Homélie pour la Présentation du Seigneur, fête de la vie consacrée

Alors qu’elle est une petite fille, Claire de Castelbajac dit un jour à ses parents : « Devinez ce que je veux être plus tard ». Son papa lui répond : « tu veux être religieuse ». Et Claire de répondre : « Non ! Je veux être sainte. C’est plus que religieuse hein ? ». Nous n’avons pas la réponse du papa et il faut dire que la question est difficile. Les enfants ont d’ailleurs souvent l’art de poser ce type de question.

De fait, la vie consacrée et la sanctification ne sont pas sous le même rapport. La vie consacrée, qui est de l’ordre du moyen, est un mode de vie que l’on qualifie de « plus radical », tandis que la sainteté est la vocation de tout être humain. La radicalité dont il vient d’être fait mention n’est peut-être pas à entendre dans n’importe quel sens. En effet, si la vie consacrée était un moyen radical pour atteindre la sainteté il faudrait convenir, compte tenu des résultats connus, que le moyen n’est peut-être pas très bien adapté.


En réalité la vie consacrée est un appel à une intimité préférentielle avec Dieu. Mais pas seulement. La personne consacrée reçoit de l’Église, à travers diverses Règles de vie, les moyens pour entrer dans cette intimité singulière, pourvu qu’elle y consente dans une fidélité quotidienne et sans cesse renouvelée par l’amour et le désir de Dieu. Cette intimité une fois établie et sans cesse renouvelée en particulier dans les sacrements, est orientée à un rayonnement. Rayonnement parfois public, parfois privé. Jésus l’explique à ses apôtres dans sa merveilleuse prière à son Père et notre Père. « Pour eux je me consacre », « pour eux je me sanctifie »1. Cette consécration dans l’intimité de son Père est le modèle de la consécration dans l’intimité du Père, pour ceux qui sont appelés à cette vie. Et cette consécration s’épanouit pleinement lorsqu’elle rayonne sur le monde qui nous entoure, d’une manière ou d’une autre.


Être consacré à Dieu dans une vie préférentielle où Dieu n’est progressivement préféré à rien, conduit à l’action de grâce et de gratitude pour tout ce que Dieu fait dans nos vies. « Le premier devoir de la vie consacrée est de rendre visibles les merveilles opérées par Dieu dans la fragile humanité des personnes qu’il appelle »2, peut-on lire dans Vita consecrata.

La vie consacrée a aussi mission de Le faire connaître au monde, de le rayonner à ceux qui n’ont jamais entendu parler de Lui. Il s’agit d’annoncer au monde, par toute notre vie, fut-elle en retrait ou bien apostolique, que Dieu est notre Créateur, notre Sauveur, notre Père. Un Père d’une telle paternité que son Fils unique nous a défendu d’appeler quelqu’un Père sur cette terre, car en Dieu seul est réalisée la plénitude de la paternité. « La vie consacrée reflète cette splendeur de l’amour, parce qu’elle fait profession, par sa fidélité au mystère du Calvaire, de croire à l’amour du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, et d’en vivre ».3


Il apparaît ainsi combien « les personnes consacrées seront missionnaires avant tout par le constant approfondissement de leur conscience d’avoir été appelées et choisies par Dieu, vers lequel elles doivent donc tourner toute leur vie et à qui elles doivent offrir tout ce qu’elles sont et tout ce qu’elles ont, en se libérant des entraves qui pourraient retarder la plénitude de leur réponse d’amour »4. Une part fort importante du combat spirituel des consacrés va précisément se trouver là. Libérer les entraves qui retardent la plénitude du rayonnement auquel elles sont appelées. Cela dépend donc de l’amour et de l’énergie avec lesquelles le religieux s’implique dans sa vie spirituelle, sa vie d’intimité avec Dieu. Plus il cherchera à répondre à la vocation qui lui a été donnée par Dieu, plus il bénéficiera de la grâce que Dieu veut lui communiquer. Tout cela est invisible aux yeux, mais tout cela peut aussi rayonner à l’extérieur et accomplir la part d’évangélisation qui revient à chacun.

Prions les uns pour les autres, et vous aussi chers frères et sœurs priez pour que tous ceux que Dieu appellent à la vie religieuses répondent avec la générosité requise et les sacrifices qui l’accompagnent. La joie que Jésus veut donner en dépend : une joie rayonnante, complète, christique.


Amen

1 Jn 17, 19.
2 II Jean-Paul, Exhoration apostolique Vita consecrata vie consacrée et sa mission, Paris, Pierre Téqui, 2005. n°20.
3 Ibid. N°24.
4 Ibid. n°25.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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