Homélie pour le 4e dimanche de Carême

Le 4e dimanche du Carême se pare des vêtements de la joie ; c’est le dimanche de Laetare ! Et cette année, le motif tout spécial de notre joie, au cœur de notre préparation à Pâques, est principalement la Miséricorde. En méditant et célébrant la miséricorde de Dieu, nous anticipons déjà le mystère pascal et son fruit !

Vous l’avez compris, nous allons nous attacher en particulier à la parabole du Père miséricordieux que nous a offert Jésus dans l’évangile.

Et pour commencer, qui dit miséricorde, dit qu’il y a eu péché. Le fils cadet – et d’une autre manière d’ailleurs, le fils aîné également – le fils cadet donc, met en doute l’amour du Père ; de même nous mettons si facilement en doute l’amour de Dieu, notre Père. Comment ? En ne croyant pas que le Père nous donne tout, tout ce dont nous avons besoin. Donc, comme le fils cadet croit que le Père est avare, il réclame sa part :  »Je veux MA part ! ». Et le Père s’exécute.

Cette brève mise en situation est déjà comme une explication du péché de l’origine : le premier homme manque de confiance dans l’amour du Dieu Père et veut accaparer la création sans Dieu, en tournant le dos à Dieu. Un commentateur le dit bien : Jésus, dans la parabole, « présente l’enfant prodigue demandant à son Père :  »Père, donne-moi ma part d’héritage », c’est-à-dire donne-moi la création, mais la création sans toi, pour que je l’utilise, que j’en bénéficie par moi-même et pour moi-même, loin de toi. […] Le drame du péché réside dans le mot  »la part » ; car Dieu voulait donner tout[1], […] mais tout donner dans la communion, dans l’héritage partagé, non pas au sens où l’on découpe, mais au sens où l’on goûte ensemble. Il voulait pouvoir dire au fils prodigue ce qu’il dira au fils fidèle :  »mon enfant, tu es toujours avec moi ». »

A l’inverse, dans le « pays lointain » où fuit le fils prodigue, « personne ne lui donnait rien » ; c’est le pays où règne Satan, et personne n’y donne rien ! Loin de Dieu, nous ne pouvons pas trouver la plénitude du bonheur.

Dans le malheur qui frappe le fils prodigue, celui-ci rentre en lui-même, en son cœur, et décide de retourner vers son Père pour lui avouer : « Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi ».

Par cet aveu, le prodigue ouvre son cœur, et peut recevoir alors la miséricorde de son Père.

Et là, le Père déborde de joie et d’allégresse devant les paroles de son fils « j’ai péché » qui traduisent l’état d’un cœur humble et contrit, qui traduisent le véritable retour de son enfant bien-aimé. Car il peut ainsi déverser tout son amour et sa miséricorde dans ce cœur qui devient vraiment fils. « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion ; il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. »

Saint Augustin dit dans un sermon : « Son père, qui connaissait ses pensées de loin, accourut vers lui. Qu’est-ce qu’accourir, sinon lui prodiguer sa miséricorde ? On lit : Pendant qu’il était encore loin, son père accourut vers lui tout ému de pitié. Pourquoi est-il ému de pitié ? Parce que son fils se trouvait dans un état pitoyable. Il accourut et se jeta sur lui. Il posa sur lui son bras. Le bras du Père, c’est le Fils. [Le Père permit au prodigue] de porter le Christ, et ce fardeau-là n’est pas un poids mais un soutien. Il dit, en effet, Mon joug est facile, et mon fardeau est léger (Mt 11,30). […] Comment un homme serait-il capable de porter Dieu, à moins que, tout en le portant, il ne soit lui-même porté ? »

Oui, si l’homme peut revenir, se convertir, c’est parce que son Père le cherche, accourt à lui, et lui fait grâce. Oui, Dieu nous cherche ; le Fils Unique nous dit  »J’ai soif de ton amour ». Le Christ est vraiment ce bras du Père qui nous cherche, qui vient à notre rencontre. Par l’Incarnation, le Fils saute les montagnes, et accourt vers nous. (Cant.) Il vient tout près de nous, chez nous. Dieu nous fait miséricorde par l’avènement de son Fils, comme nous l’avons fêté il y a deux jours à l’Annonciation.

En prolongement de cette médiation, nous suivons l’invitation de saint Paul dans la 2e lecture, que l’on peut prendre comme un appel à user du sacrement de Pénitence et de Réconciliation, sacrement de la Miséricorde par excellence ! « Dieu nous a réconciliés avec lui par le Christ, et il nous a donné le ministère de la réconciliation. […] Nous sommes donc les ambassadeurs du Christ, et par nous c’est Dieu lui-même qui lance un appel : nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. »

Venons souvent à la source d’une telle grâce, à la source du Cœur miséricordieux de Dieu. Là, nous pouvons expérimenter d’une façon toute particulière sa Miséricorde. Et nous donnons l’occasion au ciel, à notre Père du ciel, de festoyer et de se réjouir pour les retrouvailles de ses enfants.

Avec le psalmiste nous pouvons alors exulter : (Ps 102, 1-13)

« Bénis le Seigneur, ô mon âme,                  bénis son nom très saint, tout mon être,

bénis le Seigneur, ô mon âme,                      n’oublie aucun de ses bienfaits.

Lui qui pardonne toutes tes offenses,                       qui te guérit de toute maladie ;

[…]

Le Seigneur est tendresse et pitié,                lent à la colère et plein d’amour;

il n’est pas pour toujours en procès,              ne maintient pas sans fin ses reproches ;

il n’agit pas envers nous selon nos fautes,    ne nous rend pas selon nos offenses.

Comme le ciel domine la terre,                    fort est son amour pour qui le craint ;

aussi loin qu’est l’orient de l’occident,                      il met loin de nous nos péchés.

Comme la tendresse du père pour ses fils,    la tendresse du Seigneur pour qui le craint.

[…]

Bénis le Seigneur, ô mon âme !



1.     cf. Gn 1,29 ; Ps 113,16 ; Act. 17,24-25.

frère Gabriel Piot +

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