Homélie pour la solennité de la Dédicace de l'église abbatiale, 4 octobre 2022

1 R 8,22-23.27-30 ; Ap 21,1-5a ; Lc 19,1-10

Nous venons d’entendre trois lectures qui nous ont parlé chacune à sa manière de la demeure de Dieu. Trois lectures pour manifester trois images de la demeure de Dieu.


En amont du passage que nous avons entendu en première lecture, Salomon a dit : « Le Seigneur mon Dieu m’a donné le repos de tous côtés ; je n’ai plus d’opposants ni de dangers à craindre. Ainsi, j’ai décidé de bâtir une maison pour le nom du Seigneur mon Dieu, selon la parole du Seigneur à David, mon père »1. Il faudra plusieurs chapitres pour décrire la demeure que Salomon va construire pour son Dieu. Il faut dire que c’est la toute première demeure de Dieu parmi les hommes, Dieu qui jusque-là « couchait sous la tente », si l’on peut dire. La nouvelle demeure est unique, il ne saurait y en avoir une autre ; c’est là que Dieu viendra entendre et écouter les prières de son peuple. Pourtant Salomon se pose une question grave : « Dieu habiterait-il vraiment avec les hommes sur la terre ? »2 Peut-être êtes vous resté vous aussi sur votre faim, car aucune réponse n’a été apportée à cette question, ni par Salomon ni par quelque autre roi ou prophète de l’Ancien Testament.


Avec l’évangile de Zachée, nous changeons complètement de décor. Il n’est plus question d’une demeure faite de mains d’hommes que Dieu vient habiter. Il est question d’un homme nommé Jésus qui apporte le salut dans la demeure d’un autre homme nommé Zachée. Cela ressemble presque au mouvement exactement inverse de celui présenté par Salomon. Il faut faire un pas, un pas dans la foi, afin de voir en Jésus non seulement un homme mais aussi le visage du Fils de Dieu. Et puisque « Jésus » signifie « Dieu sauve », Jésus est donc lui-même ce salut apporté à Zachée. L’homme sauvé est ainsi identifié à la demeure de Dieu. Jésus répond ainsi à la question laissée en suspend par Salomon des siècles avant. Oui Dieu est venu habiter parmi les hommes, comme Salomon en avait l’intuition prophétique. Dieu devient Emmanuel, « Dieu avec nous ». Nous voyons bien la difficulté qui peut surgir, qui sera d’ailleurs objectée à Jésus par les juifs : « Tu n’es qu’un homme, et tu te fais Dieu ». Mais en réalité c’est là aussi juste l’inverse : Il est Dieu et s’est fait homme ! Et c’est par la médiation de cette humanité qu’il a pu répondre à la question salomonesque séculaire. Alors que Dieu ne pouvait habiter une autre demeure que celle bâtit par le grand roi Salomon, voici que Jésus se propose de venir habiter les cœurs des hommes et d’y demeurer. Ainsi les cœurs des hommes reçoivent-ils la grâce d’être dédicacés à Dieu par les sacrements.


La lecture du livre de l’Apocalypse nous révèle en quelque sorte une troisième étape : la Cité sainte, la Jérusalem nouvelle. Il ne s’agit pas à proprement parler d’un bâtiment comme nous pourrions en avoir l’idée. Car cette Cité ne naît pas de la terre pour s’élancer vers le ciel, mais au contraire elle descend du Ciel pour rejoindre… mais rejoindre quoi ? Eh bien le texte ne le dit pas ! Jean a vu cette Cité sainte descendre, et c’est tout ce que nous en savons. Mais à la fin du passage que nous avons entendu, nous apprenons ce dont nous avons besoin pour lever l’énigme de cette « Ville suspendue » : « Voici la demeure de Dieu avec les hommes ». Cette Cité spirituelle est donc la réunion de Dieu et des hommes marqués du signe de la foi, tous réunis dans un même amour, dans une même communion, dans une même louange. Cette demeure n’a pas besoin de lumière créée, car Dieu qui est Lumière incréée éclaire chacun !


L’anniversaire d’une dédicace c’est donc un peu tout cela à la foi. Le lieu unique de la rencontre avec Dieu ce sont les sacrements et la prière. Et afin que les chrétiens puissent déjà se rassembler à la fois pour célébrer ces sacrements et pour devenir cette foule immense qui rencontrera son Dieu dans l’éternité, nous nous retrouvons tous dans nos églises. Entre ces deux temps il y a notre temps, celui de la rencontre individuelle avec Dieu. Bénissons Salomon d’avoir eu cette incroyable audace de répondre à l’appel de construire un lieu où Dieu viendrait déjà habiter parmi les hommes. Bénissons Dieu de nous avoir donné l’Église qui est notre Mère et dont nous sommes les fils et les filles. Bénissons Dieu de nous avoir donné Marie en qui tout cela s’est déjà accompli et sur la prière de laquelle nous savons pouvoir compter. Dieu soit béni !


Amen


1. 1 R 5, 18-19.
2.  Id. 8, 27.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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