaise au milieu des éclairs, des tonnerres et d’un puissant son de trompe si bien que les enfants d’Israël se mirent à trembler (cf. Ex 19, 16). Il envoya aussi le feu du ciel pour dévorer les holocaustes qu’avait préparés Élie. Isaïe qui a vu le Seigneur dans le Temple est saisi de frayeur : « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures, j’habite au sein d’un peuple aux lèvres impures et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur Tout-Puissant » (Is 6, 5). Dieu ne supporte pas la révolte et la transgression du peuple qu’il s’est choisi, c’est pourquoi, pendant l’exode du peuple élu vers la Terre Sainte, il était prévu que la tente du Seigneur soit placée au milieu de toutes les tribus d’Israël qui faisaient cercle autour d’elle : Dieu aurait été vraiment au milieu de son peuple ; mais il y eut une faute grave de la part du peuple et la tente du Seigneur fut placée en dehors du camps de peur que Dieu n’exterminât le peuple à la suite d’une faute contre sa sainteté. Seuls Moïse, Caleb et Josué seront admis dorénavant à fréquenter la demeure de Dieu.

Devant tant de sévérité et de manifestations terrifiantes, comment l’Emmanuel, Dieu avec nous, peut-il vivre au milieu de nous. Lors de la dédicace du Temple, Salomon l’exprime très bien : « Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? Voici que les cieux et les cieux des cieux ne le peuvent contenir, moins encore cette maison que j’ai construite ! » (2 Ch 6, 18). Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes ? C’est vraiment un rêve irréalisable. Et dire que le Créateur de toute chose se promenait dans le jardin à la brise du jour à la rencontre d’Adam et d’Eve. Mais cette intimité, ils l’ont perdue, ils ont perdu un trésor, ils ont tout perdu. Le cœur de l’homme est déchiré, il est tenaillé par la nostalgie du paradis terrestre : Ah ! si on avait su.

Dieu a mis en nos cœurs le désir de la patrie céleste pour que nous marchions vers ce but. Mais nous sommes faibles et sans force ; de plus, nous avons besoin d’un guide : Dieu, viens à notre aide ; Seigneur, à notre secours ! « Ah ! si tu déchirais les cieux et si tu descendais, devant ta Face les montagnes fondraient comme la cire » (Is 63, 19).

Et voilà qu’il est descendu, il a pris la forme d’un enfant couché dans la crèche, il a revêtu la pauvreté et l’humilité. Et nous avons reconnu en lui notre Dieu, notre maître et notre guide. Notre Dieu pour nous sauver par sa grâce ; notre maître pour nous enseigner la vérité ; notre guide pour nous prendre par la main et nous conduire aux noces éternelles. Est-ce à dire qu’il aurait renoncé à sa puissance ? Absolument pas. C’est parce qu’il est puissant qu’il peut tout à la fois siéger à la droite du Père et être couché dans une mangeoire. Celui que porte la Vierge Marie, porte le monde. Celui qui est couché entre l’âne et le bœuf, et qui ne parle pas, c’est le Verbe de Vie. « Le Verbe s’est fait chair et il a demeuré parmi nous » (Jn 1, 14). Notre Seigneur a choisi de se faire à la fois Dieu et homme, grand et petit, puissant et faible, pour qu’à notre tour, avec la grâce et la puissance du Saint Esprit, nous portions en nous la grâce et la puissance de Dieu dans des vases d’argile. Voilà la grandeur de l’incarnation qui est plus élévation et divinisation de l’homme qu’abaissement de Dieu ; car Dieu ne perd rien, mais l’homme gagne tout : « de sa plénitude nous avons tous reçu… car la grâce et la vérité nous sont venues par Jésus Christ » (Jn 1, 16. 17).

Par l’incarnation, Dieu est non seulement avec nous, il est en nous, et plus intimement encore quand nous recevons l’eucharistie. Par le sacrement de sa présence réelle, il est avec nous, tous les jours jusqu’à la fin du monde. Rendons grâces à Dieu de nous avoir donné un si grand mystère pour le vénérer ici-bas, et jouir de sa Face éternellement dans l’au-delà.

Amen.

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

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