Homélie pour le dimanche de Pâques 2022

Ce matin Jean nous offre un narration toute neuve et toute pure de la résurrection. Quelque chose de doux comme une rosée printanière. Comme nous venons de l’entendre, Marie-Madeleine brave les ténèbres matutinales. Dans la pénombre, elle voit la pierre roulée du tombeau ouvert, et toute interdite, elle poursuit sa course enténébrée pour rejoindre Pierre et Jean. Nous ne savons pas où elle les rejoint. Certainement dans un endroit secret où ils se terrent à l’abri des romains. Les paroles de désolation de Marie-Madeleine retournent les deux hommes au point de les mettre en marche vers le lieu où l’on a vu pour la dernière fois le crucifié mort.

Cette course est plus longue pour Pierre, peut-être moins habitué « à bouger », alourdi qu’il est tant par ses certitudes que par ses inquiétudes. Jean est plus rapide, plus audacieux, plus virginal, plus jeune aussi. Les deux hommes ne se sont pas attendus en route, chacun a suivi son propre élan, l’élan de son propre cœur, sans se soucier beaucoup de l’autre semble-t-il. Ils ne savent pas encore agir avec une seule âme, un seul cœur. Le texte suggère cependant que les deux hommes courent avec le même but : retrouver le Maître. Le plus jeune des deux à l’affût d’un signe, espère déjà l’inimaginable. Pierre plus hésitant, reste en retrait, comme pour suivre de loin ce qui se passe. On ne sait jamais après tout ! La tactique pourrait porter ses fruits cette fois-ci, même s’il lui est arrivé un fâcheux incident quelques jours auparavant dans la cour du Grand Prêtre à cause d’une servante trop curieuse, jointe au chant d’un coq !


Enfin Jean et Pierre arrivent au tombeau, l’un après l’autre et non pas ensemble. Toute la scène va se jouer en quelques regards. D’un coup d’œil rapide et précis, chacun a pu apercevoir des linges qui avaient recouvert Jésus. Jean qui n’est pas entré mais s’est juste penché à l’intérieur, n’a pu voir que la pièce de tissu qui couvrait le corps ensanglanté de Jésus. Et puis il est resté dehors à attendre son compagnon de marche. Enfin arrivé, Pierre – déjà revêtu d’une autorité reçue de Jésus puisqu’il a été choisi par lui pour affermir ses frères – entre sans faire aucune manière. Il voit les linges, et c’est tout. Pierre constate, mais son cœur reste de marbre. À son tour Jean entre « tout entier » : « il vit et il crut » nous dit l’évangéliste. Formule laconique mais sublimement performante. L’auteur inspiré n’apporte aucune explication sur le cheminement intérieur que Jean vient de vivre. Tout ce que nous savons c’est qu’il s’y est pris à deux fois.

Il est très remarquable qu’il n’aie pas pu croire avant que Pierre n’entrât. Si tel avait été le cas, il l’aurait écrit dans cet ordre. Mais non. Jean n’a pu croire qu’après que Pierre ne fût entré et n’aie vu lui aussi. Alors seulement Jean est lui-même entré. Non pas à demi comme la première fois, mais tout entier ; avec son corps et avec son âme ; avec sa jeunesse et avec son amour vierge ; choisi et donné par et pour Dieu. Et alors il reçoit le don de la foi. La foi n’est pas reçue en dehors de l’Église naissante. L’autorité de Pierre choisi par le Christ se manifeste déjà en quelque sorte. Ainsi a-t-il fallu à Jean d’y venir à deux fois pour pouvoir recevoir la grâce de la foi. Tout d’abord naturellement, par lui-même, puis après Pierre.

N’est-ce pas le mystère de l’Église qui nous est déjà révélé ici avec celui de la liberté de chacun à désirer donner son assentiment plus ou moins ? Si tel est bien le cas, alors nous percevons notre responsabilité à nous chrétiens baptisés dans la propagation de la foi dans le Ressuscité, foi qui nous a été donnée et que nous recevons dans son Église par un don de Dieu. En ces temps plus difficiles où des chrétiens croient pouvoir définir une foi indépendamment de celle donnée par Dieu dans son Église, il est bon de revoir cet enseignement que nous transmet Jean dès les premiers instants de la résurrection du Sauveur.


Après Pierre et avec lui, des dizaines et des dizaines de millions de chrétiens ont suivi le Christ ressuscité depuis plus de vingt siècles. Marchons nous aussi à sa suite, courageusement, unanimement, amoureusement, afin de répandre autour de nous la bonne odeur du Christ ressuscité.


Amen, alléluia !

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

Catégories : Homélies