Homélie pour la solennité de la Vierge Marie Mère de Dieu, 1er janvier 2023

Le merveilleux petit tableau évangélique qui vient d’être présenté à notre contemplation est une rareté toute pure dans tout l’évangile. Il n’y est en effet prononcé aucune parole par aucun des acteurs peints par le narrateur. Tout y est décrit avec la sobriété dont sont capables les pauvres. Nous avons juste l’essentiel, c’est à dire ce qui reste lorsqu’on a ôté tout le superficiel. C’est comme un écho mystique à l’incapacité du petit enfant-Dieu, le Verbe fait chair, de prononcer encore la moindre parole. Luc rapporte une série de faits dont il n’a pas été témoin. Marie lui a fourni par sa parole maternelle, les fruits d’observation et de méditation de son cœur d’alors de toute jeune maman.

Nous sommes pour ainsi dire invités par l’évangéliste à vivre cette scène en nous laissant conduire, en passant doucement d’un personnage à l’autre comme on contemple une peinture dont le traits de couleur et les teintes travaillées nous prennent comme par la main.

Il y a d’abord les bergers. Ils ont suivi le chemin indiqué par les anges. Ils ont marché dans la nuit. Il leur a fallu trouver cette grotte. Peut-être ont-ils dû en faire plusieurs avant de trouver la bonne. Ces hommes connaissaient sans doute les alentours et tous les recoins qui permettent de se protéger eux et leurs bêtes des intempéries. Et puis, trouver un enfant nouveau-né dans une grotte, cela ne devait pas être trop courant à cette heure, par cette nuit, en cette saison. C’était le signe. Un signe qui ne pouvait donc pas tromper. Alors ces pauvres-là trouvèrent le lieu et découvrir la scène telle que les anges la leur avaient annoncée : Marie, Joseph, et le petit bébé couché dans une mangeoire.

De Marie et Joseph, nous ne savons rien. Ils sont là, ils sont juste là dans la nuit, devant ce petit enfant-Dieu. Ils écoutent la fragile respiration de Jésus qui ne porte pas encore de nom puisqu’il ne le recevra que huit jours plus tard. L’arrivée des bergers avec peut-être quelques-unes de leurs bêtes, attire leur attention. Qui va là ? Va-t-il falloir quitter les lieux, déjà ? Mais non. Les bergers se mettent à raconter « ce qui leur avait été annoncé au sujet de l’enfant ». Cela a dû aller assez vite, car les anges ne sont jamais trop loquaces. De fait, cela tient en peu de mots : un Sauveur leur été né ; un signe leur était donné : un petit bébé dans une mangeoire. Seulement voilà : ils n’étaient pas les premiers : il semble qu’il y ait déjà eu du monde à l’entrée de cette grotte. On n’est jamais tranquille, même la nuit, dans une grotte !

Cette foule, personne ne sait d’où elle est sortie. Les anges ont-ils semé la bonne nouvelle largement ici et là ? C’est bien possible ! Mettons-nous à leur place ! Avec une telle joie, il fallait bien qu’ils la communiquent. Mais tous furent étonnés. Cette foule dont les pharisiens auront bientôt mépris de l’ignardise, cette foule de pauvres gens s’émerveille et se demande ce que tout cela veut dire.

Et puis dans une sorte de circulation lumineuse, tout cela revient vers Marie. Elle écoute. Elle entend ces étonnements, elle regarde ces visages joyeux, elle contemple cette toute première gloire de Dieu, de son enfant-Dieu qui enthousiasme toutes ces petites gens. Elle les voit repartir aussi. Ces pauvres se remettent en route. Ils sont les tous premiers messagers qui vont annoncer cette bonne nouvelle dans les bourgs voisins, avec toutes les questions que cela pose aussi.

Et la scène semble se refermer sur ce départ comme un rideau qui retombe avec beaucoup de pudeur et de douceur sur cette sainte Famille blottie dans le silence, la joie, l’amour et la foi. Oui, la foi d’être là, devant le Sauveur du monde. Joseph repasse dans son esprit le songe qu’il a reçu six mois auparavant lorsque Marie revenait de chez sa cousine Élisabeth. Mais ce message-là, l’évangéliste Luc ne le rapporte pas. C’est une autre affaire, l’affaire d’un autre. Il vaut laisser à chacun sa part d’évangélisation.


Toute cette scène sublime est somptueusement mise en note dans la seule pièce de cette messe qui ne soit pas tirée du commun de la Vierge-Marie. Il s’agit de la communion « Exsulta filia Sion ». Sur les paroles du prophète Zacharie, le compositeur grégorien a su mettre une liesse contenue et comme intérieure. Il faudrait des compétences et une mesure de temps dont je ne dispose pas pour mettre tout cela en lumière. La finale doit cependant retenir notre attention. Là où Zacharie parle d’un roi « juste et victorieux », le moine compositeur confesse la foi catholique et déclare ce roi « Sauveur du monde ».


Tout cela nous le devons à Marie que nous fêtons à la messe de ce jour. Qu’elle nous conduise toujours sur ce chemin de la foi !

Que la paix qui rayonne de cette crèche se répande sur notre monde qui en a tant besoin !


Amen

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

Catégories : Homélies