Homélie prononcée à l'abbaye St Michel de Kergonan, le 6e dimanche du temps ordinaire, année A

Chers frères et sœurs,

Comme l’Église en a l’habitude, elle commence le cycle des dimanches du Temps ordinaire par les débuts de la prédication de Jésus. Celui-ci commence par appeler ses Apôtres, puis les ayant réunis pour former le collège des Apôtres, il se met à les instruire en même temps que la foule qui accourt auprès de Lui car tous ces gens sont las, affamés et désemparés. Jésus leur donne alors la nourriture de l’âme et du corps. Ils sentent en effet que Jésus leur délivre un enseignement nouveau, non en faisant constamment référence à Moïse, le législateur d’Israël, mais en parlant avec autorité c’est-à-dire en son propre nom : « Vous avez appris que… Eh bien moi, je vous dis… » Cette formule balancée ne vise pas à dire le contraire de l’enseignement de Moïse transmis par les scribes, mais à le parachever, à l’accomplir en lui donnant une profondeur jusque là insoupçonnée. Jésus ne s’arrête pas aux gestes extérieurs, mais va jusqu’au cœur, aux profondeurs de l’âme. Tous ces préceptes ont pour but de rendre l’homme heureux ; voilà le discours évangélique communément appelé le discours sur la montagne qui couvre les chapitres 5, 6 et 7 de l’Évangile selon saint Matthieu et que la liturgie nous fait entendre du 4e au 9e dimanche du Temps ordinaire vu l’importance de cette Bonne Nouvelle.

Cet enseignement proclamé de façon nouvelle car c’est le Fils de Dieu lui-même qui nous l’annonce, la Parole du Père et le Verbe incarné, cet enseignement est en même temps ancien et traditionnel. Les Psaumes déjà se font l’écho du cœur de Dieu qui veut parler au cœur de l’homme ; ils déclarent que toute la Loi divine est source de bonheur et qu’en même temps elle est tout près de nous, dans notre cœur et dans notre bouche. Nul besoin par conséquent d’aller la chercher au-delà des mers, ce qui pourrait nous donner un prétexte pour ne pas l’observer. Ben Sira nous dit à son tour que nous pouvons observer tous les commandements si nous le voulons. Cela dépend de notre choix de rester fidèles. Il n’a commandé à personne d’être impie et n’a permis à personne de pécher. C’est normal car Dieu ne peut pas se contredire et aller contre sa nature qui est bonne. Jésus nous découvre alors cette bonté, le vrai visage du Père qu’il est le seul à avoir vu et contemplé. Et si les gens sont frappés car ils l’entendent de la bouche même de Jésus par les oreilles de leur corps, combien plus seront-ils marqués quand l’Esprit Saint leur redira les mêmes vérités aux oreilles de leur cœur pour s’imprimer dans leur âme.

Ainsi les scribes disent en écho au décalogue : tu ne commettras pas de meurtre, ce qui consiste à ne pas tuer le corps. Jésus va plus loin en disant que si tu te mets en colère, tu en répondras au tribunal de Dieu, car alors tu veux tuer l’âme de ton prochain. De même, si tu maudis ton frère, tu es passible de la géhenne de feu car la malédiction étant déjà dans ton cœur, tu vis déjà en enfer ; tes actes te conduisent vers ce lieu de malédiction où tout le monde est contre tout le monde. Jésus donne immédiatement l’antidote : va te réconcilier avec ton frère, et ceci est tellement important que le culte ne peut se faire qu’après cette réconciliation ; et ainsi le culte peut s’accomplir en Esprit et en Vérité.

Nous qui avons reçu l’Esprit Saint à notre baptême et la force de proclamer la Bonne Nouvelle à la confirmation, nous sommes capables de juger selon Dieu, de jauger tous nos actes selon son amour et de voir par conséquent si nos actions sont vraiment bonnes c’est-à-dire si elles nous rapprochent de Dieu, ou si elles sont mauvaises et nous écartent de la source de toute bonté et de la Vie. La meilleure manière de convertir le monde n’est pas d’imiter ces agissements mais de se sanctifier par un mouvement sincère de conversion pour attirer les personnes qui veulent faire entrer Dieu dans leur vie, pour goûter toujours davantage le bonheur qui vient de Dieu seul. Car l’enjeu de toute vie est de s’unir à Dieu dans l’Esprit Saint qui voit le fond de toutes choses et les profondeurs de Dieu. Alors nous pourrons voir ce que l’œil n’avait jamais vu, entendre ce que l’oreille n’avait jamais entendu et concevoir ce que le cœur de l’homme n’avait jamais imaginé et que Dieu avait préparé de toute éternité pour ceux qui aiment Dieu.

Amen.

fr. Yves-Marie +

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