Homélie pour le 5e dimanche de Pâques

Ac 14, 21b-27 ;
Ps 144, 8-13 ;
Ap 21, 1-5a ;
Jn 13, 31-33a.34-35.

L’amour nouveau

« Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ».

Avant sa mort, Jésus nous a laissé son testament qu’il résume dans l’amour. « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, Jésus les aima jusqu’au bout ». Ce qu’il nous laisse c’est un amour qui dure, qui n’est pas sujet au changement, aux éclipses. L’exemple du lavement des pieds est éclairant : Jésus choisit la place d’être serviteur, celle qui permet aux autres d’être debout. Être un envoyé du Père, ce n’est pas s’imposer, mais laisser celui qui nous anime aimer par nous.


« Je vous donne un commandement nouveau »

: un commandement moins au sens légal et moral (l’amour ne se commande pas) qu’au sens d’un appel, d’une parole qui exige une réponse. «Nous sommes aimés, donc aimons ».

« Nouveau », en un sens qualitatif (kainos) et non au sens de récent (néos : nouveau-né), car l’amour du prochain existait dans l’Ancien Testament, mais avec un sens restreint, le prochain n’étant que le frère juif, et non l’étranger, – et en un sens négatif : aimer étant ne pas rendre le mal pour le bien (loi du talion). Jésus donne à l’amour fraternel son universalité et sa valeur positive.

La nouveauté est dans l’esprit et les perspectives ouvertes par l’amour de Jésus.


« Comme je vous ai aimés… »

Nous savons à quel point Jésus aima : « Comme celui-là a donné sa vie pour nous, nous devons nous aussi donner notre vie pour nos frères ». Un champ immense s’ouvre.

La source de son amour, Jésus l’indique ailleurs : « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés » (15,9). L’amour coule de source. Si la source est limitée, par exemple notre cœur humain, même pur, l’amour a des limites. Si la source est divine – le cœur de Jésus – on n’a jamais fini d’aimer. La mesure d’aimer sera d’aimer sans mesure.

Que notre amour prenne sa source dans le cœur du Seigneur, il devient réalisable comme réalité divinisante. Ce qui veut dire, réalité qui conduit l’homme au terme de son aspiration et de son désir.


« Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres ». Le Christ a disparu corporellement aux yeux des hommes, mais le Signe de sa mission continue dans l’agapè, l’amour des frères entre eux. Le commandement de l’amour prend la relève de la prédication de Jésus. Cette communion fraternelle c’est l’Église, véritable institution qui maintient la présence du Christ dans le monde jusqu’à la fin des temps.


Dans la première lecture, les Actes des Apôtres montrent que Paul et Barnabé, dans leur voyage missionnaire, fondèrent de nouvelles églises, les premières communautés chrétiennes, à travers bien des persécutions et des épreuves, mais la porte de la foi était ouverte aux nations païennes.


Par contre, dans la deuxième lecture, l’Apocalypse montre l’unique Église, qui descend du ciel, la Jérusalem nouvelle, « toute prête comme une fiancée parée pour son époux ». Elle est la demeure de Dieu avec les hommes ; il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort n’existera plus ; il n’y aura plus de pleurs, de cris, ni de tristesse. La première création aura disparu. « Alors celui qui siège sur le Trône déclare : Voici que je fais toutes choses nouvelles ».


Comment concilier ce contraste entre Paul, fondant de multiples églises dans les épreuves, et l’Apocalypse montrant l’unique Église dans la joie sans mélange : « Il n’y avait plus de mer » ? Ce qui fait l’harmonie, c’est l’amour fraternel, qui renouvelle le cœur des croyants : les chrétiens de la terre sont déjà en espérance des citoyens du ciel. « Celui qui ne gémit pas comme pèlerin ne se réjouira pas comme citoyen » (saint Augustin). Les saints du ciel sont nos frères au même titre que nos frères de la terre : la communion s’étend à l’Église visible comme à l’Église invisible, car c’est la même charité qui fait l’unité de l’Église. L’amour bâtit la cité de Dieu.


Notre charité fraternelle a sa source dans le cœur de Jésus, et finalement dans celui du Père. Aimer comme Jésus, c’est proprement puiser notre charité dans le Dieu trinitaire, c’est recevoir de lui l’amour qu’il reçoit lui-même du Père, qui est Amour, afin d’en faire en soi l’expérience et de diffuser cet amour, pour glorifier Dieu Un et Trine.


Ainsi, l’amour fraternel, comme l’eucharistie, assure la présence du Christ parmi les hommes. Ubi caritas et amor ; Deus ibi est, avons-nous chanté le Jeudi Saint :

« Où règnent amour et charité, Dieu est présent ».

« Gardons-nous de déchirer notre unité :

Fuyons désaccords et procès

Qu’au milieu de nous soit le Christ Dieu !

Et de tout cœur, aimons-nous tous sincèrement ».

frère Jean-Gabriel Gelineau +

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