Homélie pour la solennité de l'anniversaire de la dédicace de l'église abbatiale, 4 octobre 2020

« Terribilis est locus iste … ». À travers ces mots terribles que nous avons chanté en entrant dans cette église abbatiale, nous avons été projetés dans une dimension immédiatement surnaturelle à laquelle nos contemporains ne sont presque plus du tout sensibles. Si elles font parfois encore l’objet de visites – au moins pour les plus célèbres, et lorsqu’elles ne sont pas dénaturées en mosquée – nos églises ne provoquent plus guère le tremblement qu’évoque l’introït de cette messe.

Qui aujourd’hui encore, en pénétrant dans une église, prend conscience d’entrer dans la « Maison de Dieu » ? Lorsqu’il arrive au monastère, le tout jeune postulant apprend qu’en entrant dans l’église il prononcera dans son cœur ce verset du psaume : « introibo in domum tuam et adorabo ad templum sanctum tuum in timore tuo ». Oui, vraiment ce lieu dans lequel les moines passent tant d’heure par jour n’est rien moins que la Maison de Dieu, son Temple saint. Il s’agit donc d’un lieu éminent de rencontres entre Dieu et ses créatures raisonnables. Il s’agit d’un lieu où l’on sait que l’on trouvera Dieu présent, attentif, silencieux.


De ce verset monastique dont je viens de faire mention, nous apprenons encore un peu plus sur cette « Maison de Dieu » : chacun est invité à venir y adorer Dieu ! De quoi s’agit-il ? Littéralement, ce mot signifie d’abord adresser la parole. Une nuance est apportée par un deuxième sens pour lequel il s’agit d’adresser des paroles de vénération, de prière. Les deux derniers sens ajoutent l’idée d’imploration et de prosternation. Avançons plus encore. L’adoration est l’acte premier de la vertu de religion. Le Catéchisme précise qu’adorer Dieu, c’est Le reconnaître comme Dieu, comme le Créateur et le Sauveur, le Seigneur et le Maître de tout ce qui existe, l’amour infini et miséricordieux1. Le numéro suivant ajoute qu’adorer Dieu, c’est dans le respect et la soumission absolue reconnaître le « néant de la créature » qui n’est que par Dieu. Tel est donc le comportement intérieur de celui qui pénètre dans une église afin d’y rencontrer Dieu qui s’y trouve présent.

L’adoration est un mouvement qui va bien au-delà de l’amour. [elle] est le mouvement de tout l’être qui se laisse emporter par le torrent de la sainteté de Dieu (…). L’homme qui adore ne cherche pas à comprendre, il se réjouit même de ne pas comprendre et d’être débordé et dépassé de toutes parts par ce torrent qui faisait dire à saint Jean de la Croix : « À l’amour qui t’emporte, ne demande pas où il va ».2.


C’est l’inhabitation de Dieu dans ce lieu qui rend possible cette adoration. C’est justement par la consécration d’une église – sa dédicace donc – que cette inhabitation divine marque son commencement. C’est parce qu’elle a été consacrée, « baptisée » en quelque sorte, que cette « maison » est devenue digne de contenir la prière, la supplication, les engagements, l’adoration d’une communauté chrétienne. À chaque heure du jour et de la nuit, le moine est sûr d’y rencontrer son Dieu. Et cela est vrai aussi pour n’importe lequel de nos visiteurs qui simplement « vient voir Dieu ». Cette consécration rend aussi une église apte à connaître et vivre le sacrifice eucharistique quotidien, qui rend sacramentellement présent Dieu au milieu de nous. Dieu y vient à la parole du prêtre afin d’être reçu dans le cœur de ceux qui pourront le recevoir.


Grâce à sa dédicace, l’église est donc le témoin privilégié de la rencontre intime de Dieu avec ses créatures. C’est dire combien nous devons rendre grâce à Dieu pour avoir « inventer » une pareille merveille, un pareil lieu, où le Ciel s’ouvre de préférence. Oui vraiment « ce lieu est redoutable ! C’est ici la demeure de Dieu et la porte du ciel : elle s’appelle Maison de Dieu ».

1CEC n° 2096.
2« En prière avec Marie mère de Jésus » par Jean LAFRANCE, p 128.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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