Homélie pour la solennité de la Pentecôte, 28 mai 2023

L’évangile de ce jour de Pentecôte est d’une sobriété remarquable. L’auteur prend un soin tout particulier à ce que l’essentiel soit dit. Il commence par situer avec précision la scène qu’il veut relater. Elle se déroule le premier jour de la semaine, c’est à dire le dimanche, ce dimanche où Jésus s’est relevé d’entre les morts, ce jour nouveau pour toute l’humanité. C’est un changement considérable que notre monde a du mal à se figurer, et nous aussi parfois. Marc et Luc évoquent aussi cet épisode de la vie de Jésus en le plaçant dans les mêmes circonstances semble-t-il.


Voici que Jésus fait irruption au milieu des siens, au cœur de leur présent, au cœur de ce qu’ils vivent. Pour les apôtres, réunis en un même lieu, ce présent se nomme « peur » et « frayeur ». Il est intéressant de constater que Jésus surgit ainsi apparemment à l’improviste chez des hommes enfermés dans leur peur et inquiets de ce qui pourrait bien leur arriver. Il n’est pas difficile de comprendre une telle réaction de la part des apôtres : le sort que les juifs ont réservé à leur Maître a de quoi les mettre dans une grande frayeur. Toute fois nous devons remarquer qu’il s’agit d’un regard très humain, très factuel, très instantané. Et Jésus pénètre cet espace bien clos. Nos clôtures ont beau être solides, elles ne peuvent résister à la venue de Jésus : c’est important de le noter.


La venue de Jésus s’accompagne d’un changement climatique instantané : elle dissout leur crainte aussitôt. La douce paix du Ressuscité se répand sur ces hommes, les entoure et finit par les habiter intimement. Cette paix que Jésus leur adresse n’est pas un « bonjour » un peu banal. Il s’agit d’une paix qui se transmet depuis une source intarissable. Jésus est notre paix, il est cette source. En disant « la paix soit avec vous », il se donne lui-même. Et il nous parle aussi de son Père qui a toujours été l’origine de toute ses actions et de toutes ses paroles, de toutes ses pensées.


Ce n’est qu’après avoir répandu sur ces apôtres cette paix pleine et véridique qu’il peut évoquer le passé. Remarquez qu’il le fait avec une très grande délicatesse. D’un geste, il leur montre ses mains et son côté. Il ne dit rien. Une parole serait de trop. Ce silence de Jésus sur ce passé douloureux si proche est vraiment exemplaire pour nous. Il nous fait deviner qu’une parole n’est pas toujours possible, mais qu’un geste silencieux est parfois plus opportun, surtout s’il a été préparé par un geste de paix véridique. Le signe qui nous montre la justesse du geste de Jésus, c’est la joie qu’il déclenche chez les apôtres : « ils furent remplis de joie à la vue du Seigneur » dit le texte. Puis de nouveau Jésus leur partage la paix qui l’habite. Il n’a montré les marques de sa douloureuse Passion qu’entourée de la paix qu’il donne. Il ne cherche pas à provoquer un remord ou une demande quelconque. Il désire au contraire redonner de l’élan à ces hommes qui étaient terrorisés voici encore un instant.


À travers toutes ces paroles et ce geste, Jésus nous parle de son Père, il agit comme son Père. Toute son action est un témoignage grandiose de la bonté de Notre Père des cieux. Oui vraiment, en voyant Jésus, les apôtres voient le Père ! Et c’est le moment que Jésus choisit justement pour souffler l’Esprit sur eux. Dans l’agir du Père et par l’humanité du Verbe, l’Esprit est soufflé sur les apôtres. Ces hommes sont transformés, retournés par ce souffle paterno-filial. Ils sont pour ainsi dire recréés. Par le souffle de l’Esprit, Jésus qui les a installés dans sa paix, les envoie au Nom du Père, pardonner les péchés, c’est à dire remettre chacun dans la paix et sur le chemin qui mène au Père. Et ce chemin, c’est Jésus, comme il nous l’a dit. Sans doute, nous ne recevons pas tous le pouvoir de remettre les péchés, mais l’Esprit nous donne à chacun le pouvoir de pardonner à ceux qui nous offensent et de leur permettre ainsi de recouvrer la paix dans leur âme. Ce don est très important dans notre monde si prompt à produire déchirures et querelles.


Demandons à l’Esprit Saint qui nous est donné abondamment en ce jour, cette grâce particulière d’être artisans de paix et acteurs de la miséricorde entre nous. Nous témoignerons ainsi de l’amour de Dieu, sachant que c’est par cet amour que nous aurons les uns pour les autres que nous donnerons au monde le témoignage de notre appartenance à Jésus et à son Église.

Amen. Alléluia !

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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