Homélie pour le jour de Pâques, 4 avril 2021
C’est à nouveau avec l’évangéliste Jean que notre Mère l’Église nous conduit à célébrer la Résurrection. Ce n’est pas étonnant. En effet, comme nous l’avons déjà entendu dans le récit de la Passion, saint Jean favorise une rencontre peut-être plus singulière avec Jésus. Allons à sa rencontre !
Tôt ce matin, nous avons laissé Jésus caché dans la pénombre de sa résurrection, comblant son humanité de la gloire toute lumineuse de cette résurrection. Jésus qui est resté caché aux yeux des hommes durant presque tout sa vie terrestre, conserve au moins ce trait de caractère. La nature aussi reste discrète. Pourtant, si elle avait des propriétés labiales, chacune de ses composantes chanterait la gloire d’avoir été foulée, touchée, regardée par le Ressuscité. Docile à son Maître et Créateur, elle reste silencieuse comme peut l’être une âme ayant découvert les secrets du Roi, plus heureuse de les vivre que de les répandre en paroles courtes et pauvres.
Après les femmes premières arrivées tôt ce matin, c’est aux hommes d’entrer en scène, comme vient de nous le rappeler l’évangile. Pour eux, point d’ange annonciateur. Jésus les a préparés depuis longtemps à ce moment, il les y a initiés, alors il les laisse à la puissance de sa grâce. Oui, pendant les trois années de sa vie publique, Jésus leur a doucement appris à deviner l’invisible, à le pressentir. Pas plus tard qu’il y a deux jours il leur a même dit où ils devaient le retrouver : en Galilée. Mais aucun n’a entendu. Aucun n’en tient compte. Il reste quelque chose qu’ils n’ont pas encore compris comme nous l’a dit l’évangile. Mais ce n’est pas grave : Jésus leur fait confiance pour se laisser éclairer de l’intérieur par la grâce qu’il a semé en eux. Jusque-là en effet la plénitude de la divinité du Verbe était certes voilée d’une humanité. Mais Jésus était là, bien visible. Cette fois-ci, et pour la première fois, c’est une absence, un vide, qui doit leur permettre de découvrir une plénitude, celle de la résurrection, ou plutôt celle du Ressuscité !
Avec une sobriété toute vierge et une justesse exacte, Jean nous raconte admirablement ce qui s’est passé pour lui : « Il vit et il crut ». C’est court, c’est net, c’est exact.
Il ne faut toute fois pas s’y méprendre. En effet Thomas le jumeau demandera lui aussi de voir, et il croira. Mais ici Jean n’a rien demandé, il a juste été disponible pour recevoir et de fait, il a reçu. Sa grâce particulière est sans doute d’avoir consenti à recevoir, d’avoir usé de sa capacité à être docile et à se laisser enseigner de l’intérieur. Il s’en est trouvé tourné vers l’avenir, et non plus vers le passé.
Pour Pierre c’est plus compliqué ! Il lui faut tout vérifier et refaire tous ses calculs. Ce n’est pas tant qu’il soit consciencieux à ce point. Mais il a connu encore tout récemment une sacrée défaillance, alors il est devenu assez méfiant sur les intuitions généreuses, voire géniales, les siennes comme celles des autres. Il y a deux jours il protestait de vouloir et pouvoir aller jusqu’à la mort avec son Maître. Et finalement c’est bien vivant qu’il était revenu honteux, en pleine nuit et en cachette se glisser « dans son lit » ! Depuis, Pierre tient à garder la tête froide. Du reste Jésus lui en a fait le commandement : « quand tu te seras ressaisi, affermis tes frères ». Cependant, au lieu de chercher du côté de la Galilée, Pierre se tourne vers le passé, vers le tombeau.
À vrai dire, ce qui nous apparaît comme une lenteur à croire de la part de Pierre, n’a pas d’importance. Car plus rien ne peut arrêter dans la monde la propagation de la vérité de la résurrection de Jésus : il serait plus facile de faire cesser l’éclat du soleil que de stopper la propagation de cette si bonne nouvelle ! « مام المسيح », comme le disent les nos frères chrétiens arabes : le Christ est ressuscité !
Oui ! Le Christ est ressuscité ! Il a vaincu la mort ! Tout est fini, la victoire est acquise à notre Dieu. C’est donc vers là-Haut qu’il nous faut désormais orienter notre regard et laisser tomber nos médiocres calculs humains, calculs sans cesse à recommencer, tout simplement parce que c’est le propre des calculs de n’avoir pas de fin. Oui ! Laissons nous rencontrer par le Ressuscité. N’ayons pas peur de lui : sa bienveillance est ineffable, et nous savons désormais avec certitude qu’il ira nous chercher loin, bien loin, si jamais nous nous égarons, lui qui est allé chercher une Passion qui seule pouvait faire écho à l’amour incompressible qu’il nous porte. Puisse notre reconnaissance résonner à l’unisson de sa bienveillance.
Le Christ est ressuscité ! Qu’il le soit vraiment pour chacun de nous, en chacun de nous !
Amen, alléluia !
+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur