Homélie pour le 4e dimanche de Pâques 2022
Chaque année, frères et sœurs, la liturgie du quatrième dimanche de Pâques nous invite à méditer sur la figure du bon Pasteur. Il est courant, dans l’Écriture, de comparer le peuple de Dieu à un troupeau que le Seigneur confie à des bergers. L’évangile de dimanche dernier, déjà, faisait appel à cette image. Par trois fois, nous y avons entendu Jésus confier à Pierre le soin de ses brebis. Une triple répétition qui faisait écho à un triple reniement. Mais malgré l’infidélité de son disciple, Jésus n’a pas craint de lui confier ses brebis. En effet, le Seigneur n’a pas peur de choisir, pour devenir pasteurs de son peuple, des hommes remplis de faiblesse.
Aujourd’hui encore, pour nous conduire jusqu’à lui, Dieu fait le choix de passer par des médiations imparfaites et limitées. Cette manière d’agir peut parfois nous déconcerter. Pourtant, si dommageables qu’ils soient, les erreurs et les péchés des hommes n’empêchent pas le Tout-puissant de réaliser son dessein par son Église et dans son Église. Le regard de foi que nous devons porter sur la mission de nos pasteurs ne nous demande pas de penser que ceux-ci sont irréprochables. Ce qui est exigé de nous, c’est, par la foi, de porter notre regard au-delà de la réalité bien humaine de nos pasteurs pour voir le Christ qui conduit son troupeau par leur intermédiaire. Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne en effet que « les brebis, quoiqu’elles aient à leur tête des pasteurs humains, sont cependant continuellement nourries par le Christ même, Bon Pasteur et Prince des pasteurs, qui a donné sa vie pour ses brebis » (CEC 754). C’est justement vers lui que les lectures de ce jour nous invitent à orienter notre regard.
Alors que la barque de l’Église est continuellement ballottée par les vents contraires, alors que l’unité du troupeau est parfois menacée par des bergers mercenaires, comme il est réconfortant d’entendre aujourd’hui, dans l’évangile, Jésus affirmer de ses brebis : « Jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. […] personne ne peut les arracher de la main du Père. » Oui, nous sommes dans la main de Dieu, en sécurité. En sécurité, parce que le Christ, dans sa victoire pascale, nous a arrachés au pouvoir de l’ennemi, et nous a ramenés au bercail du Père en nous portant sur ses épaules. C’est lui dont l’Apocalypse affirme que « l’Agneau […] sera leur pasteur pour les conduire aux sources des eaux de la vie », ainsi que nous l’avons entendu dans la deuxième lecture. Nous n’avons donc absolument rien à craindre. À une condition toutefois : faire partie de ses brebis. Et le contexte de notre évangile nous fait comprendre que ce n’est pas forcément le cas de tout le monde. Dans le verset qui précède immédiatement ceux que nous avons lus, Jésus rétorque sans détour à ces Juifs qui cherchent à le mettre à l’épreuve : « Vous n’êtes pas de mes brebis. » Et il poursuit en indiquant le critère d’appartenance à son troupeau : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. »
Et nous, sommes-nous vraiment de ses brebis ? Si nous voulons appartenir au troupeau conduit par sa main, il nous faut écouter sa voix. Comment la reconnaître au milieu de toutes les sollicitations dont nous faisons l’objet ? Je ne crois pas, frères et sœurs, que ce soit sur les réseaux sociaux que nous pourrons entendre la voix du bon Pasteur. Non. C’est dans le silence que le Christ nous parle, dans l’oraison, dans la méditation paisible de la parole de Dieu. En ce moment même, le bon Pasteur nous rassemble et nous parle à travers les textes proclamés dans la liturgie. Mettons donc tout notre cœur à écouter sa voix ! Dans quelques instants, par les mains de pauvres pasteurs humains, il va nous nourrir de sa chair crucifiée et ressuscitée pour nous donner la vie. Lorsque son recevrons son corps dans la communion eucharistique, c’est lui qui nous recevra dans ses bras et nous portera sur son cœur, pour nous donner part à sa propre vie, livrée par amour. Alors nous pourrons dire avec le psalmiste : « Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. […] Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi. » (Ps 22). Et c’est bien de cela qu’il s’agit : traverser les ravins de la mort avec le Seigneur. En effet, dans le verset qui suit notre évangile, les Juifs prennent des pierres pour lapider Jésus. Et les brebis, avons-nous dit, sont appelées à le suivre, à laver leurs robes dans le sang de l’Agneau. Cela se réalise sacramentellement dans cette eucharistie. Cela se poursuit dans toute notre vie.
Mais ce chemin qui passe par la croix est aussi celui qui nous ouvre l’accès aux pâturages éternels. Ne nous décourageons donc pas ! En écoutant avec confiance la voix du bon Pasteur, en restant indéfectiblement unis à son troupeau, guidé par le successeur de Pierre et les évêques en communion avec lui, nous pouvons être sûrs que nous serons dans la main du Père et que personne, jamais, ne nous en arrachera. Amen.