Le coeur ouvert de Jésus, homélie du 29/03/24

« Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. » Ce verset rapporté par l’évangéliste saint Jean dans le récit de la Passion est tiré d’une prophétie de Zacharie. Dans un style apocalyptique, ce dernier évoque la délivrance de Jérusalem assiégée par des armées étrangères. Il y est question d’un mystérieux transpercé, sur lequel on se lamente comme sur un fils unique (Za 12, 10). Et juste après la description de cette lamentation, le prophète annonce qu’« il y aura une source qui jaillira pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem : elle les lavera de leur péché et de leur souillure. » (Za 13, 1).

C’est au pied de la croix que le disciple bien-aimé voit s’accomplir cette prophétie. Jésus, le Fils unique de Dieu, vient de mourir. Un soldat perce de sa lance le côté du Christ. « Et aussitôt, témoigne l’évangéliste, il en sortit du sang et de l’eau. » Même si saint Jean ne le dit pas, la tradition a retenu que c’est le côté droit de Jésus qui a reçu le coup de lance. L’eau et le sang sortis du côté du Christ sont ainsi rapprochés de la source jaillie du Temple, telle que la décrit le prophète Ézéchiel, et qui s’écoule par le côté droit (Ez 47, 1-2). Cette eau sourd du sanctuaire en abondance au point de devenir un fleuve infranchissable. Elle assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent (Ez 47, 9). L’évangéliste veut nous dire ainsi que du côté transpercé du Christ jaillit la véritable source d’eau vive, qui seule pourra nous purifier de nos fautes et nous donner la vie éternelle. C’est elle qui « lavera les habitants de Jérusalem de leur péché et de leur souillure », selon l’expression du prophète Zacharie. Jésus est le véritable fils unique dont la mort doit apporter la délivrance à Jérusalem.

« Ils lèveront les yeux vers celui qu’ils ont transpercé. » En citant ce verset de l’Écriture, le disciple bien-aimé nous livre sa propre expérience. « Celui qui a vu rend témoignage, dit-il, et son témoignage est véridique. » Au pied de la croix, Jean a levé les yeux vers le cœur transpercé de son Seigneur, et il a vu. Qu’a-t-il vu ? Le quatrième chant du serviteur, que nous avons entendu en première lecture, nous l’apprend : « ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler. » (Is 52, 15). Le disciple bien-aimé a contemplé le cœur ouvert de Jésus, et il a vu « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas venu à l’esprit de l’homme » (1 Co 2, 9). Il a vu « ce qui dépasse toute connaissance : l’amour du Christ » (Ep 3, 19). C’est cet amour débordant du cœur de Jésus qui a donné aux apôtres d’annoncer l’évangile, aux martyrs de verser leur sang, aux vierges d’attendre avec vigilance la venue de l’Époux. C’est de cette source intarissable du cœur de Jésus que jaillissent toutes les grâces données aux hommes de toutes les époques et de tous les continents.

La liturgie du vendredi saint que nous sommes en train de célébrer nous met en contact avec la mort rédemptrice du Fils unique de Dieu. Nous aussi, nous pouvons contempler le cœur de Jésus grand ouvert pour nous montrer son amour infini et le déverser dans nos propres cœurs. Il nous invite à puiser dans la joie aux sources du salut (Is 12, 3). Tournons-nous vers lui avec confiance. « C’est lui qui, par son sacrifice, dit encore saint Jean dans sa première épître, obtient le pardon de nos péchés », et il ajoute : « non seulement les nôtres, mais encore ceux du monde entier. » (1 Jn 2, 2). C’est pourquoi nous allons maintenant supplier Dieu tout-puissant, dans la grande et solennelle prière universelle de ce jour, de répandre sur le monde entier les fleuves d’eau vive jaillis du cœur de son Fils sur la croix, afin que tous les hommes puissent accueillir la grâce de la rédemption et s’ouvrir à son amour. Amen.

+ fr. Jean-Vincent Giraud, abbé

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