Homélie pour la messe du mercredi des Cendres, 22 février 2023

Donner dans la discrétion, prier dans le secret, jeûner avec joie. Tels sont les trois grands thèmes que l’évangile de ce mercredi des Cendres propose à notre méditation.


Le livre de Tobie notamment, affirme à plusieurs reprises que l’aumône remet les péchés des hommes. En réalité c’est évidemment Dieu qui remet les péchés. Mais cette formule manifeste que Dieu est attentif à celui qui regarde son frère dans le besoin sans lui tourner le dos ni lui fermer la main. À ce sujet le compendium de la doctrine sociale de l’Église affirme au n°328 :

« Les richesses remplissent leur fonction de service à l’homme quand elles sont destinées à produire des bénéfices pour les autres et pour la société : « Comment pourrions-nous faire du bien au prochain — se demande Clément d’Alexandrie — si tous ne possédaient rien? ». Dans la vision de saint Jean Chrysostome, les richesses appartiennent à quelques-uns pour qu’ils puissent acquérir du mérite en les partageant avec les autres »1.

Pour autant cela ne suffit pas aux yeux de Jésus. De son temps il existait bien des riches qui donnaient de grosses sommes d’argent, seulement certains le faisaient publiquement pour bien se faire remarquer des hommes. Jésus nous fait percevoir ici que Dieu n’est pas myope, encore moins aveugle. Il n’a pas besoin de recevoir un signal pour que son attention soit attirée. En fait il voit tout, mais d’après l’évangile, il voit tout de même mieux dans le secret ! Oui, notre Père voit dans le secret. Et si Jésus nous invite à donner avec discrétion, ce n’est pas pour nous donner une leçon. Mais il sait qu’un « don public » est dangereux pour le cœur de l’homme qui risque de se regarder dans le don qu’il fait, au lieu de regarder celui auquel il fait une aumône.


Prier dans le secret est une demande plus subtile. La bible regorge de prières d’hommes et de femmes qui ont été faites dans un cœur à cœur avec Dieu, dans de secrètes paroles, et qui ont été exhaussées : Judith, Esther, Ézéchias, et tant d’autres. Le roi Ézéchias est peut-être celui qui est le plus touchant dans la démarche de supplication qui le caractérise. Ayant reçu une lettre du roi Sennakérib mettant Israël au défi, il vient déposer cette lettre et la déplier devant le Seigneur dans le Temple. Puis il dit :

« Prête l’oreille, Seigneur, et entends, ouvre les yeux, Seigneur, et vois ! Écoute le message envoyé par Sennakérib pour insulter le Dieu vivant »2.

Comme on le voit, le Seigneur Dieu d’Israël n’est pas abordé d’égal à égal, mais d’un cœur suppliant vers un Dieu Tout Puissant. Telle est la prière privée que Dieu attend de notre cœur. Prenons modèle sur ces passages bibliques.


La troisième demande de Jésus concerne le jeûne. Cette pratique très ancienne est le plus souvent réduite aujourd’hui, dans notre civilisation, à un procédé esthétique qui ne vise finalement qu’à être plus regardé, mieux contemplé. Cela n’a rien à voir avec ce jeûne biblique pratiqué si souvent pour obtenir une conversion des hommes vers le Seigneur. Il n’est que de penser au jeûne des ninivites lorsque Jonas vient annoncer la destruction de la ville. La création tout entière est appelée par le roi de Ninive à un jeûne sévère. Voici l’ordre du roi :

« Hommes et bêtes, gros et petit bétail, ne goûteront à rien, ne mangeront pas et ne boiront pas. Hommes et bêtes, on se couvrira de toile à sac, on criera vers Dieu de toute sa force, chacun se détournera de sa conduite mauvaise et de ses actes de violence. Qui sait si Dieu ne se ravisera pas et ne se repentira pas, s’il ne reviendra pas de l’ardeur de sa colère ? Et alors nous ne périrons pas ! »3

Le jeûne qui est ici pratiqué est évidement public mais aussi personnel. Il est à la mesure de la demande que fait le roi, et répond à un avis de destruction totale imminente de la ville. Dans ce jeûne nous retrouvons une forme d’aumône, une prière intense. S’il s’agit de se faire remarquer, c’est bien de Dieu et de lui seul.


Allons, et nous aussi faisons de même !


Amen

1 Compendium de la doctrine sociale de l’Eglise, Città del Vaticano, Libreria Editrice Vaticana, 2005, art. 328.
2 2R 19,16.
3 Jo 3,7.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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