Homélie pour la Vigile Pascale, Samedi 19 avril
Guidés par une lumière éclatante
Il y a 400 ans, un laboureur du pays d’Auray s’enfonçait dans la nuit, guidé par la lueur d’un cierge mystérieux. Sainte Anne lui avait recommandé de ne pas partir seul et quelques amis l’accompagnaient. Le cierge conduisit la petite procession jusqu’à l’emplace-ment d’une ancienne chapelle, au milieu d’un champ de seigle, tout près de la fontaine de Keranna. L’éclat de sa lumière était si grand qu’on y voyait comme en plein jour. Après s’être élevé puis abaissé à trois reprises, le flambeau disparut dans le sol. La découverte à cet endroit d’une antique statue de la sainte marqua le commencement d’une longue histoire, où les grâces seraient déversées en abondance sur les fidèles.
En cette année jubilaire, frères et sœurs, nous vivons ce soir une expérience comparable à celle d’Yvon Nicolazic. Comme lui, nous sommes sortis au cœur de la nuit. Comme lui, nous nous sommes regroupés pour ne pas nous retrouver seuls. Comme lui, nous avons suivi un cierge qui nous a conduits tous ensemble jusqu’à un édifice religieux. Et dans les nombreuses églises où seront célébrés des baptêmes, le cierge pascal sera bientôt plongé trois fois dans les fonts baptismaux, comme le flambeau du champ du Bocenno.
Cette expérience est celle que font tous les croyants depuis que le Seigneur a libéré son peuple de la main de Pharaon. Au soir de la Pâque, les Hébreux s’étaient rassemblés pour manger l’agneau pascal avec leurs voisins les plus proches. Et au milieu de la nuit, chassés par les Égyptiens, ils s’étaient mis en route guidés par une colonne de feu. Ils entamaient ainsi un long voyage à travers lequel le Seigneur les conduirait tous ensemble jusqu’à la terre promise.
Le flambeau qui nous conduit vers le Temple véritable, frères et sœurs, c’est le Christ. C’est lui la vraie lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde. C’est lui qui est venu nous rejoindre dans la nuit de notre péché, afin de nous en délivrer par sa mort et sa résurrection. Et ce soir, nous célébrons cette « nuit de vrai bonheur, qui seule mérita de connaître le temps et l’heure où le Christ a surgi du séjour des morts ». Voilà pourquoi la terre entière exulte, et la nuit comme le jour est lumière ! Oui, le Christ est ressuscité. Il nous conduit tous ensemble jusqu’à la vie éternelle. Amen, alléluia !
Homélie pour le dimanche de Pâques, le 20 avril
Témoins de la Résurrection
« Celui qu’ils ont supprimé en le suspendant au bois du supplice, Dieu l’a ressuscité le troisième jour. Il lui a donné de se manifester, non pas à tout le peuple, mais à des témoins que Dieu avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. » Dans le discours qu’il adresse au centurion Corneille, Pierre annonce la bonne nouvelle de la mort et de la résurrection du Christ, dont il a été, avec les douze apôtres, le témoin privilégié. Au soir de Pâques, Jésus les a d’ailleurs envoyés proclamer en son nom la conversion pour le pardon des péchés, à toutes les nations en commençant par Jérusalem. Et il leur a déclaré : « À vous d’en être les témoins » (Lc 24, 48).
Pour être témoin, il faut deux conditions : avoir vu, et annoncer. Avoir été témoin, et témoigner. Sans ces deux conditions, il n’y a pas de témoignage. Un témoin est quelqu’un qui témoigne de ce qu’il a vu. Celui qui parle de ce qu’il n’a pas lui-même vu ou entendu n’est pas un vrai témoin. Celui qui, au contraire, garde le silence sur ce qu’il a vu ou entendu n’est pas non plus un vrai témoin. Le témoin commence par vivre une expérience, pour ensuite la transmettre aux autres. Il reçoit et il donne.
C’est bien ce qu’on vécu les apôtres, comme nous l’avons entendu dans la première lecture. Pierre y explique qu’avec ses compagnons, il a suivi Jésus de Nazareth depuis son baptême dans le Jourdain, et qu’ils ont été « témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem ». Après sa mort sur la croix, ils ont encore été témoins de sa résurrection quand il s’est manifesté à eux en venant partager leur repas. Et Pierre de conclure en disant : « Dieu nous a chargés d’annoncer au peuple et de témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts. C’est à Jésus que tous les prophètes rendent ce témoignage : Quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon de ses péchés. » Les apôtres ont donc été de véritables témoins du Christ ressuscité. Ils ont proclamé à toutes les nations le mystère du salut, dont ils avaient été les témoins privilégiés.
Grâce au témoignage des apôtres, la bonne nouvelle de la mort et de la résurrection du Christ s’est transmise de génération en génération. Grâce à leur témoignage, l’Église fait mémoire du mystère pascal à chaque Eucharistie et elle le célèbre de façon plus intense encore durant les jours du triduum pascal. De cette manière, elle communique aux hommes en abondance la grâce de la rédemption.
Cette année encore, frères et sœurs, nous venons de vivre avec toute l’Église ces trois jours saints au cours desquels le Seigneur a souffert, s’est reposé et s’est relevé d’entre les morts. Ce triduum nous a une nouvelle fois mis en contact avec le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. Dans le sacrement de pénitence et de réconciliation, nous avons expérimenté nous aussi la miséricorde infinie de Dieu pour nous. Avec l’apôtre Pierre, nous pouvons témoigner que « quiconque croit en [Jésus] reçoit par son nom le pardon de ses péchés ». Au cours des cérémonies liturgiques de ces jours saints, dans le jeûne et la prière, nous avons suivi le Christ dans ses souffrances et dans sa mort. Et en ce dimanche de Pâques, alors que nous célébrons solennellement l’Eucharistie, Jésus lui-même se rend présent parmi nous comme il s’est rendu présent au milieu de ses disciples le soir de Pâques. Dans quelques instants, le Ressuscité sera là pour nous sur l’autel. Sous les signes sacramentels du pain et du vin, la foi nous fera reconnaître son corps transpercé et glorifié.
Oui, frères et sœurs, ce matin, Jésus vient à notre rencontre. Et il est là au milieu de nous. Il nous dit : « La paix soit avec vous ! ». Comme il l’a fait pour les apôtres, il s’invite à notre table. Nous avons donc, nous aussi, le privilège de manger et de boire avec lui après sa résurrection d’entre les morts. En ce jour de Pâques de l’année 2025, le Christ ressuscité désire une nouvelle fois se manifester à des témoins privilégiés, plutôt qu’à tout le peuple. Et c’est nous qui sommes ces témoins que Dieu a choisis d’avance pour « annoncer au peuple et témoigner que lui-même l’a établi Juge des vivants et des morts ». Nous avons été tout spécialement choisis par Dieu pour être ses témoins !
Cette grâce immense s’accompagne d’une responsabilité tout aussi grande. Par notre parole et par toute notre vie, nous sommes chargés de témoigner de tout ce que nous avons vu et entendu. Nous ne pouvons plus vivre comme si rien ne s’était passé. Désormais, notre existence tout entière proclamera cette bonne nouvelle : « Le Christ mon espérance est ressuscité ! ». Amen, alléluia !