Homélie pour le 14e dimanche du temps ordinaire, 5 juillet 2020
Zacharie 9, 9-10
Romains 8, 9.11-13
Matthieu 11, 25-30
Ce dimanche, l’Église nous offre le même évangile que celui de la solennité, encore récente, du Sacré Cœur. Arrêtons-nous quelques instants sur ce mystère qui est au cœur de notre foi : par son Incarnation, le Christ Jésus, envoyé par le Père, a pris notre condition humaine, a aimé divinement avec un cœur humain, nous a fait connaître l’amour du Père ; introduits dans cette fournaise ardente, l’amour jailli du cœur de la Trinité se déverse sur nous ; nous pouvons alors aimer à notre tour Dieu et nos frères avec ce même amour reçu.
Jésus commence par s’adresser à son Père en le louant car, dit-il, « ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ».
L’opposition entre la révélation aux tout-petits et le fait de le cacher aux sages et savants est là pour faire un contraste ; il s’agit d’un moyen de faire ressortir la révélation aux petits ; car Dieu veut se révéler à tous, y compris aux sages et savants.
Au-delà de ce moyen de contraste, nous pouvons aussi voir ce que veut dire Jésus ici à propos des sages et savants, en entendant le prophète Isaïe : « Le Seigneur a dit : Parce que ce peuple est près de moi en paroles et me glorifie de ses lèvres, mais que son cœur est loin de moi et que sa crainte n’est qu’une leçon apprise, eh bien ! voici que je vais continuer à étonner ce peuple par des prodiges et des merveilles ; la sagesse des sages se perdra et l’intelligence des intelligents s’envolera » (Is 29, 13-14). Autrement dit, si la sagesse des sages reste stérile et fini en poussière, c’est que le cœur est loin du Seigneur, malgré des paroles qui peuvent donner le change… C’est en raison d’un cœur partagé ou fourbe que l’intelligent peut s’aveugler, non pas par la sagesse et intelligence elles-mêmes ! Car elle est ce qui est de plus précieux lorsqu’elle est une sagesse selon Dieu : nous pouvons nous rappeler la prière du jeune Salomon à Gabaon : « »Donne à ton serviteur un cœur plein de jugement pour gouverner ton peuple, pour discerner entre le bien et le mal ». […] Il plut au regard du Seigneur que Salomon ait fait cette demande, et Dieu dit : »Parce que tu as demandé cela, […] je te donne un cœur sage et intelligent comme personne » (1 Rois 3, 9-12).
La révélation des desseins du Père aux petits est un axe majeur de l’Évangile. Plus tard, alors que les disciples demandent à Jésus « qui est le plus grand dans le Royaume des Cieux ? », il place un petit enfant au milieu d’eux et promet l’entrée dans le Royaume des Cieux à ceux qui leur ressemblent (cf. Mt 18, 2-4). C’est aussi dans ce sens que nous pouvons comprendre ce que Jésus a enseigné dès le début de sa vie publique, dans les Béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 3). Les petits, les pauvres de cœur, les simples, les affligés, les doux, ce sont eux, non pas qui méritent de recevoir la Révélation ou d’être élus par Dieu, mais qui sont plus disposés à simplement recevoir cette Révélation, à y répondre d’un cœur sincère.
Et voici une des raisons de cette disposition : ce sont ces petits, pauvres, ou affligés qui se sentent touchés et attirés par les paroles de Jésus : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour votre âme. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. » Comme dit saint Augustin : celui qui n’est pas accablé ne prête pas l’oreille à ces paroles de Jésus. Au contraire donc, celui qui peine sous le fardeau, tend l’oreille de son cœur aux paroles du Maître !
Et ce Maître, est… la Sagesse de Dieu ! incréée et incarnée. Certes, il a lui aussi un joug et un fardeau qu’il nous invite à prendre sur nous (joug du sermon sur la montagne), mais avant cela et avec cela, ce joug est un lien qui nous lie à lui : Jésus porte avec nous ce joug, ce joug même est ce qui opère le lien entre lui et nous ; ce joug est une relation personnelle emplie d’amour qui rend tout le reste léger. Ce joug est aussi une école, car tout apprentissage de la Sagesse se fait dans une école, l’école du service du Seigneur, pour devenir disciple de Jésus, pour vivre en communion avec lui, uni à lui, pour lui ressembler peu à peu.
Le Christ nous libère du joug pesant de l’oppression du péché et de ses conséquences, pour nous donner son propre joug, facile à porter, le joug de l’Alliance avec Dieu, un joug pour labourer notre terre afin qu’elle porte de bons fruits.
Notre Maître, en plus d’être la Sagesse de Dieu, est doux et humble. Quoi de plus étonnant pour le cœur humain marqué par le péché ? Comme dit saint Augustin encore, la Sagesse de Dieu, par qui tout est créé et gouverné selon son dessein, vient, non pas nous apprendre comment faire des choses grandioses ou des miracles, mais pour nous enseigner l’humilité et la douceur ! Il l’a fait par toute sa vie, il l’a fait suprêmement dans sa Passion et sur la Croix où son Cœur fut transpercé. Oh, combien pouvons-nous demander sans cesse à notre Maître, Seigneur et Époux : »Rends mon cœur semblable au tien ! »
Enfin, Jésus nous dit « et vous trouverez le repos pour votre âme ». Nous pouvons voir l’ultime repos offert par Jésus dans le don de la vie éternelle. Sur terre, il refait nos forces, il procure le repos à notre corps et à notre âme par le don de son Corps qui est pain de vie et prémices de la Béatitude, repos éternel ! Amen !
frère Gabriel Piot +