Homélie pour la Vigile pascale, 3 avril 2021
Que s’est-il donc passé dans le tombeau du Christ, voici environ deux mille ans, durant les premières heures du premier jour de la semaine ?
La froideur de pierres monumentales avait transmis depuis un peu plus de 24 heures ses propriétés physiques au corps sans vie de Jésus. Son cadavre gisait là, entouré d’un linceul. Sa tête avait été délicatement serrée dans un suaire qui buvait depuis tout aussi longtemps la sueur mêlée de sang qui s’épanchait de cette tête sacrée martyrisée. À l’entrée du tombeau, une énorme pierre venait sceller de pudeur le silence intime dans lequel allait bientôt se produire un mystère tout à fait ineffable. Jamais rien de semblable n’avait encore eu lieu. Le jour de la création de la résurrection allait bientôt se lever. Tout dans ce décor l’attendait. Jamais rien d’inanimé comme ces pierres, ses tissus, ce lieu, n’avait attendu avec plus d’âme cet instant connu de Dieu, préparé par Lui de toute éternité. Jour unique entre tous où le souffle de l’Esprit allait ressusciter le Fils mort, né de la Vierge, et rouvrir éternellement à l’humanité entière l’accès à la Vie avec Dieu.
Jusque-là, rien n’avait encore de sens. Tout semblait terminé, sinon dans l’âme de quelques femmes venues les premières à ce tombeau afin d’embaumer pour la seconde fois Jésus. Embaumé vivant d’un nard de valeur convoitée, elles voulaient l’embaumer encore, tant de leurs cœurs éplorés, d’une valeur autrement supérieure, que d’aromates fraîchement préparés.
Chez ces femmes, quelque chose ne s’était pas décidé à mourir. Elles qui n’avaient pas cessé de tourner autour de Jésus depuis qu’elles l’avaient rencontré, il leur fallait encore venir s’occuper de son cadavre.
Les hommes, eux, avaient tourné la page. Ils n’étaient pas trop fiers d’eux et n’avaient pas du tout envie d’aller au tombeau. Pour eux aussi un silence lourd fermait l’entrée de leur cœur, tandis qu’une transformation secrète se préparait, elle aussi, dans l’intime de leur cœur. Mais cette transformation-là, ils ne s’y attendaient pas. Tous étaient comme pétrifiés de souvenirs remplis de Jésus. Il manquait juste Jésus !
Et Jésus savait tout cela. À leur insu, Jésus les regardait, sachant bien ce qu’il allait faire. Tout comme ce jeudi saint où il avait institué le sacrement du sacerdoce et de sa présence perpétuelle. Ça allait leur faire un coup, comme on dit. Et quel coup. Jésus le savait. Alors dans son ineffable bienveillance, Jésus y est allé tout doucement, respectant l’humaine lenteur dont il avait fait l’expérience quotidienne pendant prêt de 30 années.
Et voici que son corps fut ressuscité par le Père sous l’action de l’Esprit Saint. De même qu’aucune parole que Dieu prononce ne peut rester sans effet selon la parole de l’ange Gabriel à Marie au jour de l’Annonciation, le Verbe de Dieu fait chair « reprend parole ». Et tout à coup Jésus entre dans l’éternité de la résurrection. Il devient méconnaissable aux yeux vides de foi. Dans sa bienveillance, Jésus doit encore voiler sa divinité pour ne pas risquer d’abîmer ses créatures mortelles, dont le regard était encore trop fragile. Alors ce sont des anges qui furent mandatés pour faire les intermédiaires. Jésus dans sa tendre bienveillance les a choisis sachant que ce serait un peu moins violent pour ses chères créatures qu’il chérit passionnément ! Moins violent, mais pas moins effrayant comme le rapporte l’évangile : « Ne soyez pas effrayées ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n’est pas ici. Voici l’endroit où on l’avait déposé. Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit” ».
N’en disons pas plus, et laissons le Ressuscité préparer la rencontre officielle.
Amen, alléluia !
frère Laurent de Trogoff +, prieur administrateur