Homélie pour la solennité du Christ Roi 2020

Ézékiel 34, 11-12.15-17
1 Corinthiens 15, 20-26.28
Matthieu 25, 31-46

« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. »

 En ce dernier dimanche de l’année liturgique, l’Église est comme tendue vers le terme de l’histoire, et fête le Christ, Roi de l’univers. Elle parle de cet évènement mystérieux en employant une multitude de symboles, présentés en ce jour.

Nous allons nous arrêter principalement sur deux titres paradoxaux : un Fils d’homme qui vient dans la gloire, et un berger qui est aussi un agneau.

Le prophète Daniel, avait vu, venant du ciel, comme un Fils d’homme, à qui avait été conféré empire, honneur et royaume, pour que tous les peuples le servent. « Son empire est un empire à jamais, qui ne passera point, et son royaume ne sera pas détruit. » (cf. Daniel 7, 13-14) Voilà qui nous fait déjà bien comprendre que ce Fils de l’homme est homme mais également bien plus que le commun des mortels. Jésus, qui parle de lui-même dans notre évangile, va recevoir la royauté universelle parce qu’il est cette figure céleste annoncée chez Daniel.

Il était déjà question dans ce passage de Daniel d’empire, d’honneur, de royaume. Jésus ajoute dans l’évangile : quand le Fils de l’homme viendra « dans sa gloire ». En effet, la fête d’aujourd’hui nous annonce une venue en gloire du Christ, son triomphe sur tout mal. Par-delà les catastrophes, les ruines et les drames que vit le monde, par-delà le péché et ses conséquences qui semblent se pavaner et régner, notre Dieu nous promet la réussite finale de son œuvre, de son Église, de son Christ. Réjouissons-nous et louons le Seigneur pour cette assurance, cette espérance. Relevons la tête, tournons-nous vers notre Dieu, lui que tous serviront.

Jésus nous annonce la venue du Fils de l’homme « dans sa gloire », et qu’il régnera sur son « trône de gloire », accompagné de « tous les anges » ; autant d’indications qui nous montrent que Jésus se trouve là où se trouve Dieu. Souvent dans l’Écriture, il est dit que Dieu est entouré de ses anges. Le prophète Isaïe décrit par exemple sa vision lors de sa vocation (cf. Is 6, 1-3) :

« Je vis le Seigneur Dieu assis sur un trône élevé ; sa traîne remplissait le sanctuaire ; des Séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes. » Ils se criaient l’un à l’autre « Saint, saint, saint est le Seigneur Sabaot. Sa gloire remplit toute la terre. »

Saint Jean, dans son Apocalypse, donne les mêmes types de descriptions. Nous en avons entendu plusieurs passages la semaine passée à la messe. « Un trône était dressé dans le ciel, et sur le Trône siégeait quelqu’un. » Il est question de lumière, de reflets, d’éclairs, de torches ; de quatre Vivants qui ont chacun six ailes. Les Vivants et les Anciens adorent celui qui siège sur le trône, ils « jettent leur couronne devant le Trône en disant :  »Notre Seigneur et notre Dieu, tu es digne de recevoir gloire, honneur et puissance puisque c’est toi qui as créé toutes choses. » » (cf. Ap 4, 2-11) Au chapitre suivant, il s’agit du livre aux sept sceaux. Celui-ci pourra être ouvert par l’Agneau immolé. Les Vivants et les Anciens chantent le cantique nouveau : « Tu es digne de recevoir le livre scellé et de l’ouvrir, car tu as été immolé ; par ton sang, tu as racheté pour Dieu des hommes de toutes race, langue, peuple et nation, et tu en as fait pour notre Dieu un royaume de prêtres qui régneront sur la terre. » (cf. Ap 5, 1-10)

La parenté de ces textes sacrés, dans l’un et l’autre Testament, est manifeste ; ceux-ci résonnent d’une même liturgie céleste pour célébrer la gloire de Dieu et de son Christ.

Dans le dernier passage, au chapitre 5 de l’Apocalypse, apparaît en plus l’Agneau immolé. Cet agneau résonne aussi tout particulièrement avec notre évangile et la première lecture. Notre Agneau immolé va juger, ou plus précisément ici, va séparer les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Lui, l’Agneau, met à part et emporte avec lui les brebis qui lui ressemblent, qui se sont laissées façonner à son image. L’Agneau immolé est comme le berger du livre d’Ezékiel :

« Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles. […] J’irai les délivrer dans tous les endroits où elles ont été dispersées un jour de nuages et de sombres nuées. C’est moi qui ferai paître mon troupeau » ; je le ferai reposer. La brebis perdue, je la chercherai, je la ramènerai ; celle qui est blessée ou malade, je la panserai, je lui rendrai des forces ; celle qui est grasse et vigoureuse, je la garderai, la ferai paître selon le droit. « Et voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre béliers et boucs. » (cf. Ez 34, 11-17)

L’Agneau a racheté les hommes de toutes langues ; l’Agneau a racheté les brebis ; l’Agneau s’est occupé de ses brebis et les a conduites. Puis l’Agneau juge entre brebis et brebis. Sur quel critère juge-t-il ? Ses brebis lui ont-elles obéi ? Ses brebis ont-elles pris soin à leur tour des autres brebis ? L’ont-elles fait comme envers un agneau fragile ? L’ont-elles fait à l’un de ces plus petits ? L’ont-elles fait au Fils de l’homme, au Roi, au Christ-Roi, de telle sorte qu’il pourra leur dire : « chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » ?

En cette Eucharistie, le Seigneur Jésus, notre Roi, nous rassemble en son bercail, en son temple. Il s’offre à son Père pour nous panser, pour nous rendre des forces. Lui, l’Agneau immolé, se donne en nourriture pour sa brebis blessée, et pour celle qui est vigoureuse ; pour celle qui est pauvre, assoiffée de Lui, pour celle qui est nue, enfermée. Pour donner la force à celle qui s’enferme elle-même, afin de lui donner d’accueillir le frère parfois très étranger voire étrange, et d’aller à sa rencontre. Que l’Agneau de Dieu nous donne de vivre, sous sa houlette, dans l’accueil du plus petit des frères, de chaque frère ; afin d’être placé, au dernier jour, à la droite du Berger divin ; d’entendre sa voix : « Venez les bénis de mon Père […] depuis la fondation du monde » ; et de nous en aller, au dernier jour, à la vie éternelle. Amen.

frère Gabriel Piot +

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