Homélie pour la solennité des saints Pierre et Paul 2025
Le roc de Pierre
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » La traduction française du passage d’évangile que nous venons d’entendre rend bien compte du rapport étroit que Jésus a voulu établir entre les fondations de son Église et le nom nouveau qu’il donne à Simon fils de Yonas. « Tu es Pierre (Petros en grec), et sur cette pierre (petra) je bâtirai mon Église. » L’apôtre tire son nom de la pierre de fondation sur laquelle l’Église est construite.
Pourtant, à y regarder de plus près, le terme grec petra, qui a été traduit en français par « pierre », pour manifester clairement le lien qui existe entre ce nom et celui de l’apôtre, ne désigne pas exactement une pierre au sens d’un gros caillou que l’on pourrait déplacer avec un peu de force dans les bras. Pour cela, le grec utilise le nom lithos, que l’on retrouve par exemple dans le mot « mégalithe ». En réalité, petra signifie plutôt « rocher ». La pierre dont il est question dans notre évangile n’est pas un simple caillou, aussi lourd soit-il. Elle est un roc inébranlable, plus ferme encore que les mégalithes de nos paysages bretons. La pierre sur laquelle Jésus bâtit son Église est la roche elle-même, qui donne leur consistance aux montagnes et constitue le sous-bassement de notre sol. On peut s’appuyer sur elle en toute confiance, sachant qu’elle ne risque pas de se dérober sous nos pieds. Qui veut construire un édifice doit le fonder sur le roc, la petra.
Cette idée était déjà apparue quelques chapitres auparavant dans l’évangile de Matthieu. À la fin du discours sur la montagne, Jésus avait invité ses auditeurs à bâtir leur maison sur le roc. « La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc (petra). » (Mt 7, 25).
Dans l’Écriture sainte, l’image du rocher est souvent utilisée pour parler de Dieu. Dieu est solide comme le roc. « Il est le Rocher, déclare le Deutéronome […]. Dieu de vérité, non pas de perfidie, il est juste, il est droit. » (Dt 32, 4). Sa fidélité est inébranlable et il est possible de s’appuyer sur lui en toute confiance. « Prenez appui sur le Seigneur, à jamais, recommande Isaïe, sur lui, le Seigneur, le Roc éternel (Dominus est petra æterna). » (Is 26, 4). Dieu demeure stable pour toujours. La confiance que l’on place en lui ne sera pas déçue.
Fils unique de Dieu venu dans notre chair, Jésus ne fait qu’un avec son Père. Il est donc autant que lui le roc éternel. C’est ce qu’affirme saint Paul lorsqu’il écrit, à propos des fils d’Israël en marche dans le désert, qu’« ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait, et [que] ce rocher, c’était le Christ » (1 Co 10, 4). Et l’apôtre Pierre, qui sait de quoi il parle, écrit que Jésus « est la pierre vivante rejetée par les hommes, mais choisie et précieuse devant Dieu » (1 P 2, 4). Il est la pierre angulaire, fondement de la demeure spirituelle faite de pierres vivantes, dans la construction de laquelle nous sommes appelés à entrer nous aussi. Le Christ, notre roc, est représenté par l’autel, sur lequel nous célébrons l’Eucharistie. Et l’Eucharistie fait l’Église. Jésus est donc le rocher sur lequel l’Église peut s’appuyer. Il est le roc qui permet à la maison de résister aux assauts des vents et de la tempête.
En donnant à Simon le nom de Pierre, Jésus le fait participer à sa qualité de fondement. Il l’associe à la stabilité et à la solidité de Dieu lui-même. En effet, après son ascension, le Christ ne sera plus visiblement présent au milieu des hommes. Et il sait qu’ils auront besoin de repères sûrs. C’est pourquoi il donne à l’un de ses apôtres la garantie d’une foi inébranlable, sur laquelle tous pourront s’appuyer, sur laquelle il pourra édifier son Église. Il sait que la pluie va tomber, que les torrents vont dévaler, que les vents vont souffler et s’abattre sur la maison. Mais il nous assure que « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle », car la maison de l’Église est fondée sur le roc.
De siècle en siècle, de génération en génération, la tempête fait rage contre l’Église et pourtant celle-ci tient toujours. En conférant à Pierre la dignité de fondement, Jésus nous assure de la solidité de l’édifice construit sur lui. Et quand Pierre à son tour vient à nous quitter pour le ciel, le Christ lui donne un successeur, doté des mêmes prérogatives que lui. Nous en avons été les témoins directs il y a deux mois à peine. Bénissons le Seigneur pour les merveilles qu’il opère constamment au milieu de son peuple. Alors que nous sommes toujours dans la joie de l’élection de Léon XIV, rendons grâce pour les papes qu’il ne cesse pas de nous donner. Nous savons que l’Église, fondée sur la foi de Pierre et de ses successeurs, ne sera jamais ébranlée. Elle est bâtie sur le roc et « la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ». Amen.