Assis à la droite du Père | Homélie du 9 mai 2024
Jésus « fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu. » Ce verset que nous venons d’entendre, et qui est presque le dernier de l’évangile de saint Marc, nous rappelle une phrase du credo que nous avons l’habitude de réciter chaque dimanche. Le symbole de Nicée-Constantinople l’exprime ainsi : « Il monta au ciel. Il est assis à la droite du Père ». Quant au symbole des apôtres, il enseigne lui aussi que Jésus « est monté aux cieux, [qu’il] est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant ». Ces formulations, frères et sœurs, nous les connaissons par cœur. Et si nous n’y prenons pas garde, nous risquons de les réciter machinalement sans même comprendre leur signification.
Au jour de son ascension, Jésus a pris place à la droite de Dieu. On pourrait penser que cette précision protocolaire sur la place réservée au Christ dans le banquet céleste n’est qu’un détail sans importance, dont l’évangile de Marc est si coutumier. Pourtant saint Paul rappelle lui aussi, dans plusieurs de ses lettres (Rm 8, 34 ; Ep 1, 20 ; Col 3, 1), que le Christ est assis à la droite de Dieu. Et saint Pierre, de même (1 P 3, 22). Quant à l’épître aux Hébreux, elle ne répète pas moins de cinq fois que Jésus s’est assis à la droite de la Majesté divine dans les cieux (He 1,3 ; 1,13 ; 8,1 ; 10,12 ; 12,2). Ce détail n’est donc peut-être pas aussi insignifiant qu’il n’y paraît. Qu’est-ce donc que cette session à la droite du Père ?
Tout d’abord, on peut remarquer qu’avant les apôtres, Jésus lui-même a annoncé qu’il siégerait à la droite de Dieu, alors qu’il était interrogé devant le sanhédrin au cours de sa passion. « Vous verrez le Fils de l’homme siéger à la droite du Tout-Puissant. » (Mc 14, 63). Et quelque temps auparavant, dans une controverse avec les pharisiens, Jésus s’était déjà appliqué à lui-même un psaume messianique évoquant cette place à la droite du Père : « Le Seigneur [il s’agit ici de Dieu] a dit à mon seigneur [il s’agit cette fois du Christ] : Siège à ma droite. » (Mc 12, 36 et Ps 109, 1). David avait donc annoncé que le messie siégerait à la droite de Dieu. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Je suis bien désolé pour ceux d’entre vous qui seraient gauchers, mais je dois maintenant révéler une vérité qui ne leur sera pas facile à entendre. Dieu est droitier. Toute l’Écriture en témoigne. Quand elle veut évoquer la force du Seigneur et la puissance de son bras, c’est sa droite qu’elle mentionne. Après la traversée de la mer Rouge, les Hébreux chantaient déjà pour le Dieu d’Israël : « Ta droite, Seigneur, magnifique en sa force, ta droite, Seigneur, écrase l’ennemi. » (Ex 15, 6). Et dans son discours du jour de la Pentecôte, Pierre affirme devant tout le peuple que Jésus a été exalté par la droite de Dieu (Ac 2, 33), comme l’avait annoncé le psaume 117. La main droite de Dieu est donc le symbole de sa puissance. Elle protège ceux qui sont assis à son côté.
La place de droite est la place où l’on est en sécurité auprès de Dieu. C’est pourquoi le psalmiste déclare au Seigneur : « À ta droite, éternité de délices ! » (Ps 15, 11). Et lors du jugement dernier, c’est à la droite du Roi que seront placées les brebis fidèles, pour recevoir le royaume préparé pour elles depuis la fondation du monde. La droite de Dieu est donc le lieu du salut éternel, le lieu où les hommes sont associés pour toujours à la vie divine.
En prenant place à la droite du Père, le Christ est entré avec son corps, reçu de la Vierge Marie, dans la gloire qui est la sienne depuis toujours en tant que Fils de Dieu. Quand nous proclamons que Jésus s’est assis à la droite du Père, nous affirmons qu’en lui, notre humanité est désormais associée à la gloire divine. Le Christ, qui est notre tête, vit déjà dans la gloire. Si la tête est glorifiée, les membres ne tarderont pas à l’être également. C’est pourquoi la fête de l’Ascension que nous célébrons aujourd’hui soutient notre espérance. Nous savons que nous siégerons un jour avec Jésus à la droite de Dieu.
Comme l’exprime si bien l’anamnèse qui suit immédiatement la consécration, dans le mystère eucharistique, nous faisons mémoire de la passion bienheureuse du Fils de Dieu, de sa résurrection du séjour des morts, mais aussi de sa glorieuse ascension dans le ciel. Le mystère pascal ne s’arrête pas à la découverte du tombeau vide, mais il nous entraîne jusque dans les hauteurs célestes où notre tête siège désormais à la droite du Père. Et ce mystère nous est rendu présent dans cette eucharistie. En recevant l’hostie consacrée, nous communions à la vie de celui qui est notre tête et dont la grâce irrigue le corps tout entier. Nous participons déjà, de manière invisible, à sa vie céleste, jusqu’au jour où nous siégerons avec lui dans les hauteurs des cieux. Alors, tout illuminés par la splendeur de sa gloire, nous chanterons la louange de celui qui règne avec le Père et le Saint-Esprit pour les siècles des siècles. Amen.
+ fr. Jean-Vincent Giraud, abbé