Homélie pour la Vigile Pascale, 11 avril 2020

Les femmes n’ont pas écouté ! Nous venons d’en être les témoins. En tous les cas elles n’ont pas écouté les anges. « Venez voir l’endroit où il reposait » leur intime l’ange descendu du Ciel. Mais elles quittèrent le tombeau, et le texte laisse entendre qu’elles ne sont pas entrées. Néanmoins un doute s’insinue en attendant la suite de l’évangile ! Qu’ont-elles finalement compris de ce que leur a dit l’ange ? « Tremblantes et toutes joyeuses, elles coururent porter la nouvelle aux disciples ». De l’ange qui leur a annoncé une éblouissante nouvelle, elles semblent avoir retenu une chose, ou plutôt une mission : le devoir d’annoncer, ou plutôt de transmettre. La mission de l’ange est subtilement passée jusqu’au cœur de ces femmes. Elles espéraient tellement que leur Rabbi fût vivant, que la nouvelle angélique les trouvent prêtes à recevoir l’inconcevable. La femme qui a justement en propre le don de concevoir et de transmettre la vie, se voit confier aussi celui d’annoncer la Vie qui naît de la résurrection. C’est un peu comme si ses dispositions naturelles l’avait préparée à cela. Sans doute faut-il noter que ça ne marche pas toujours. Car c’est bien aussi un ange qui suggéra à une femme de prendre du fruit de l’arbre dans le jardin d’Éden. Cette nuit nous sommes aussi transportés dans un jardin. Au lieu d’un arbre, ces femmes veillent devant une énorme pierre. Il faut dire que les femmes n’ont parfois peur de rien. Tandis qu’à l’apparition de l’ange la soldatesque s’enfuit effrayée, elles restent là, peut-être bien pétrifiée – et c’est bien l’endroit du reste !

L’ange les sort de ce processus dangereux et y parvient si bien que nous les voyons courir vers les disciples du Rabbi. Pas un instant elles semblent se demander si ce qu’elles vont dire sera reçu. Leur mission n’est pas de faire croire, mais d’annoncer. La joie qui les transporte empêche le doute de s’insinuer en elle, tout à l’inverse de ce qui se produisit pour notre mère Eve dont la convoitise avait brisé la discrétion.

« Et voici que Jésus vint à leur rencontre ». Quelle instant ! Imaginons un instant la scène ! Alors qu’elles courent à perdre haleine, Jésus lui-même vient à leur rencontre. Parce qu’elles ont cru elles voient. Se produit ici le phénomène à nouveau inverse de ce que demandaient les grands prêtres devant Jésus en croix : « qu’il descende maintenant de la croix, et nous croirons en lui ! » Jésus est bien descendu de la croix, mais mort. Et le voici debout, ressuscité. Et voici ces femmes aux pieds de Jésus. Lui qui quelques jours plutôt s’est mis aux pieds de ses disciples, se trouve assailli par les pieds. Avouez que c’est tout de même insolite. N’était-il pas plus simple de la part de ces femmes de tomber à genoux ? Ou même sans risquer une chute, de tomber dans les bras du Maître ? Seulement quelque chose a changé. Pendant prêt de 30 années Jésus avait bien souvent caché sa divinité. Mais là, elle éclate, elle irradie. Plus rien ne peut la contenir. À y bien réfléchir, ses femmes auraient dû en mourir sur place, sinon de joie, au moins d’étonnement. Alors elles se saisissent des pieds de cet être méconnaissable. Est-ce bien lui ? Dans un geste qu’elle a déjà fait auparavant, Marie-Madeleine saisit de nouveau les pieds de Jésus. Elle les avait baignés des larmes de ses péchés, elles les baigne maintenant des larmes de joie.

En venant à leur rencontre, Jésus a délibérément voulu interrompre la mission que ses femmes avaient reçu de l’ange. Il leur redit mot pour mot ce que celui-ci leur avait dit, et les envoie poursuivre la mission d’annonce. À une exception toute fois, et pas la moindre. Un mot que l’ange ne pouvait pas prononcer. Un mot qui selon un tradition a provoqué la rébellion de Lucifer. Un mot qui est sans doute notre plus grande gloire aux yeux de toutes les créatures célestes et terrestres. « Mes frères ». Jésus nous appelle ses frères ! Rendez-vous compte ! Le ressuscité nous appelle ses frères ! Qui pouvait inventer cela ! Soyons donc dans la joie, une joie immense, car notre frère Jésus-Christ est ressuscité !

Oui, il est vraiment ressuscité. Amen. Alléluia !

+ fr. Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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