Homélie pour le 4e dimanche de Pâques 2023

« Je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé. » Dans l’évangile de ce jour, frères et sœurs, Jésus raconte une histoire aux pharisiens. Il y est question d’un voleur qui s’introduit dans la bergerie par effraction, ainsi que d’un pasteur qui entre par la porte et qui fait sortir ses brebis pour les mener paître. Après avoir employé cette image, Jésus en donne le sens. Il se définit aussitôt lui-même comme étant la porte. Une porte est quelque chose par laquelle on passe. En affirmant qu’il est la porte, Jésus veut donc nous inviter à passer par lui pour accéder au salut.

Un peu plus loin dans l’évangile de saint Jean, Jésus dira à ses disciples : « je suis le chemin […] ; personne ne va vers le Père sans passer par moi » (Jn 14, 6). Cette image, comme celle de la porte, indique la nécessité de passer par Jésus pour aller vers Dieu. L’image du chemin et celle de la porte ont en commun l’idée d’un passage obligé. Pourtant, elles ne sont pas synonymes. Le chemin se prend dans la durée, la porte se franchit en un instant. Le chemin indique une direction, la porte, une frontière. Le chemin s’inscrit dans une continuité, la porte marque une discontinuité. Elle sépare une zone appelée « extérieure » d’une autre appelée « intérieure ». Selon que l’on se situe en deçà ou au-delà de la porte, on est dedans ou on est dehors. La porte délimite deux lieux différents, mais elle est aussi le point de contact permettant les échanges et la communication entre ces deux zones. Par la porte on peut entrer. Par la porte on peut sortir. Un lieu qui n’aurait pas de porte serait totalement inaccessible pour ceux qui sont à l’extérieur. Et pour ceux qui sont à l’intérieur, il serait la plus obscure des prisons, dépourvue de toute lueur d’espoir. Un exemple peut nous aider à mieux nous en rendre compte. Dans l’Antiquité romaine, les vestales qui rompaient leur vœu de chasteté ou qui laissaient s’éteindre le feu dont elles avaient la garde pouvaient être emmurées vivantes. Inutile d’insister davantage sur cette coutume effroyable, pour percevoir à quel point l’absence de porte est quelque chose de dramatique !

Depuis la chute originelle, l’humanité se trouve pourtant dans cette situation. En se coupant de Dieu, l’homme est devenu esclave du péché. La mort l’a pris dans ses filets et l’a rendu captif des enfers. Mais la bonne nouvelle, c’est qu’il existe une porte ! Depuis que le Christ est mort et ressuscité pour nous, il est lui-même la porte marquée du sang de l’Agneau, qui nous protège contre l’ange exterminateur, tout en nous ouvrant l’accès au Père. Malheureusement, combien de nos contemporains l’ignorent ! Ils se croient enfermés dans les étroitesses de cette vie terrestre et voués à une mort piteuse, qui viendra les engloutir dans le néant… Ils sont « errants comme des brebis », et trop souvent, ils ne voient pas la porte qui leur est ouverte. Il est vrai que cette porte est étroite. Et pour la franchir, il nous faut déposer sur le seuil toutes nos idées de grandeur trop humaines. Nous devons nous ajuster aux dimensions de la porte, nous ajuster à l’humilité du Christ, qui n’a pas craint de souffrir pour nous et qui nous a « laissé un modèle afin que [nous suivions] ses traces », comme l’écrit saint Pierre dans la deuxième lecture.

Dans la première lecture, nous avons entendu le même apôtre exhorter la foule à se convertir et à recevoir le baptême au nom de Jésus Christ, pour entrer en possession de la promesse faite par Dieu à Israël. Nous qui avons été baptisés, frères et sœurs, nous avons été plongés dans la mort et la résurrection du Christ. Par le baptême, nous avons franchi la porte qu’est Jésus. Nous sommes sortis du séjour des morts et nous sommes entrés à la suite de notre Pasteur dans les pâturages de la vie sacramentelle où il se fait lui-même notre nourriture. Veillons donc à écouter sa voix, à marcher sur ses traces, à recevoir avec fruit l’hostie dont il nous rassasie, pour parvenir avec lui jusqu’aux prairies de la béatitude éternelle.

En ce dimanche où nous célébrons la journée mondiale de prière pour les vocations, tournons-nous vers Marie, dont la vie entière n’a été que « oui » à Dieu. Elle fut si unie à son Fils qu’elle a mérité d’être appelée, comme lui, « porte du ciel ». Et avec elle, supplions le bon Pasteur de donner à son Église de nombreux prêtres qui viennent à la rencontre des brebis en passant par la porte. Des prêtres qui soient suffisamment humbles pour laisser l’humilité du Fils de Dieu transparaître à travers eux. Des prêtres qui n’aient pas peur de suivre les traces du Serviteur souffrant. Des prêtres, enfin, qui soient animés au plus profond d’eux-mêmes de la charité pastorale de Jésus Sauveur, prêts à se donner tout entiers, à l’exemple de leur maître, « pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance ». Amen.

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

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