Homélie pour la solennité de l'Immaculée Conception, 8 décembre 2023

Genèse 3, 9-15.20
Éphésiens 1, 3-6.11-12
Luc 1, 26-38

« L’ange entra chez elle et dit :  »Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » » On peut traduire également : « Réjouis-toi, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi ».

En cette solennité de l’Immaculée Conception, nous pouvons méditer l’appel à se réjouir que l’ange, messager de Dieu, adresse à Marie.

L’appel de l’ange : « Réjouis-toi ! » fait écho à la prophétie de Sophonie (3,14.17) : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! une clameur d’allégresse, Israël ! Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem ! Le Seigneur a levé la sentence qui pesait sur toi ; il a détourné ton ennemi. Le Seigneur est roi d’Israël au milieu de toi. Tu n’as plus de malheur à craindre. Ce jour-là, on dira à Jérusalem : Sois sans crainte, Sion ! que tes mains ne défaillent pas ! Le Seigneur ton Dieu est au milieu de toi, héros sauveur ! »

De même, il fait résonner les paroles du prophète Zacharie : « Exulte, et crie de joie, fille de Sion, car voici que je viens pour demeurer au milieu de toi, oracle du Seigneur ! »

Ces paroles se réalisent en Marie avec une plénitude que nul n’aurait osé imaginer !

Et le Seigneur qui vient  »au milieu » de Marie, le don qu’il fait de lui-même à l’humanité, c’est l’aboutissement du don, de la grâce, qu’il a faite à Marie depuis le premier instant de son existence. De telle sorte que Marie a comme un deuxième nom propre  »Comblée-de-grâce ».

Réjouissons-nous, nous aussi, pour les merveilles que Dieu a opérées en Marie ! Même si notre vie présente a son lot de peines, de difficultés, de misères, tournons nos regards vers l’action du Seigneur en Marie.

Et ne nous sentons pas étrangers à cette joie de Marie, la joie pour ce que le Père céleste a fait en elle. En chaque  »Ave Maria, gratia plena, Dominus tecum », nous saluons ces merveilles et nous croyons que notre Dieu et sa mère les opèrent aussi en nous. Car déjà, les grâces de notre mère, sont dès à présent aussi nôtres. Et de plus, à l’image des merveilles que Dieu a faites en Marie, il veut aussi faire des merveilles en nous ; il a déjà commencé à les faire, et il veut les parfaire.

Une hymne de saint Éphrem peut nous introduire dans cette admiration :

Qu’en Marie se réjouisse tout l’ordre des patriarches :
Elle reçut d’eux la bénédiction, mais les rendit parfaits en son Fils ;
car c’est en Lui que sont purifiés les Voyants, les justes, les prêtres.

L’Arbre de vie qui se cachait au milieu du paradis a grandi en Marie.
Son ombre abrite le monde entier, il offre ses fruits, loin et près.

Marie a tissé la robe de Gloire et l’a donnée au premier père.
Et lui qui s’était caché nu est maintenant orné de beauté et vertu.

Oui, Marie tisse pour nous aussi une robe de Gloire ! Car chaque chrétien, chacun de nous est appelé à participer à la même grâce, à la même sainteté que Marie, à devenir nous aussi immaculés comme la Vierge. C’est ce que saint Paul nous a dit dans la deuxième lecture : « Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus Christ ! […] Il nous a choisis, dans le Christ, avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints, immaculés devant lui, dans l’amour. […] Ainsi l’a voulu sa bonté, à la louange de sa grâce, la grâce dont il nous a gratifiés en son Fils bien-aimé. »

Marie a eu part à la grâce de son Fils avec une plénitude unique, mais le dessein du Père est d’y associer tous ses enfants. Il le fait,  »dans le Christ », lui qui est « plein de grâce et de vérité », et dont « nous avons reçu grâce pour grâce » (Jn 1).

Avec Hugues de Saint Victor, prolongeons notre regard plein d’admiration :

«  »Pleine de grâce », toi de qui est née la source de la grâce. Pleine de grâce, au point que le monde entier boit de ta surabondance. Car si les vierges sages prirent de l’huile dans leurs vases, toi, Vierge très sage, tu n’as pas eu seulement un vase rempli de l’huile de grâce pour en alimenter sans fin ta lampe, mais tu as porté un autre vase, débordant et inépuisable, et de son huile de miséricorde tu as illuminé les lampes de tous les hommes, tu as rempli complètement et jusqu’en haut leurs vases, sans rien faire perdre à celui-là de sa plénitude. Sage, et non pusillanime, tu es venue au secours des autres : tu n’as pas dit :  »Il n’y aurait pas assez pour moi et pour vous » (Mt 25,9). Tu savais qu’il y en aurait assez pour toi et pour nous, que tu pouvais à la fois garder et donner.  La lumière de ta lampe, ce fut la virginité de ta chair ; l’huile de ton vase, ce fut l’humilité de ton cœur. Et l’autre vase, ce fut l’humanité du Verbe conçu dans ton sein : humanité certes pleine de grâce ; et c’est de sa plénitude que toi-même tu as reçu la lumière de la virginité dans ta chair et l’huile de l’humilité dans ton cœur. »

Béni soit Dieu, de nous avoir donné les mérites de son Fils, de nous avoir donné Marie Comblée-de-grâce dès sa conception ; elle nous mène à Dieu par son lumineux exemple, comme une mère. Qu’elle nous conduise aujourd’hui dans la joie, qu’elle nous conduise en cette Eucharistie, pour être revêtus de la sainteté immaculée du Christ. Amen.

F. Gabriel Piot +, prieur

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