Homélie pour le dimanche des rameaux 2022

Alors que nous entrons dans la grande Semaine Sainte avec la lecture de cette Passion selon saint Luc, nous entrons simultanément dans les derniers instants de la vie charnelle de Jésus. Les trente années de sa vie charnelle terrestre vont bientôt se refermer un peu comme une parenthèse au regard de l’éternité. Mais avant son incarnation céleste, Jésus doit encore accomplir ce que son Père – notre Père ! – lui demande, comme il l’a toujours fait. Le récit fourmillant de détails précieux donne l’impression d’une sorte d’allongement du temps à la fois plus long, plus simple et plus plein. Cette impression n’est en vérité qu’une illusion. Car la vie terrestre de Jésus n’a jamais cessé d’être remplie, débordante de vie, débordante du don de soi. Jésus n’a jamais cessé de tout donner, de toujours tout donner. Cette puissance humaine de toujours tout donner, Jésus l’a puisée dans sa relation filiale à son Père. Ce Père qui est toujours avec lui et avec Lequel il est toujours. Et c’est ainsi que nous est révélé quelque chose de la vie trinitaire : le Père aime le Fils et le Fils aime le Père et chacun donne tout ce qu’il est dans un don sans fin. Le Père filiise son amour et le Fils paternise ce même amour en retour. Et c’est de cela que Jésus est venu nous parler, Lui le Verbe, à nous pauvres humains. A travers toute sa vie incarnée terrestre, il est venu nous parler avec nos mots, de sa vie trinitaire éternelle, vie de relation continuelle entre le Père et le Fils dans l’amour de l’Esprit.


Bien sûr il n’y a pas de ténèbres en Dieu ni péché ni rien de ce genre. Et cela semble faire une sacrée différence avec nous. Mais l’amour de Dieu pour l’homme ne trouve pas sa cause dans le péché, mais dans un débordement du don de soi, un débordement d’amour. Et Jésus a dû composer avec notre histoire humaine percluse de péchés en tout genre pour nous parler de ce qui n’a rien à voir avec ce péché. Et il ne faudrait pas l’oublier. Souvent nous voyons l’amour de Dieu simplement comme un remède à notre péché, ce qui est vrai mais fort réducteur. Car l’épanchement de l’amour de Dieu pour nous est antérieur à tout péché, à toute création, à tout ce qui n’est pas Dieu. Et c’est cela que Jésus est venu nous chanter divinement. Avez-vous entendu ce chant derrière le récit de la Passion ?


Car aujourd’hui ce dernier chant du Fils, ce dernier chant du Serviteur nous est totalement révélé, absolument, « trinitairement ». Chaque geste de cette humanité terrestre de Jésus est trinitaire : l’écoute, le silence, le regard, le don, la vie, la respiration. Tout. Jésus nous montre le chemin pour vivre notre vie en totale union avec le Père, Notre Père. Il nous montre le chemin de croix pour être dans la joie de cette union qui fait tout porter, tout supporter y compris la croix. Il nous donne « l’adresse » afin que nous vivions de cet amour et qu’il nous emporte avec Lui sur le bon chemin. Et à travers cette page d’évangile que nous venons d’entendre et peut-être même d’écouter, Jésus nous montre tout ce qu’il a fallu d’amour trinitaire pour pouvoir composer une vie d’amour terrestre immaculée dans un monde dominé par le péché, infesté par le péché, enlaidi par le péché.


Et la lumière incréée a osé descendre aux plus bas fonds des plus épaisses ténèbres sans jamais s’éteindre. Car les ténèbres ne peuvent éteindre la lumière. Et le mystère de cette audace tient en peu de mots : Dieu a choisi de perdre selon la nature humaine afin de ramener définitivement jusqu’au Père l’humanité dans l’amour trinitaire, alors qu’elle était jusque-là irrémédiablement perdue. Et il a vaincu. Telle est la folie de la Croix. Et cette folie a peut-être connu la tentation de dominer, de se faire justice elle-même, selon l’humanité du Fils. Mais l’amour trinitaire a vaincu cette tentation sans y laisser un atome de rancune ou d’amertume.


Entrons sans bruit dans cet élan divin et supplions Dieu de renouveler encore et encore la merveille de grâce de ce Salut qui nous ouvre à la liberté, comme fils et filles adoptifs de notre Père. Et n’oublions pas qu’au moment de cette entrée de Jésus dans sa Passion, personne n’a alors compris que Jésus venait juste nous sauver et nous parler d’une vie d’amour sans aucune commune mesure : un amour trinitaire, le seul amour qui mérité ce nom sur terre, et qui offre à toute l’humanité le salut !

Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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