Homélie pour le jour de Noël, 25 décembre 2025

Noël, c’est la fin de l’Avent. Pourtant, nous l’aimions bien ce temps liturgique marqué par la joyeuse attente du messie. Durant quatre petites semaines, nous avons été invités à veiller, à nous tenir prêts pour accueillir le Fils de Dieu dans son triple avènement : à Bethléem il y a deux mille ans, dans nos cœurs aujourd’hui, et dans la gloire à la fin des temps. L’Avent est le temps de l’espérance. Il oriente nos regards vers celui que nous attendons, et la perspective joyeuse de sa venue illumine déjà notre quotidien. Dans un monde en feu et à sang, le pape François avait voulu que le jubilé qui se termine en ces jours de Noël soit consacré à l’espérance. Alors que nous risquons de porter sur l’avenir un regard sombre et angoissé, cette vertu nous rappelle que nous sommes appelés au bonheur de vivre en Dieu et elle nous apprend à désirer la vie éternelle avec toute l’ardeur de notre âme. La tristesse et la souffrance que nous connaissons ici-bas ne sont que transitoires. En son Fils, Dieu nous a délivrés de la mort et du péché. Et l’attente du salut, objet de notre espérance, rejaillit déjà en joie sur notre monde en désarroi.

Noël, c’est la fin de l’Avent. C’est la fin du temps de l’espérance. Car l’espérance n’a qu’un temps. La foi et l’espérance passeront, nous dit saint Paul. La charité seule ne passera jamais (1 Co 13, 8-13). Au ciel, nous verrons Dieu de nos yeux. Or, « voir ce que l’on espère, ce n’est plus l’espérer » (Rm 8, 24). L’espérance n’est donc pas destinée à durer éternellement. Elle n’est pas centrée sur elle-même. Au contraire, c’est une vertu dynamique, qui nous met en mouvement vers autre chose, vers l’unique objet de tous nos désirs. Comme Jean Baptiste, le saint de l’Avent, l’espérance nous indique le Christ. Après avoir grandi à mesure qu’approchait le salut, elle se plaît à disparaître au profit de la charité et de la béatitude dont elle était le héraut. Noël, c’est la fin de l’espérance : son terme et sa finalité. Noël annonce la plénitude du bonheur enfin goûté.

Noël, c’est la fin de l’Avent. C’est la fin de l’attente. Après plus de quatre mille ans, le peuple d’Israël a rencontré le messie annoncé. Au bout de cet Avent quatre fois millénaire, les hommes qui veillaient dans la nuit ont vu leur attente enfin comblée. C’est ce qu’affirme la première lecture : « Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion. » À leur poste de garde sur les remparts de la ville, ils ont vu arriver celui qu’ils attendaient, le messager « qui annonce le salut ». Comme les habitants d’une cité assiégée, ils saluent avec enthousiasme, en ce jour de Noël, la venue de celui qui vient les délivrer de leurs ennemis. C’est ce que l’ange annonce aux bergers qui attendaient dans la nuit : « Aujourd’hui vous est né un Sauveur » (Lc 2, 11).

Les promesses de Dieu ne sont pas des promesses de Gascon. La longue attente d’Israël n’a pas été un leurre. À Noël, le Seigneur est vraiment venu sauver son peuple ! Le Verbe s’est fait chair afin de mourir sur la croix et de ressusciter pour nous libérer de la mort et du péché. La naissance humble et cachée de l’enfant de Bethléem affermit notre assurance au sujet de sa venue dans la gloire. Noël a mis un terme à l’attente du peuple d’Israël. De la même manière, la parousie mettra fin à la nôtre. Voilà une bien bonne nouvelle ! Car nous avons quelques raisons de nous impatienter.

Certes la lueur de l’espérance nous apporte déjà la joie de la communion avec Dieu, mais il faut bien reconnaître que le monde dans lequel nous vivons, en proie au règne du péché, n’est pas précisément un eldorado. Avouons-le franchement : il y a des jours où on en bave ! Inutile d’aller jusqu’en Ukraine ou en Haïti pour s’en rendre compte. Tous, nous connaissons dans notre entourage des personnes oppressées par la maladie, emportées par une mort précoce, rejetées par leur propre famille, accablées par bien d’autres tourments. Noël nous apprend que toutes ces souffrances auront un terme. Il y aura un jour où notre attente prendra fin. Le Seigneur Dieu viendra à la rencontre de son peuple. « Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur » (Ap 21, 4).

Entre ces deux avènements du Sauveur, à la plénitude des temps et à la fin des temps, le Christ ne nous abandonne pas. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » a-t-il promis à ses disciples (Mt 28, 20). À chaque messe, c’est Noël. À chaque Eucharistie, Jésus vient à notre rencontre sous le signe de son mystère pascal afin de naître dans nos âmes et nous rendre participants de la rédemption. Ouvrons-nous donc au salut qui nous est donné. Et déjà, associons-nous à l’hymne des chœurs angéliques : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’il aime. » (Lc 2, 14). Amen.

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