Homélie pour la solennité de l'Assomption 2020

La solennité de l’Assomption de notre Mère la très sainte Vierge-Marie, nous place devant la vérité de la vie, devant un choix de vie. L’Écriture nous dit que « c’est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l’expérience, ceux qui prennent parti pour lui »1. Comme en écho à cette page de l’Ancien Testament, saint Paul dans le Nouveau affirme : « le salaire du péché, c’est la mort ».

Ces mois passés il a souvent été question de salaires en France. Que ce soit sous l’aspect de la retraite ou bien du salaire de certaines professions, la problématique tourne assez facilement autour de la récompense chez nous autres français. Ceci semble tout à fait évangélique : « le travailleur mérite sont salaire », peut-on lire dans l’évangile. Cependant il faut bien reconnaître que s’il est une récompense qui semble fort peu sollicitée, c’est bien la mort. Celle-ci est plutôt combattue, au moins à partir du moment où une législation, fort défaillante, confirme qu’un être humain est en vie. La vie, elle, se soucie fort peu de ce que pense et dira le législateur : elle est là dès que les conditions pour qu’elle soit sont présentes. Et si l’on sort du cadre purement humain, nous constatons pareillement que la nature reprend volontiers ses droits lorsque l’homme cesse de la piétiner et de prétendre la maîtriser. Oui, le salaire du péché est dramatiquement mortel !

Pourtant la vie ne fait pas non plus le bonheur de tout le monde. Depuis les origines de l’humanité en effet, un être créé s’y oppose de tout son empire et de toutes ses forces. D’ange de lumière qu’il était, cet être a reçu comme représentation dans la tradition la forme rampante d’un reptile repoussant, la plus part du temps signifiée par un serpent. Cet être, mu par la jalousie, s’est inventé une mission : combattre et dérouter la liberté et le sens du bien que Dieu a confiés à l’homme. Le diable vise absolument la destruction de l’homme. Sa jalousie devant la beauté incroyable de l’homme sorti des mains de Dieu l’a conduit à vouloir tromper l’humanité tout entière. Mais Dieu, qui ne change jamais d’avis, a poursuivi son plan d’amour envers l’homme. C’est ainsi que, par la grâce de Dieu, avec l’attente patiente qui peut caractériser l’action d’un Être divin qui ne connaît ni commencement ni fin et qui vit hors du temps, Dieu a créé Marie. Présente de toute éternité dans la pensée divine – comme chacun d’entre nous – cet être d’une grâce encore inimaginée devient réalité créée et entre dans notre histoire.

À l’inverse de la toute première femme Ève, Marie n’a pas dialogué avec le diable. Elle est toujours restée dans la vérité de la lumière divine. C’est librement qu’elle a toujours choisi la lumière. Toujours Marie est restée dans la confiance envers Dieu. Ne doutant jamais de Lui. Confiante envers un Dieu qui lui a fait part d’un projet pourtant incompréhensible, irréalisable, inaudible. Un projet incompréhensible à partir de la raison humaine, non seulement pour une jeune adolescente d’environ 16 ans, mais aussi pour tout être humain. Et justement, ce qui a caractérisé l’action de cette toute jeune vierge, fut de ne pas essayer de comprendre. C’est là, très exactement là, que s’est exprimée sa liberté. À cet instant de l’Annonciation où l’ange attend une réponse, où toute l’humanité est comme retenue en suspension, où Dieu lui-même retient son souffle puissant, Marie fait un choix débordant de confiance et parfaitement libre. Et à cet instant, sans même peut-être s’en rendre compte ni en avoir conscience, Marie nous fait une confidence de la plus haute importance. Sans donner prise au raisonnement, à ce besoin de comprendre qui caractérise si souvent l’être humain et qui la plupart du temps gâche et salit presque tout, Marie nous offre un secret. Non point seulement une méthode. Car nous savons que Marie méditait tout ce qui lui advenait dans son cœur. Elle avait reçu cette disposition aimante de sainte-Anne sa mère qui la lui avait apprise. Mais ici il ne s’agit point de faire. Il s’agit d’être. Marie choisit d’être accueil. Elle entre dans une disposition d’accueil. Elle accueille un projet qui la dépasse absolument. D’une certaine manière on pourrait dire que Marie choisit de ne pas se mêler. Au contraire elle se laisse mêler par Dieu, au plan de Dieu. Et le souffle de Dieu vînt sur elle, et Dieu vînt en Elle. À cet instant précis, Marie fit le choix de la vie dans tous les sens que ce terme peut porter. Ce choix de Marie claqua définitivement la porte sur la queue de l’animal rampant qui peut-être l’épiait non loin de là, cherchant une nouvelle proie à dévorer.

Cet accueil offert par la Vierge-Marie au projet de Dieu, est chanté dans le Magnificat que nous avons entendu dans l’évangile. Chaque mot sort d’un cœur qui médite sans cesse les œuvres de Dieu, avec action de grâce. En ce jour d’exaltation, nous pouvons peut-être retenir en particulier le deuxième verset dans lequel la Vierge perçoit sa toute-petitesse. « Il a regardé l’humilité de sa servante » affirme-t-elle.

Marie a su « y faire » avec Dieu, parce qu’elle a pu lui offrir un cœur totalement vide et pauvre, débordant de confiance. Ce ne sont pas tellement nos vertus, nos mérites et nos efforts qui intéressent Dieu, mais notre pauvreté. Il nous donne tout, même l’amour avec lequel nous l’aimons. Dans ses relations avec les hommes, Dieu cherche surtout des cœurs humbles et brisés qui invoquent son saint Nom. Tout le reste ne fait aucun problème pour Dieu, et il est prêt à déverser sur nous tous les dons de son amour, pourvu que nous soyons humbles et pauvres 2.

Entrons à l’école de Marie : c’est sans doute le plus beau cadeau que nous puissions lui offrir en ce jour de sa fête, elle qui demeure – ne l’oublions pas ! – la Patronne principale de la France, Fille aînée de l’Église.

Amen

1 – Sg 2, 24.
En prière avec Marie, mère de Jésus, Jean LAFRANCE, p. 75.

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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