Homélie pour la solennité de l'anniversaire de la dédicace de l'église abbatiale

Il arrive parfois qu’un être humain ait envie de raconter une histoire et d’en faire un livre. Au moment d’achever le manuscrit, l’auteur décide parfois de mettre une citation en exergue, ou bien un mot, une phrase, quelque chose qui retiendra l’attention du lecteur.

Lorsque cet écrivain est un peu connu, ou bien si le thème de l’ouvrage est particulièrement important, l’auteur peut se prêter à ce que l’on appelle une séance de dédicace. Il va s’agir pour lui d’écrire à la main un mot un peu personnel pour une personne qui le lui demande. Il n’est l’auteur matériel ni du livre, ni du papier, ni de la couleur, ni des caractères, mais seulement de la pensée renfermée dans ce livre. Pourtant il ajoute une touche personnelle adressée à telle personne. Et souvent cela fait la joie et même l’honneur du demandeur.

Il y a peut-être une certaine analogie avec la dédicace d’une église.


Dieu n’est pas l’auteur de cette construction qui a été réalisée par des hommes. Il n’est pas davantage l’auteur de l’agencement ni des couleurs, hauteur, forme, volume. Pourtant c’est bien lui qui est à l’origine de tout cela ! Tout est réalisé pour célébrer Dieu, pour entendre sa Parole, recevoir les sacrements qu’Il a préparés pour nous. Par la dédicace, Dieu prend en quelque sorte possession de ce lieu où Il adressera à chacun par l’Esprit-Saint une grâce, une phrase, un mot, quelque chose qui sera directement destiné à celui qui le recevra. Un mot qui peut-être changera la vie d’une personne. Par la dédicace, une église devient donc un lieu de rencontre du peuple de Dieu avec Celui-ci, un lieu de célébration. Un lieu de conversion aussi, un lieu d’intimité où nous recevons tant de grâces si nous nous y disposons !

C’est d’ici tout particulièrement que la prière de ce peuple montera vers ce Dieu. Elle montera à la manière d’un encens nous dit le psaume. Avez-vous déjà contemplé une volute d’encens qui monte gracieusement dans l’air ? Il est impossible de décrire avec exactitude sa forme. Elle monte tranquillement sans qu’on s’en rende vraiment compte, à moins qu’un rayon de soleil ne vienne la révéler. Pareillement la prière monte vers Dieu, qui Lui sait la reconnaître, l’entendre, l’apprécier.

Le parfum que répand cette prière peut être très précieux et même se déposer dans l’atmosphère et demeurer encore là plusieurs heures après. C’est comme un souvenir encore actif d’un temps d’union puissant entre Dieu et son peuple. C’est un peu comme la flamme d’un cierge qui continue fidèlement la prière de celui qui l’a allumé. Cette prière deviendra même une flamme brillant dans la froideur et la noirceur de la nuit.


Sans la consécration de ce lieu à Dieu, rien de tout cela ne serait possible, rien de tout cela n’aurait corps ; tout deviendrait éphémère et volatil.

Et puis il y a tout ce que nous ne voyons pas, tout ceux dont nous ne soupçonnons même pas la présence. Les anges tout d’abord qui sont là parmi nous, qu’ils soient attachés à notre propre personne ou bien à d’autres fonctions que nous ignorons. Et puis il y a aussi la présence de tous ces saints que nous invoquons à longueur d’année. Ah ! Si seulement nous pouvions voir l’invisible, comme nous serions étonnés de tout cela. C’est dans la foi que nous pouvons contempler ces réalités , cette foi qui fait toute la valeur de notre prière. Cette foi plus précieuse que l’or pourtant vérifiée au creuset, comme le dit l’écriture.


Incarnation de cette demeure de Dieu parmi les hommes, la Très Sainte-Vierge Marie vivait elle aussi dans la foi. C’est pourquoi elle est vraiment notre Mère sur ce chemin vers Dieu. Ce chemin le plus souvent éclairé de la lumière qui vient de notre cœur, là où Dieu la dépose et l’entretient. Sachons venir souvent dans ce lieu afin de laisser Dieu nourrir la flamme de notre foi, qu’Il désire brillante dans notre monde parfois bien pauvre.


Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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