Homélie pour la Vigile Pascale 2022

Un silence lourd de 50 millions de volts ! Fascinante association d’un vide de son et d’une puissance lumineuse phénoménale « incirconscriptible ». Du rien avec de l’immensité. D’après les études scientifiques récentes une telle énergie aurait permis de fixer sur le suaire qui enveloppait le corps de Jésus mort crucifié, l’image que propose aujourd’hui à nos regards, et peut-être aussi à notre foi, le suaire de Turin. Un éblouissant flash lumineux dans une chambre noire, une chambre mortuaire, un tombeau de pierres scellées. Telle est la scène mystérieuse que laisse derrière lui Jésus à l’instant de sa résurrection : une image dans un tissu. Si bien que sa résurrection a pu être cinématographiquement représentée par un souffle au travers d’un linge qui retombe doucement. Une image. Celle d’un homme martyrisé au dernier degré, celle d’un Dieu fait homme. Celle d’un homme dont l’image nous parle d’un Dieu qui s’est donné tout entier dans son propre don.


Ce linge est, sur toutes les horloges créées de l’humanité, le seul témoin végétal temporel de cet instant de la résurrection. Et cela jusqu’à la consommation des siècles. Une image que Dieu a voulu préserver pour nous. Après nous avoir tout donné dans son Fils, Dieu nous donne l’image créée de notre salut, le Christ mort ressuscitant. Quel mystère ! Quel amour !

Ce linge, les femmes ne l’ont pas même regardé ni chercher. Ces femmes choisies depuis les siècles des siècles, ces femmes au cœur meurtri par la fin tragique de Celui qu’elles se sont mis à suivre ; ces femmes probablement assez jeunes pour se lever au petit matin ; ces femmes enfin, choisies de toute éternité pour cet instant, cherchent est un corps mort. Un corps et non pas une image incrustée dans un linge, une image dont elles n’ont à vrai dire pas même idée ni intuition. Mais elles ne rencontrent qu’une absence. Une lumière inaccessible a emporté leur Maître dans le silence d’un tombeau vide. Pour l’heure, les femmes n’ont donc rien d’autre entre leurs mains aromatophores que le souvenir d’un cadavre à embaumer. Elles cherchent un mort. Il va falloir une rencontre, non pas devant un linge, met face à face avec Celui dont parle l’image du fameux suaire.

En cet instant Jésus nimbé de la lumière divine et glorieuse de la résurrection, regarde ces femmes, et surtout leur cœur déchiré par une absence imprévue d’elle, et par une incompréhension plus douloureuse encore. En cet instant, Jésus prépare cette rencontre nécessaire et qu’il désire. Car tant que l’on n’a pas rencontré le Ressuscité, quelque chose en nous attend !

Par un effet de compassion Dieu envoie une autre lumière, tout aussi surnaturelle, mais angélique cette fois-ci. Ces femmes rencontrent donc les premiers témoins de la résurrection que sont les anges. Un aimable et chaste dialogue s’instaure alors entre toutes ces créatures au sujet de Jésus.

Car c’est toujours une rencontre qui ouvre sur le Christ. Tout avait commencé ainsi, au tout début de la vie publique de Jésus, avec le témoignage de Jean le Baptiste auprès des premiers disciples. Cette fois-ci deux êtres de lumière annoncent la lumière de la résurrection qui rouvre le chemin vers notre Père. Créé dans le Christ, toute chose est réparée, recréée, sauvée, magnifiée en la résurrection glorieuse et lumineuse de ce même Christ. Ressuscité, le Christ apparaît avec évidence comme l’origine, le centre, le terme, la consommation, la récapitulation de toute chose selon l’ordre voulu par Dieu.


De la rencontre angélique naît l’entrevue des femmes avec les apôtres incrédules, rencontre qui pousse Pierre au tombeau nous dit saint Luc. Arrivé là Pierre ne rencontre que des pierres, merveilleux reflet de lui même dont le cœur dur et lent demeure incrédule. Pour reconnaître le miracle il va lui falloir, comme pour chacun de nous, mourir à soi-même. Son regard pourtant se pose sur les linges. Mais sa curiosité sommeille dans le doute. Et Jésus qui regarde tout cela prépare la rencontre, celle qui change toute la vie de ceux qui la reçoivent !


Puissions-nous donc nous aussi le rencontrer, l’entendre, le laisser nous saisir pour pouvoir à notre tour témoigner de sa résurrection, dans la joie !


Amen, alléluia !

+ frère Laurent de Trogoff, prieur administrateur

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