Homélie pour la solennité de la Dédicace, 4 octobre 2023
1 Rois 8, 22-23.27-30
Apocalypse 21, 1-5a
Luc 19, 1-10
« Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. » (v.5)
Nous fêtons en ce jour la dédicace de notre église abbatiale, c’est à dire l’anniversaire du jour où ce temple, une fois construit, fut consacré à Dieu pour qu’y soit célébré son culte, un service pur.
Nous nous trouvons devant le mystère d’une demeure.
Nous sommes entrés dans cette église ; mais que signifie-t-elle ? que s’y passe-t-il ?
Comme Zachée, nous cherchons à voir qui est Jésus, nous cherchons à le connaître davantage, et cela, pas seulement au temps de notre première conversion, mais chaque jour de notre vie.
Nous avons trouvé le moyen de le voir passer, et là, surprise, Jésus s’adresse à nous, à moi, et me dit : »Aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison ». C’est qu’en fait, avant même que je cherche à voir Jésus, lui-même me cherche et veut venir demeurer chez moi, comme avec Zachée.
Pour que quelqu’un s’invite de la sorte ( »Zachée, aujourd’hui il faut que j’aille demeurer chez toi »), soit il faut déjà faire partie de la maison, être familier de cette personne, soit c’est faire preuve d’une indélicatesse on ne peut plus désobligeante ! Eh bien, en s’invitant de cette manière chez Zachée, chez chacun de nous, Jésus commence par nous dire, à notre surprise, qu’il fait déjà partie de notre maison !
Alors nous nous écrions, comme Jacob après son songe : « Terribilis est locus iste… » « Terrible, redoutable est ce lieu : c’est ici la maison de Dieu et la porte du ciel ; on l’appellera le palais de Dieu ! » Oui, à notre surprise, nous apprenons de la bouche de Jésus, que lui, le Fils de Dieu, la deuxième personne de la Trinité, est là chez nous, en notre cœur, comme déjà notre familier. La crainte de Dieu nous saisit lorsque nous découvrons la proximité du Seigneur. En effet, comme Salomon, nous demandons : « Est-ce que vraiment Dieu habiterait sur la terre ? Les cieux et les hauteurs des cieux ne peuvent le contenir : encore moins cette Maison que j’ai bâtie ! » Certes, Dieu déborde de toutes parts ce temple, mais par ailleurs, juste avant, Salomon avait vu la nuée, signe de la gloire de Dieu, remplir le temple nouvellement construit, et avait dit au Seigneur : « Je t’ai construit une demeure où tu habites à jamais » (1R 8,13)
Dieu est là, chez moi, et je ne le savais pas ! Première découverte que je fais avec Zachée.
Ensuite, ce »chez moi », quel est-il ?
C’est ma maison dans laquelle je reçois Jésus et ceux que Jésus a envoyés ; c’est mon cœur, le plus intime de moi-même, là où j’accueille la présence de mon hôte divin, où la sainte Trinité vient faire sa demeure ; c’est aussi cette église, notre église conventuelle, que certains d’entre nous ont construite, cette église que nous formons aussi chacun comme pierres vivantes. Cette église plus encore, c’est celle que le Seigneur construit comme son corps mystique, notre église domestique de Sainte-Anne, chacune des églises particulières, la grande Église, l’Église de Dieu. L’église où nous nous trouvons est donc à la fois le »chez moi » des moines, des hommes, et le »chez moi » de Dieu : il nous y accueille dans sa maison.
La préface de cette messe exprime admirablement ce mystère : « Il est juste et bon de te rendre grâces, Seigneur, […] car cette demeure visible que tu nous as donné de construire… » est aussi le lieu où « tu construits le temple que nous sommes ».
Cette même préface guide notre regard pour chercher le »chez moi », la demeure, où Dieu et l’homme habiteront ensemble : « Cette demeure […] où tu ne cesses de manifester ta faveur à la famille qui, rassemblée en ce lieu, est en marche vers toi, cette demeure figure et réalise merveilleusement le mystère de ta communion avec nous ».
Le »chez moi » de Dieu qui est en même temps le »chez moi » de l’homme, n’est-il pas l’église, la maison de l’Eucharistie, là où Dieu se donne à l’homme dans le pain offert, et là où l’homme s’offre lui aussi ‘avec joie’ (« laetus obtuli ») avec l’offrande du Christ au Père ?
Dans l’Eucharistie, les noces de la Jérusalem nouvelle avec Dieu, décrites dans la vision de l’Apocalypse, se réalisent par anticipation, avant la réalisation plénière et définitive de ces noces au ciel, lorsque Dieu fera toutes choses nouvelles. Amen.
frère Gabriel Piot +, prieur