La foi de Marie, homélie du 15 août 2024

« Désormais tous les âges me diront bienheureuse. » Deux mille ans après cette prophétie de Marie, nous en constatons aujourd’hui encore la réalisation. En effet, si nous sommes réunis ce matin dans cette église, c’est pour célébrer la béatitude dans laquelle est entrée la Vierge Marie au jour de son assomption. Oui, après des générations de chrétiens depuis Élisabeth, nous proclamons à notre tour que la Mère de Jésus est vraiment bienheureuse. Assumée dans la gloire du ciel, elle contemple Dieu face à face : la seule activité qui puisse nous rendre pleinement et parfaitement heureux.

Pourtant, quand Élisabeth a proclamé le bonheur de sa jeune cousine, celle-ci ne jouissait pas encore de la vision béatifique. Venant à peine de concevoir l’enfant Jésus, elle avait encore un bout de chemin à parcourir avant d’achever son pèlerinage sur la terre. D’où lui vient donc ce bonheur qui rayonne de toute sa personne ? Élisabeth nous en donne l’explication : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. » C’est la foi de Marie qui la rend heureuse dès ici-bas. La foi n’est pas sans rapport avec la vision béatifique. En effet, la foi est un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas (He 11, 1). Tandis que la vision est un moyen de connaître des réalités… que l’on voit. Par la foi ou par la vision, sur la terre comme au ciel, ce sont les mêmes réalités divines que l’on connaît. Par la foi, la Vierge Marie communiait déjà sur la terre au mystère de la vie divine dont elle jouit maintenant en plénitude dans le ciel.

Marie a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. C’est la raison pour laquelle, dans notre préparation diocésaine au jubilé de Sainte-Anne d’Auray, cette année 2024, dédiée à Marie, nous invite à méditer sur la vertu de foi. La foi est la réponse de l’homme à la révélation que Dieu lui fait de son mystère. Car dans son amour infini, Dieu nous a parlé. « Il s’adresse aux hommes comme à ses amis, enseigne le concile Vatican II, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion » (DV 2). Et le Concile poursuit : « À Dieu qui révèle est due l’obéissance de la foi, par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans un complet hommage d’intelligence et de volonté » (DV 5). De cette obéissance de la foi, Marie est la réalisation la plus parfaite qui ait jamais existé.

« Heureuse celle qui a cru. » Les paroles d’Élisabeth se réfèrent avant tout au fiat de Marie lors de l’Annonciation. Ce moment précis a constitué une étape décisive dans son chemin de foi. Par son consentement, la Vierge de Nazareth s’est remise entièrement et librement à Dieu qui, par la voix de l’ange, lui révélait son dessein de salut. Elle s’est donnée à lui dans un complet hommage d’intelligence et de volonté. En apprenant qu’elle allait devenir la mère du Sauveur, Marie n’a pas reçu de grandes lumières sur la manière dont se réaliserait le mystère de notre rédemption. Elle ne s’imaginait peut-être pas que le roi-messie finirait suspendu à la croix. Mais en prononçant son fiat, elle adhérait aux paroles que Dieu lui avait adressées, et se fiait au sens que lui-même leur donnait. Elle lui faisait ainsi l’hommage complet de son intelligence et de sa volonté, en s’appuyant uniquement sur l’autorité divine de celui qui avait daigné se révéler à elle.

Mais pour Marie, l’obéissance de la foi ne s’est pas arrêtée là. Aussitôt après l’Annonciation, avons-nous entendu dans l’Évangile, elle s’est mise en route rapidement. Marie a commencé alors un long pèlerinage dans l’obscurité de la foi, qui a trouvé son paroxysme au Golgotha. Au pied de la croix, la mère du Crucifié s’est trouvée confrontée, humainement parlant, à un démenti total des paroles que Dieu lui avait adressées lors de l’Annonciation. Et pourtant, là encore, elle a cru. Elle s’est remise totalement à Dieu, dans une confiance inébranlable en la parole qui lui avait été dite. Confiance qui devait être récompensée quelques jours plus tard par l’annonce bouleversante de la Résurrection.

Aujourd’hui, Marie n’a plus la foi. Depuis la fin de son pèlerinage sur la terre, elle bénéficie de la claire vision du mystère divin, et elle en est elle-même tout illuminée. La faible lueur de la foi qui l’accompagnait sur la terre a été remplacée par le soleil éblouissant de la sagesse et de l’amour de Dieu. Auprès de son Fils, elle continue à veiller sur nous et elle nous guide dans notre cheminement de foi. En célébrant dans cette eucharistie le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur, nous sommes appelés à nous livrer à lui totalement, comme Marie. Dans la nuit de nos incompréhensions, de nos doutes, la Mère de Dieu est pour nous comme un phare qui vient nous éclairer. À son exemple, remettons-nous à Dieu en toute confiance, et il nous conduira jusqu’au port du salut. Alors la connaissance obscure de la foi débouchera sur celle de la vision éternelle et bienheureuse. Oui, heureux ceux qui auront cru ! Amen.

+ fr. Jean-Vincent Giraud, abbé

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