Homélie pour la nuit de Noël 2020

« Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez » disait le prophète Malachie. Oui, « le peuple qui marchait dans les ténèbres » de notre monde devenu quasi fou à lier, voit en cette nuit très sainte, « se lever une grande lumière ». En cet instant, Dieu se donne « pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes et de nous purifier afin de faire de nous un peuple ardent, un peuple ardent à faire le bien ». Que sommes-nous venus célébrer en cette nuit d’hiver ? En avons-nous suffisamment assez d’être déçus dans des attentes petites, étriquées et finalement trompeuses ? Voici que notre Dieu se fait aussi pauvre que possible pour rejoindre sa créature infiniment pauvre mais si peu consciente de l’être. Jusqu’où ces créatures devront-elles descendre pour enfin se laisser rejoindre par leur Rédempteur ?

Tandis que l’homme court en tout sens ou bien se terre, effrayé et paniqué devant le visage d’une mort corporelle qu’il croit voir partout –selon un principe de précaution curieusement dénué de toute forme de caution– Dieu vient en cette nuit réveiller son âme spirituelle. « La peur est une défaillance de l’intelligence », est-il écrit au livre de la Sagesse (la vraie !). À la folie du monde et de ses savants (équilibristes d’occasion), Dieu offre la folie de l’Incarnation. Laissons là ce triste monde et recueillons-nous quelques instants devant la miséricorde faite chair. C’est tellement merveilleux, étincelant de lumière, subjuguant d’amour ! L’amour éternel s’incarne et prend place dans le temps pour rejoindre ceux qui n’ont pas de temps. Qui le comprendra ?


Marie vient de mettre au monde son fils premier né. Elle en aura beaucoup d’autres, des millions. Celui-ci lui est né selon la chair. Les autres lui naîtront selon l’esprit, ce qui n’est pas plus simple, la laissant tout aussi vierge que ce tout premier enfantement charnel. Elle est là étendue, épuisée par cet enfantement. Pensez donc : si l’enfantement d’un petit d’homme représente un effort physique intense, qu’est-ce que cela à côté de l’enfantement d’un Dieu, né de Dieu avant tous les siècles, qui prend soudainement une nature humaine. Une nature humaine puisée d’une jeune femme vierge d’environ 16 ans. Allez-y ! Mettez vous donc à la place de cette jeune femme un instant, et voyez comment vous vous y prendriez pour n’être pas évanoui d’un si grand mystère !

Le petit bébé, lui, repose dans une mangeoire. Il dort à poings fermés. Il vient de si loin ! À cet instant, Dieu fait ses toutes premières expériences humaines. Attendu depuis des siècles, il est enfin là.

En contemplant cela, les anges, s’ils avaient été dotés d’un corps charnel, s’en seraient peut-être étouffés d’étonnement. Au lieu de cela ils évangélisent ! Oui les anges furent les premiers évangélisateurs, bien avant que l’évangile ne fut prêché ! Allez comprendre : ce sont les manières de Dieu. Il faut dire qu’ils ne tiennent plus en place. Il leur faut dire au monde ce qui vient d’arriver. Ces pures esprits se tournent presque naturellement on le comprend, vers des hommes à l’esprit pure et simple : les bergers. « Evangelizo vobis gaudium magnum », ce qui en français donne : « je vous évangélise un grande nouvelle » ! Ces bergers aux grands yeux d’une pureté qui reflète charnellement celle de leurs âmes, reçoivent cet évangile. Si bien qu’en arrivant devant la grotte, ils se croient au Ciel, comme Jésus l’annoncera un jour : « Bienheureux les pauvres de cœurs, car le royaume des cieux est à eux ».

Et puis il reste Joseph. Joseph s’est assoupi s’en même s’en rendre compte. C’en était trop pour son cœur de père. Tout premier homme à avoir tenu entre ses mains l’Enfant-Dieu, Joseph a bien failli en mourir d’amour. Alors Dieu lui a fait grâce et la nature a repris ses droits un instant. Que pourrait-il bien arriver puisque désormais, Dieu est avec nous !

En cette nuit d’une joie incommensurable que Dieu vous fasse la grâce d’une très belle fête de Noël


Amen

frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur

Catégories : Homélies